CHAN 565 AP 9
Correspondance familiale
Lettres de Madame de Souza à son fils Charles de Flahaut
Dossier 1 : une lettre de 1801
Lettre de Madame de Flahaut
A son fils Charles de Flahaut
Sans date (1801)
J’ai reçu votre lettre de Mayence my dear Charles et elle m’a fait un plaisir que je ne saurais vous exprimer, elle est bonne, tendre , enfin elle me fait espérer avoir en vous un ami et qu’aussi à l’avenir je serai votre amie ; mon expérience guidera votre jeunesse ; mais, lors même que vous ne suiviez pas mes avis, venez encore me le dire, mon enfant afin que ma tendresse console vos peines et répare vos fautes. Je veux être votre meilleure amie et à présent que vos lettres me persuadent que vous êtes raisonnable, ne craignez plus d’être grondé ; dites-vous bien qu’il n’y aurait pour moi de peines inconsolables que par des fautes qui entraîneraient le malheur de votre vie entière . Dieu merci celles-là sont rares tant que vous pourrez dire comme François premier après la bataille de Pavie lorsqu’il fut fait prisonnier « Tout est perdu sauf l’honneur » Soyez certain que tout peut se réparer et c’est à sa mère qu’il écrivait ainsi. Mon enfant, soyez loyal toujours avec la dernière des femmes comme avec les plus braves des hommes ; que votre parole n’acquiert pas de valeur par la personne qui la reçoit, mais qu’elle tienne toute sa force de vous qui la donnez ; les petits esprits persiflent mais les âmes fortes et généreuses vous adopteront mon enfant ; tout ce que je possède est à vous ; c’est peu parce que je suis pauvre mais c’est ma fortune et ma vie ; ne jouez pas car je vendrais jusqu’à mon dernier sol pour payer toutes vos dettes, et mon malheur vous ferait trop sentir l’étendue du vôtre , punirait trop vos fautes.
Continuez à être aux petits soins avec Louis, qu’il distingue en vous les attentions de l’amitié et de la bonne éducation. Follin comme capitaine doit toujours avoir la première place , mais celle du coeur tu peux l’obtenir sans même que Louis s’en rende compte. Jérôme, Mme Bonaparte, m’ont dit qu’il t’aimait beaucoup et ne cessait de dire du bien de toi ; cela m’a fait bien plaisir.
Si tu vois le prince Ferdinand, trouve le moyen en parlant de M du Tillet de dire que ta mère est l’auteur d’Adèle de Senange ; brûle cette ligne je t’en prie et tout de suite mais ce prince de Prusse s’était avisé d’aimer beaucoup Adèle et il en aura intérêt pour toi ; il avait proposé à M du Tillet de s’attacher à sa personne. S’il t’en offrait autant, remercie avec reconnaissance, sensibilité mais souviens-toi que ton bras et ta vie appartiennent à la France , et qu’avec ce sentiment généreux , il t’en estimera davantage.
Adieu, mon bon ami, brûle cette lettre , accoutume-toi à vivre avec des hommes ; ils sont moins doux , moins sensibles qu’une mère , mais il faut bien te faire à leur société.
Adieu, mon enfant, mon cher enfant .
Ah ! si tu n’avais jamais été rue du Bac, ton esprit, ta réputation et ton bonheur, en vaudraient mieux, mais ton coeur est pur, sensible, et avec de la volonté , tu rafermiras plus sûrement que si tu n’avais jamais eu de… D’ailleurs, tu n’as qu’une réputation de ..d’ergotage Mais la probité est entière c’est tout ce qu’il faut. Adieu, écris-moi toujours tout ce que tu fais , ce que tu penses des hommes et des choses, sois poli comme un homme bien élevé doit toujours l’être, modeste comme un sous-lieutenant , .. , comme ton père et moi t’avons appris à l’être
Mille et mille tendres compliments à Louis ; mon enfant quelle joie extrême lorsque je te reverrai.
Adieu mon bon, mon cher Charles , que ne m’est-il accordé de pouvoir donner ma vie pour assurer ton bonheur, mais crois-moi, sois certain que si tu acquiers la réputation de ne jamais dire un mot qui ne soit exactement vrai, de ne jamais faire une promesse sans la tenir malgré ton jeune âge, tu seras respecté , oui respecté par tout le monde. Mais aussi mon enfant avant de contracter un engagement sérieux , prends le temps de consulter ta mère qui n’existe que pour toi.
Je t’en prie, brûle cette lettre.