lettre de Madame de Souza à la comtesse d’Albany | Paris, le 26 mai 1814

La Comtesse d’Albany
Lettres inédites de Madame de Souza (et d’autres…)
(Le Portefeuille de la comtesse d’Albany : 1806-1824, par Léon-G. Pélissier)


 Les annotations (en italique) sont de Léon-G. Pélissier ; Les passages [entre crochets] sont dans Saint-René Taillandier ; « Néné » est le surnom que Mme de Souza a donné à Charles de Flahaut, son fils ; les sujets concernant Charles de Flahaut sont reproduits en rouge ; l’orthographe ancienne est respectée.

 lettre de Madame de Souza à la comtesse d’Albany
Paris, le 26 mai 1814

 

J’ai vu votre pauvre soeur pour la première fois hier, ma très chère ; elle est bien malheureuse et bien jeaune ; c’est une perte affreuse pour une mère (Il s’agit évidemment ici de la mort d’un enfant de Mme d’Arberg, comme le contexte le prouve. Mais lequel ? Reumont et autres biographes ne donnent que deux filles à cette dame.) mais je ne crois point que vous personnellement vous en soyés désolée. Ses soeurs m’ont paru assez tranquilles ; cependant Mme Kleine est je crois touchée au fond de l’âme surtout de la douleur de sa mère.

[Je voudrais bien que tout ce qui est ici eut fait une habitude de lire l’histoire comme vous ; voilà tout ce que je puis répondre à votre grande lettre. (On sent poindre entre les deux amies le désaccord politique qui ira jusqu’à la brouille momentanée.) Pour moi, je me suis mise à faire un roman : cela m’amuse et me distrait.]

[Madame de Staël est ici, et son sallon (ceci entre nous ; ne me répondés même pas là-dessus) est déjà devenu un objet d’inquiétude. (Voir un rapport du comte Anglès (20 septembre 1814), publié par G.Didot, Royauté ou Empire, p.131 et suiv.) On y parle beaucoup constitution et idées libéralles. C’est dangereux dans ce moment, d’autant que le roi ne peut pas avoir de ces libéralités qui aplanissent les obstacles. Je ne l’ai pas encore vüe.] Charles me paraît un peu sous la remise, mais, comme il est lieutenant général depuis un an, il n’a pas fort à désirer. Je crois que l’on fera bien peu pour le fils de notre amie ; (Eugène de Beauharnais) mais il sort de tout ceci avec un belle et noble réputation, c’est beaucoup.

Adieu, ma bonne et très bonne amie, je ne vous en écris (Ou écrirai. Le mot forme un griffonage illisible.) pas bien long aujourd’huy, parce que j’ai très mal à la tête, pour m’être donné un coup abominable. ce ne sera cependant rien, et je n’y penserai plus quand vous recevrai (sic) cette lettre.

Mille complimens à M Fabre. Quand nous reviendrés-vous ? ce sera la plus grande joie que je puisse avoir. [Monsieur le duc d’Orléans (Et bien lui prenait d’être bien taisonnable, car il était suspect à ses cousins et ses moindres actes étaient surveillés. Il avait l’attitude la plus correcte et la plus réservée, ne s’était donné ni maîtresse ni confesseur, et Talleyrand disait de lui : « C’est un prince mou et sans caractère. » Mais son parti se formait déjà.) est arrivé : il est bien raisonnable. Adieu encore ma bonne, mon excellente amie, je vous aime de tout, tout mon coeur.

[Le portefeuille de Mme d’Albany]