lettre de Madame de Souza à la comtesse d’Albany le 4 décembre ?

La Comtesse d’Albany
Lettres inédites de Madame de Souza (et d’autres…)
(Le Portefeuille de la comtesse d’Albany : 1806-1824, par Léon-G. Pélissier)


 Les annotations (en italique) sont de Léon-G. Pélissier ; Les passages [entre crochets] sont dans Saint-René Taillandier ; « Néné » est le surnom que Mme de Souza a donné à Charles de Flahaut, son fils ; les sujets concernant Charles de Flahaut sont reproduits en rouge ; l’orthographe ancienne est respectée.

 lettre de Madame de Souza à la comtesse d’Albany
le 4 décembre ?

 

Je crois si bien à votre amitié pour moi, ma chère amie, que je me crois obligée de vous parler de ma santé. Elle se rétablit peu à peu, mais il fait un tems affreux, et qui à lui tout seul rendroit triste, si même il ne me restoit pas un peu de faiblesse. Imaginez un brouillard gris : hier au soir dans les rues, on ne se voyait pas. Combien M Fabre jouira du beau ciel de Florence, en pensant à notre grisaille.

Votre protégé est déjà renvoyé de chez M Merlin : les premiers quinze jours il a été très bien ; mais malheureusement pour lui, son maître a été à Grosbois ; on lui a donné dix-huit francs pour la nourriture des chevaux, et, ce que vous ne saviez pas, c’est que dès qu’il voit de l’argent, il pense à boire. Il a donc bu, et si bien, qu’il a mené les chevaux par dessus deux grosses pierres ; qu’ils se sont abbattus, blessés. Un des deux est encore sur la litière ; et le protégé renvoyé. La femme est venue pleurer, mais M Merlin a été inflexible. Et les quatre charmans enfants sont vraisemblablement sans pain.

Je n’aime pas à savoir cela. Il y en a sûrement bien d’autres dans la même situation ; mais je l’ignore, au lieu que ces malheurs que je connais me reviennent souvent à l’esprit.

M Merlin a été aux infformations, et il lui a été prouvé que ce serait l’excellent cocher d’un maître qui ne paierait pas ses gens. Tant qu’il a un sol, il faut qu’il le boive.

Mais en voilà assez sur ce mauvais père. Comment êtes-vous ? Avez-vous vu la petite et les soeurs ? Que votre amitié me le pardonne, mais quelquefois je désirerois que vous vous ennuyassiez à Florence ! Revenez-nous, ma bonne amie. Voilà le commencement et la fin de toutes mes lettres.

Mille complimens à M Fabre. Mme Oginska et son époux sont venus me voir. Cette grosse figure du mari est la caricature du beau portrait qu’en a fait M Fabre. Ah ! si à son retour, il m’embellit Charles comme cela, je serai bien contente. Il est encore plus flatté que Mme Gaide qui ne l’est pas mal. Adieu, chère, chère amie, je vous aime de toute mon âme, et je compte les jours jusqu’à votre retour. Mille hommages de la table ronde.

[Le portefeuille de Mme d’Albany]