lettre de Madame de Souza à la comtesse d’Albany | le 28 octobre 1812

La Comtesse d’Albany
Lettres inédites de Madame de Souza (et d’autres…)
(Le Portefeuille de la comtesse d’Albany : 1806-1824, par Léon-G. Pélissier)


 Les annotations (en italique) sont de Léon-G. Pélissier ; Les passages [entre crochets] sont dans Saint-René Taillandier ; « Néné » est le surnom que Mme de Souza a donné à Charles de Flahaut, son fils ; les sujets concernant Charles de Flahaut sont reproduits en rouge ; l’orthographe ancienne est respectée.

 lettre de Madame de Souza à la comtesse d’Albany
le 28 octobre 1812

 

[Ma bonne, ma chère amie, j’ai reçu votre portrait avec une reconnoissance et un plaisir sensible. La voisine le trouve charmant ; tout le monde se récrie sur ce bonnet, ce schall faits d’une manière admirable. On trouve ma bonne amie un peu sérieuse, mais on dit : « C’est sa faute », et tout le monde admire le pinceau de M Fabre, et ses chaires si admirables. Enfin, je suis bien contente, et je le remercie et vous aussi de tout mon coeur. Votre portrait sera près de mon fauteuil, et ne me quittera jamais], ma bonne, mon excellente amie.

J’ai des nouvelles de Néné jusqu’au 8. Il se portoit bien. Cependant, il avait eu un peu de goute. Quel éloignement, ma chère ! Et quand je pense que, lorsqu’on parlera de retour, il faudra se dire : « Dans un mois nous nous reverrons ! » C’est une terrible chose. J’espérois que M de Corsini m’auroit apporté une lettre de vous, mais vous n’avez pas voulu que ma joie fût complette.

[La casa vous offre ses respectueux et tendres hommages. Chacun a pris, tourné, examiné, envié votre portrait, et tout le monde m’a chargé de complimenter M Fabre et de remercier mon excellente amie.]

J’attends votre jeune personne. Je feroi ce que je pourroi pour lui être utile, mais dans l’hiver l’herbe est courte partout ; et notre soleil est dans son tour du monde. Je sais que la bonne personne (Joséphine n’était rentrée à la Malmaison que le 25 octobre, retour de Prégny et de Genève et était fort inquiète des conséquences de la conspiration Malet.) à laquelle vous voudriez que je la recommandasses fait des réformes au lieu d’augmentation. La dame du lundi sera un peu embarrassée de ses phrases sentimentales, que je dirai bien à la petite (Cette petite, victime des phrases sentimentales dont il a déjà été question ailleurs, n’est pas la même que la jeune personne citée plus haut. Ces allusions sont fort obscures.) de paraître toujours croire au pied (Manus. péied) de la lettre.

Laneuville vient aujourd’huy chercher votre portrait et j’ai là votre lettre pour lui lire vos instructions.

Adieu, ma bonne, ma chère amie, je vous aime avec une tendresse que je ne puis vous exprimer ; mais je suis triste de voir toutes mes affections si loin de moi, et la vie se passe, comme cela. Ne pensés-vous pas, fût-ce dans le lointain le plus éloigné, ne pensés-vous pas à me revenir.

Adieu, ma bonne amie, dites-moi un seul mot sur ce retour, dont je ferai ma seule espérance. Votre sénateur Venturi est un peu lourd. Je le crois menacé d’une appoplexie phisique, la morale est frappée depuis longtems. Il est même sur ce point en paralisie complette, et s’il se réveille de tems en tems, c’est pour se lever et s’aller regarder dans une glace.

[Encore mille remercimens à vous, mon excellente amie, et à M Fabre. Nous avons bu à votre santé, à la sienne, le lendemain de l’arrivée du portrait dans la maison ; mais c’est à votre retour que j’aurois bu à en perdre un peu la raison, si vous m’aviés désigné cet heureux jour.]

[Le portefeuille de Mme d’Albany]