Duchesse de Dino | Chronique de 1831 à 1862 | tome III

Duchesse de Dino

Chronique de 1831 à 1862,
publiée par la princesse Radziwill, née Castellane

Tome III (1841 – 1850)

Rochecotte, 15 février 1841
Rochecotte, 26 février 1841
Rochecotte, 3 mars 1841
Rochecotte, 16 mars 1841
Paris, 9 avril 1841
Paris, 5 mai 1841
Vienne, 10 juin 1841
Vienne, 15 juin 1841
Vienne, 16 juin 1841
Hohlstein, 13 juillet 1841
Günthersdorf, 6 août 1841
Johannisberg, 13 septembre 1841
Johannisberg, 14 septembre 1841
Paris, 20 septembre 1841
Paris, 1er octobre 1841
Paris, 28 juillet 1842
Rochecotte, 21 février 1843
Vienne, 24 novembre 1843
Berlin, 23 février 1844

Rochecotte, 15 février 1841
« Mme de Flahaut n’est occupée qu’à attirer le faubourg Saint-germain chez elle ; cela donne beaucoup d’humeur à M. le duc d’Orléans : mais comme les Princes ne vont plus dans les salons, Mme de Flahaut dit qu’elle ne continuera pas à sacrifier ses goûts aux fantaisies de M. le duc d’Orléans. Emilie, sa fille, qui gouverne la maison, pousse dans ce sens-là. Les jeudis, on danse chez Mme de Flahaut : on disait, chez la marquise de Caraman, que c’étaient des bals de jeunes personnes ; à cela, la Marquise a repris : et de jeunes femmes, car j’y suis priée. Là-dessus, on s’est souvenu de son extrait de baptême, qu’on n’a pas trouvé d’accord avec cette prétention ! »

Rochecotte, 26 février 1841
« On m’écrit, de Paris, qu’il y a eu chez Mme Le Hon un bal très bien composé ; qu’à présent, elle et Mme de Flahaut cherchent à épurer leur salon et à y atirer le faubourg Saint-Germain ; qu’on espère, à cet égard, une sorte de réaction, que l’on veut absolument être du grand monde, qu’on dédaigne ceux qu’on recherchait et qu’on courtise ceux qu’on dédaignait. »

Rochecotte, 3 mars 1841
« Le duc de Noailles m’écrit que M. de Flahaut fait une cour assidue à M. Guizot, partout, et surtout chaque soir, chez Mme de Lieven, où ses prévenances commencent dès la porte. Bref, il lui paraît dévoué comme il l’était à M. Thiers ; cependant, il n’aura Vienne que si Sainte-Aulaire va à Londres, et pour cela, il faut que M. de Broglie, qu’on presse d’accepter Londres, continue de s’y refuser. »

Rochecotte, 16 mars 1841
« Adèle de Flahaut se meure. Le père est comme un fou ; la mère a le courage d’un homme. »

Paris, 9 avril 1841
« La Princesse assure qu’il n’y a rien du tout de décidé pour les mouvements diplomatiques, si ce n’est que Sainte-Aulaire ira à Londres et Flahaut à Naples ; le reste est très au hasard. « 

Paris, 5 mai 1841
« Le Roi veut envoyer Montebello à Vienne, mais M. Guizot, poussé par Mme de Lieven, veut que Vienne soit donné à M. de Flahaut. Il cicule beaucoup que Mme de Lieven fait et défait les ambassadeurs, et les cris, contre elle, dans le Corps diplomatique français, sont violents. »

Vienne, 10 juin 1841
« Le choix de M. de Flahaut comme ambassadeur de France ici, qui semble de plus en plus probable, d’après les dernières nouvelles de Paris, est généralement redouté. Pour désarmer cette opinion, Mme de Flahau a écrit à lord Beauvale, ambassadeur d’Angleterre, qu’il ne fallait pas s’éffaroucher de l’arrivée de son mari puisqu’elle ne pourrait l’y suivre de longtemps ! Je trouve cette façon de se faire accepter incomparable ! »

Vienne, 15 juin 1841
« Louis de Sainte-Aulaire est venu me voir hier matin. Il m’a conté que la maladie du maréchal Soult, dont parlent les gazettes, tient moins au rejet de la loi de recrutement, contre laquelle M. le duc d’Orléans a voté publiquement, qu’à une colère patenelle. Il a regardé la nomination de M. de Flahaut à Vienne comme un passe-droit fait à son fils. Il menaçait de se retirer, et on ne sait pas si M. de Flahaut aura la gloire de causer une dislocation du Cabinet, ou bien s’il lui faudra définitivement renoncer à Vienne. M. Bresson était parti de Paris pour Berlin de fort mauvaise humeur. »

Vienne, 16 juin 1841
« M. de Flahaut a été proposé pour Vienne ; on l’y accepte avec peu d’empressement. En tout cas, il ne peut encore y avoir ici ni mutations, ni nominations, car le poste de Londres restant vacant, vu que lord Palmerston suspend la clôture de l’affaire d’Orient, rien ne se fera avant l’envoi de Sainte-Aulaire à Londres. »

Hohlstein, 13 juillet 1841
« J’ai reçu une lettre de Mme d’Albuféra, dont voici quelques passages : « Mme de Flahaut part demain, avec ses filles, pour Ems ; elle est bien affectée de ce qui se passe au sujet de son mari. Hier, elle était en larmes, à Beauséjour, chez la princesse de Lieven. Il ne paraît que trop décidé qu’ils n’iront pas à Vienne. On pense assez que ce sera M. Bresson et que le marquis de Dalmatie lui succédera à Berlin ; resteraient Turin et Madrid à donner : Mme de Flahaut m’a dit que si on proposait l’un ou l’autre à son mari, elle est d’avis de refuser, mais que c’est à lui de décider ; je sais que ses amis l’engageraient à accepter. Il reste à Paris pour attendre la fin de tout ceci ; il dissimule ses peines mieux que sa femme, mais on voit qu’il souffre de plus d’une manière. Il n’est pas question de Naples, où on dit que le Roi ne veut pas d’eux.
Tout ce qui se passe en Angleterre ajoute à la tristesse de Mme de Flahaut : le triomphe des Tories paraît sûr, et la déchéance des Whigs inévitables. »

Günthersdorf, 6 août 1841
« J’ai reçu hier une lettre de M. Bresson qui me dit : « Rien de positif à Paris ; M. de Flahaut a refusé Turin et il évite de se prononcer sur l’offre de Madrid ; il s’en tient, dit-il, à la promesse qui lui a été faite de Vienne, ce que M. Guizot n’admet pas. Faite ou non, il se donne tout le mouvement possible pour qu’elle s’accomplisse, et Mme de Flahaut guette, d’Ems, l’arrivée de M. et de Mme de Metternich au Johannisberg. Pour moi, je conserve mon attitude expectante, fort décidé à ne quitter Berlin que pour Vienne ou Londres. » »

Johannisberg, 13 septembre 1841
« M. de Metternich reçoit des lettres humbles de M. de Flahaut, et commence à trouver qu’un Ambassadeur qui fait d’avance des platitudes doit être plus facile à manier que tout autre. Du reste, rien n’est encore officiellement connu sur le mouvement diplomatique français. On attend aujourd’hui les Apponyi, venant de Paris, et s’arrêtant ici avant de se rendre en congé en Hongrie ; ils apporteront, croit-on, quelque chose de positif sur la nomination de l’Ambassdeur de France à Vienne. »

Johannisberg, 14 septembre 1841
« Le prince de Metternich a réçu, hier, la nouvelle officielle de la nomination de M. de Flahaut à l’ambassade de Vienne : cela lui plaît médiocrement. Le reste du mouvement diplomatique français n’était pas connu. »

Paris, 20 septembre 1841
« Sainte-Aulaire est parti, il y a quarante-huit heures, pour son nouveau poste à Londres. Sa femme ne le rejoindra qu’au mois de février, et Mme de Flahaut n’ira à Vienne qu’après avoir marié sa fille Emilie, pour laquelle il ne se présente pas encore d’épouseur. »

Paris, 1er octobre 1841
« M. Guizot explique comme ceci les deux nominations, assez singulières, de M. de Flahaut, comme ambassadeur à Vienne, et de M. de Salvandy à Madrid. C’est qu’il a trouvé de bonne politique d’enlever l’un à Thiers et l’autre à M. Molé. C’est une admirable explication, et très utile aux intérêts du pays ! »

Paris, 28 juillet 1842
« Il y a une dépêche de M. de Flahaut, qui dit qu’à la suite de sa chute de l’année dernière, Mgr le Duc de Bordeaux non seulement boite toujours, mais qu’il s’est formé un abcès dans la cuisse qui ne lui permet pas de prendre les bains de mer à Triestre, où il a fait décommander la maison qui, déjà, était retenue pour lui. »

Rochecotte, 21 février 1843
« Les Flahaut ont donné deux fort beaux bals, à l’un desquels, lui, ayant voulu valser avec la princesse Paul Esterhazy, l’élasticité leur ayant manqué à tous deux, ils sont tombés tout de leur long. Cela a semblé assez ridicule. »

Vienne, 24 novembre 1843
« Medem, M. de Flahaut, Paul et Maurice Esterhazy, le maréchal Marmont viennent souvent chez moi à la fin de la matinée. »

Berlin, 23 février 1844
« On me mande de Vienne que Mme de Flahaut se met à protéger les jeunes Hongrois qui font du train à la diète de Presbourg, qu’elle loue leurs discours d’opposition, qu’elle les encourage à venir la voir. A Vienne, on n’en est encore qu’à la surprise, mais cela n’en restera pas là. Vraiment cette femme n’a pas une fibre diplomatique dans toute sa sèche organisation. »