Duchesse de Dino | Chronique de 1831 à 1862 | tome II

Duchesse de Dino

Chronique de 1831 à 1862,
publiée par la princesse Radziwill, née Castellane

Tome II (1836 – 1840)

Paris, 4 janvier 1836
Paris, 10 février 1836
Paris, 11 février 1836
Paris, 27 avril 1837
Paris, 5 juin 1837
Paris, 8 juin 1837
Valençay, 1er juillet 1837
Valençay, 5 août 1837
Valençay, 12 septembre 1837
Paris, 10 février 1838
Paris, 11 février 1838
Paris, 15 février 1838
Paris, 8 mars 1838
Paris, 7 septembre 1838
Loebichau, 1er août 1840
Bade, 10 août 1840
Bade, 20 août 1840
Paris, 10 septembre 1840
Valençay, 25 septembre 1840
Rochecotte, 6 octobre 1840
Rochecotte, 23 octobre 1840
Rochecotte, 1er décembre 1840
Rochecotte, 14 décembre 1840

Paris, 4 janvier 1836
« La seconde fille de Mme de Flahaut est au plus mal. Son état m’a fourni, hier, l’occasion d’appliquer la parabole si parfaitement vraie de la poutre et du brin de paille, en entendant Mme de Lieven parler de la mère et me dire : « Comprenez-vous Mme de Flahaut qui, dans un pareil moment, me parle politique et demande ses chevaux pour aller chez Mme Adélaïde ; qui quitte la chambre de sa fille pour causer des affaires publiques avec les personnes qui sont dans son salon, et qui m’invite à dîner pour demain, afin, dit-elle, de se distraire et de ne pas rester seule avec son inquiétude ? » Il est donc vrai que personne de nous ne se voit passer ! Cela fait faire des retours effrayants sur soi-même. »

Paris, 10 février 1836
« … Passy aux Finances, Flahaut aux Affaires étrangères, Molitor à la Guerre, Montalivet à l’Intérieur. J’ai su, depuis, que Montalivet refusait malgré les désirs du Roi, et que le Roi se refusait, lui, à Flahaut. Le Roi désirait mettre, soit Rumigny, soit Baudrand, aux Affaires étrangères, et serait mùême fixé sur ce dernier, si on ne désirait le conserver pour suivre le Prince Royal dans ses voyages. Celui-ci est fort content de la chute du dernier Ministère ; je crois qu’il a tort ; les Flahaut sont ravis…
… J’ai été, avec M de Talleyrand, dîner, le soir, chez M. de Montalivet : MM. de Pahlen et Apponyi étaient pâles de terreur d’avoir vu le nom de M. de Flahaut sur une liste ministérielle… »

Paris, 11 février 1836
« … Il ne faut pas avoir quatre-vingt ans cette année ! Mais que dis-je ? M. de Rigny en avait cinquante, Clémentine de Flahaut seize, Yolande de Valençay deux ! C’est la vie à toutes les marches de l’échelle qui est menacée, maintenant comme toujours ! Il faut se tenir prêt ! »

Paris, 27 avril 1837
« … Le salon de Mme de Lieven, c’est l’observatoire de l’Europe ; celui de Mme de Ségur, c’est la Doctrine pure, sans conciliation ; la chambre de Mme de la Redorte est à M. Thiers sans partage ; chez Mme de Flahaut, on veut ce qui est commode à M. le duc d’orléans ; chez M. de Talleyrand, ce qui est commode au Roi ; la maison de Mme de Broglie est au 11 octobre, à la conciliation, mais à la plus aigre des conciliations ; le cabinet de Mme de Dino est seul gouverné par la plus parfaite indépendance de l’esprit et du jugement : ma part n’est pas la plus mauvaise ; à la vérité, elle est faite en ma présence ! »

Paris, 5 juin 1837
« Aussitôt arrivée, hier, j’ai été aux Champs-Elysées, chez Mme de Flahaut, qui m’y avait engagée de la manière la plus pressante, pour voir l’entrée royale, qui a été servie par un temps superbe. »

Paris, 8 juin 1837
« M. de Flahaut est furieux de ne pas avoir eu le grand cordon de la Légion d’honneur ; il voulait donner sa démission de premier écuyer, mais il s’est ravisé. On dit que le duc de Coigny ne lui laisse d’autorité que sur l’écurie. »

Valençay, 1er juillet 1837
« Voici ce que Mme de Lieven m’écrit au moment de partir pour l’Angleterre : « M. de Flahaut voulait la mission de compliment à Londres. Il a fallu reculer devant le général Baudrand, ce qui ajoute à la mauvaise humeur du mari et de la femme. Sébastiani est si malade qu’il n’est plus bon à rien à Londres. je ne sais, vraiment, qui tient votre Cour informée. Mme de Flahaut travaille tant qu’elle peut à chasser Granville de Paris et à y faire nommer lord Durham, par le double motif de débarrasser Palmerston d’un compétiteur et d’avoir à Paris un ambassadeur bien intrigant. » »

Valençay, 5 août 1837
« M. de Montrond mande, de Paris, à M. de Talleyrand, que chez les Flahaut, on racontait ceci de la jeune Reine Victoria : la duchesse de Sutherland s’étant fait attendre, la Reine fut à elle lorsqu’elle arriva et lui dit : « Ma chère Duchesse, je vous en prie, que ceci ne se renouvelle pas, car nous ne devons, ni vous, ni moi, faire attendre personne. » Cela n’est-il pas très bien dit ? »

Valençay, 12 septembre 1837
« Voici un extrait d’une lettre de Mme de Lieven : « Mme de Flahaut est tenue très éloignée de la princesse. Elle en a de l’humeur. Elle a eu ses quatre jours de Château comme les autres invités, puis elle est retournée à son appartement, dans la ville de Compiègne… » »

Paris, 10 février 1838
« On dit que le différend entre les Flahaut et le général Baudrand s’arrangera (Une rivalité constante animait M. de Flahaut et le général Baudrand l’un contre l’autre ; ils se disputaient souvent des fonctions auprès du duc d’Orléans, et, en février 1838, ils intriguaient déjà pour être envoyés au couronnement de la reine Victoria.), mais je ne pense pas que cela dure. Mme de Flahaut vient, le soir, voir M. de Talleyrand, et le mari chaque matin ; ils sont doux et gracieux comme des menacés. »

Paris, 11 février 1838
« … Nous avons eu aussi du monde à dîner, toute la famille d’Albuféra, les Thiers, les Flahaut, et il vient chaque soir quelques personnes. »

Paris, 15 février 1838
« L’affaire Baudrand et Flahaut n’est point encore terminée. ce sont des prétentions, des hésitations, des tergiversations de tous côtés, qui finissent par donner un ridicule amer aux deux rivaux, et qui pis est, au Prince Royal. »

Paris, 8 mars 1838
« Les Flahaut n’ont plus rien de commun avec le Pavillon Marsan, excepté les bonnes grâces du Prince Royal qu’ils paraissent emporter. Au Pavillon de Flore, malgré beaucoup de belles phrases, on est ravi de leur départ. Les Flahaut ne croient pas au vrai, et s’en prennent à une intrigue doctrinaire à laquelle se serait joint le duc de Coigny. Ils partent, bientôt, pour l’Angleterre, où ils feront, je crois, un assez long séjour. »

Paris, 7 septembre 1838
« Les Flahaut ont tenu les plus vilains propos, à Londres, sur les Tuileries, et les Tuileries le savent. »

Loebichau, 1er août 1840
« Les Flahaut sont revenus, fort adoucis, très gouvernementaux, et vont très souvent à Argenteuil, où M. Thiers est établi. »

Bade, 10 août 1840
« Toutes mes correspondances sont à la guerre, d’une façon qui me désole. C’est Mme de Lieven, qui, par un cri triomphal, a été la première à donner, dans une lettre à Mme de Flahaut, la nouvelle, à Paris, de la fameuse Convention des quatre Puissances. Cette Princesse moscovite s’est montrée dans la joie, ravie d’avoir des émotions dignes d’elle. Mais comment arrange-t-elle cela avec M. Guizot ? Il paraît que ces bruits de guerre désolent Mme de Flahaut, qui s’est reprise de passion pour les Tuileries. »

Bade, 20 août 1840
« Mme de Flahaut est à Dieppe, son mari à Paris, dînant souvent chez le Prince Royal. Sa position va être embarrassante dans le procès de Louis Bonaparte. »

Paris, 10 septembre 1840
« L’autre jour, M. de Montrond parlait du désir qu’avait M. de Flahaut, d’aller à Londres comme ambassadeur, mais on est trop aise de se débarrasser de Guizot pour le rappeler ici, malgré tous les mécontentements qu’il donne là-bas. »

Valençay, 25 septembre 1840
« Nous avons ici, depuis hier, M. de Maussion, qui arrive de Paris, ou plutôt de chez M. Thiers où il passe sa vie. Il raconte que Mme de Lieven est traitée d’espionne chez M. Thiers, qu’on l’y accuse de toutes sortes de trahisons. Il dit aussi que M. de Flahaut arrive chaque matin, chez M. Thiers, avec force lettres d’Angleterre, qu’il fait l’important, et que ses intrigues et celles de sa femme sont plus vives que jamais. Il ajoute que M. de Flahaut part pour l’Angleterre, afin de ne pas se trouver au procès de Louis Bonaparte, mais que sa femme répand partout que c’est avec une mission secrète et importante près du Cabinet anglais pour réparer les gaucheries de M. Guizot. On voudrait bien supplanter celui-ci, mais M. Thiers ne veut pas qu’il soit à Paris pour l’époque des Chambres ; alors M. de Flahaut s’est rabattu sur l’ambassade de Vienne, et on croit qu’il l’obtiendra. »

Rochecotte, 6 octobre 1840
« M. de Flahaut est à Londres, logé chez lord Holland ; il voit tous les jours les Ministres, et mande à sa femme qu’il cherche à leur ouvrir les yeux sur notre véritable position, mais cette mission officieuse n’aura, probablement, pas grand résultat, car le parti semble pris à Londres, et bien pris. »

Rochecotte, 23 octobre 1840
« On dit fort que la division du Cabinet anglais est devenue beaucoup plus patente, et que la minorité est du côté Palmerston ; M. de Flahaut, qui arrive demain, nous édifiera sur ce sujet. Aujourd’hui, Mme de Flahaut est fort anti-Palmerston, parce qu’elle craint, naturellement, la guerre entre les deux patries. (Mme de Flahaut était Anglaise, fille de l’amiral Keith (lord Elphinstone), qui fut chargé de notifier à Napoléon 1er, venu sur les côtes anglaises pour y chercher l’hospitalité, en 1815, qu’il était prisonnier de la Sainte-Alliance. Ce fut lui qui reçut la mission de préparer l’embarquement du captif pour Sainte-Hélène.) Lord John Russell a passé à la majorité, contre lord Palmerston, et c’est une grosse pièce, tout frêle qu’il est. Il y a une confusion incroyable par le monde et on ne sait plus où on en est, mais vraiment je commence à espérer un peu plus la paix qu’il y a quelques jours. »

Rochecotte, 1er décembre 1840
« On ne se presse pas, ici, de nommer un Ambassadeur à Londres. je crois qu’on voudrait que l’affaire égyptienne fût d’abord réglée ; il faudra bien attendre jusqu’à la mi-décembre. Mme de Flahaut ne sit que faire, entre les bouderies opposantes qui lui sont naturelles, et l’envie démesurée qu’a son mari d’avoir un poste diplomatique. »

Rochecotte, 14 décembre 1840
Dans les lettres que j’ai reçues hier, il y en avait une deBerlin, de M. Bresson : « … « Est-il vrai que Flahaut aille à Vienne, remplacer Saint-Aulaire ? Si le fait est exact, il est clair qu’on me maissera ici. je n’ai pas le vent de la faveur : certaine rue, certaine maison, que vous avez tant connues, ne me sont pas aussi favorables qu’autrefois. » »