Duchesse de Dino
Chronique de 1831 à 1862,
publiée par la princesse Radziwill, née Castellane
Tome I (1831 – 1835)
Londres, 7 février 1834
Londres, 1er juin 1834
Valençay, 9 octobre 1834
Valençay, 27 novembre 1834
Paris, 7 décembre 1834
Paris, 12 décembre 1834
Paris, 17 décembre 1834
Paris, 19 décembre 1834
Londres, 7 février 1834
« J’étais hier soir chez lady Holland, qui, en finissant je ne sais quelle histoire qu’elle me contait, m’a dit : « ce n’est pas lady Keith (Mme de Flahaut) qui me mande cela, car il y a plus de deux mois qu’elle ne m’a écrit. » Puis, elle ajouta : « Saviez-vous qu’elle détestait le ministère français actuel ? – Mais, Madame, » ai-je répondu, « c’est vous qui avez appris il y a dix-huit mois à M. de Talleyrand, tout le mal qu’elle disait ici du Cabinet français, au moment de son origine. – C’est vrai, je m’en souviens ; mais il faut néanmoins que ce Cabinet dure. Lord Granville écrit à lord Holland que nous ne devons pas croire tout ce que lady Keith nous mandera de la maivaise position de M. de Broglie, puisqu’elle est très hostile pour celui-ci et désireuse de sa chute. » Je n’ai rien répliqué et cela en est resté là. Et puis, parlez-moi des amitiés du monde !
Au reste, voici un assez drôle de mot qu’on écrit, de Paris, sur M. et Mme de Flahaut : on prétend que leur faveur n’est plus aussi grande aux Tuileries, où on dit que « lui, est une vieille coquette et, elle, un vieux intrigant. »
Londres, 1er juin 1834
« Lady Cowper lui a montré aussi, sans beaucoup de réflexion, une lettre de Mme de Flahaut, dans laquelle, après avoir exprimé quelques regrets polis sur le rappel de M. de Lieven, elle se lamente sur le choix du chargé d’affaires ; elle dit que c’est une petite guêpe venimeuse, malfaisante, un Russe enragé, un ardent ennemi des Polonais, et que, pour tour résumer en un mot, c’est le cousin germain de Mme de Dino, – ce qui, ajoute-t-elle, est positivement très nuisible à l’intérêt de l’Angleterre, puisque celle-ci doit au contraire attacher du prix à ce que la France et la Russie ne s’entende pas. »
Valençay, 9 octobre 1834
« Dans la première et très virulente partie de sa conversation, le nom du Roi et celui de M. de Flahaut sont revenus fort souvent, et de façon à me persuader qu’il va se ranger absolument du côté du dernier, pour rendre auprès du premier de mauvais offices à M. de Talleyrand. »
Valençay, 27 novembre 1834
« Les Polonaisqui sont venus ici pour l’enterrement de la princesse Tysskiewicz disent, à ce qu’il paraît, du bien de nous à Paris. Il n’y a qu’auprès du Prince Toyal que Valençay ait eu un succès contesté par l’influence Flahaut ; M. de Montrond entage du bien qu’on dit de Valençay, dont il a fait tant de moqueries ! »
Paris, 7 décembre 1834
« M.Royer-Collard sorti, M. le duc d’Orléans est arrivé, et, à peine assis, il est revenu sur un commérage de Mme de Flahaut. Tout cela s’est passé de fort belle humeur, de fort bonne grâce, mais sans que j’aie, ce me semble, perdu de mes avantages. J’ai été douce, mesurée, à mille lieues de l’hostilité. Mon terrain principal a été celui-ci : « Les propos de Mme de Flahaut sur moi ne sauraient m’atteindre, je n’y regarde pas ; il n’y a pas chance que des personnes de mondes, d’habitudes et de situations si différents qu’elle et moi, puissions jamais nous combattre, ni moi être heurtée par elle. Je ne lui en veux que du tort qu’elle vous fait à vous, Monseigneur. – Mais ma principale raison pour l’aimer, c’est qu’elle ne l’est par personne. – Ah ! si c’est comme calcul de proportion, Monseigneur doit en effet l’adorer ! » Nous nous sommes mis à rire et tout a fini là. »
Paris, 12 décembre 1834
« A neuf heures, j’ai été avec Mme Mollien chez la comtesse de Boigne. Elle était venue la première chez moi et m’avait fait dire, par Mme Mollien, qu’elle serait très flattée si je voulais venir quelquefois chez elle le soir. C’est le salon important du moment ; la seule maison comme il faut, qui appartienne, je ne dirais pas à la Cour, mais au Ministère, comme celle de Mme de Flahaut appartient à M. le duc d’Orléans et celle de Mme de Massa à la Cour proprement dite. »
Paris, 17 décembre 1834
« Le matin, à la Chambre des Pairs, il (Exelmans) n’a été soutenu que par M. de Flahaut, qui s’agitait beaucoup et dont le maintien a été très inconvenant ; il a révolté tout le monde par ses cris de : « Continuez, continuez, » adressés à Carrel, lorsque le Président lui ôtait la parole. C’est même cet encouragement qui a fait résister Carrel et qui l’a fait argumenter avec M. Pasquier, sur ce que celui-ci n’avait pas le droit de lui ôter la parole, lorsqu’un membre de la Chambre, un de ses juges enfin, l’engageait à continuer.
A cette occasion, j’ai appris de toutes les bouches que M. de Flahaut était insupportable à tout le monde, par son arrogance, son humeur, son aigreur et son ignorance ; il deviendra bientôt aussi impopular que sa femme. »
Paris, 19 décembre 1834
« M. le duc d’Orléans, entraîné par cette déplorable influence Flahaut, se proposait aujourd’hui, à l’ouverture de la séance de la Chambre des Pairs, et à la lecture du procès-verbal de la séance d’hier, de protester, avec son groupe, contre l’assasinat du maréchal Ney, et de demander la révision du procès. »