Lettres de Talleyrand à son fils Charles de Flahaut , de 1799 à 1836
CHAN 565 AP 5
CHAN 565 AP 12
CHAN 565 AP 13
déchiffrage effectué par Pierre Combaluzier, André Beau et Philippe Maillard
CHAN 565 AP 13 – dossier 2 (pièce 7)
Nomination de Charles de Flahaut au ministère de la Marine
Paris, le 8 prairial an 7 (27 mai 1799) de la République une et indivisible
Le Ministre de la Marine et des Colonies par intérim
au Citoyen Charles Flahaut.
J’ai accédé bien volontiers, Citoyen, à la demande que vous m’avez faite de travailler au Dépôt Général de la Marine afin d’appliquer aux différentes parties de l’art nautique les connaissances que vous avez déjà acquises ; j’autorise aujourd’hui le Vice Amiral Rosily, directeur de ce Dépôt à vous y recevoir ; il vous facilitera les moyens d’étendre et d’accélérer votre instruction, et je suis persuadé que par votre conduite, vous justifierez l’intérêt que votre demande m’a inspiré.
Le Ministre des Relations extérieures
Ch. Mau. Talleyrand
CHAN 565 AP 5 – dossier 2 (pièce 10)
Une lettre de Talleyrand à Flahaut du 26 mars 1807 lui faisant part de l’intérêt qu’il lui porte, transmise à Mme de Souza avec une note non datée de Flahaut.
Varsovie, 26 mars 1807
Voilà, mon cher Charles, une lettre qui par l’écriture de l’adresse me prouve qu’elle t’est adressée. J’en joins une que j’ai reçue de Madame de Souza.
Aujourd’hui j’ai écrit au grand-duc de Berg pour lui renouveler ma demande de te rappeler auprès de lui. J’y mets toute l’insistance d’une chose personnelle ; et elle l’est.
Quand tu rencontreras quelque chiffon de papier, écris-moi comment tu te portes, ce que tu fais et ce que tu veux.
Tu es un des premiers intérêts de ma vie ; et quand je dis cela, je les réduis à deux ou trois.
Je t’embrasse et te presse contre mon cour. Si tu es auprès d’Exelmans, fais-lui mes amitiés. J’embrasse Louis s’il est de ton côté.
Varsovie, 26 mars 1807.
Au dos, de Charles de Flahaut à Madame de Souza.
Je t’envoie ces deux lettres, l’une du prince M[urat], l’autre de M. de T[alleyrand]. Elle te touchera, j’en suis sûr. J’en ai encore reçu une, ces derniers jours, aussi aimable et bonne. Tu riras de la fausseté de l’autre, car c’est tout ce qu’elle mérite !
du 9 septembre 1828 au 16 juillet 1830
donnant des nouvelles de ses proches, évoquant sa santé et sa succession, commentant la situation politique en France.
CHAN 565 AP 12 – dossier 15 (pièce 181)
Valençay, le 9 septembre 1828
Madame Tyszkiewitz m’a remis votre lettre, mon cher Charles. Je suis très fâché que la santé de Madame de Flahaut s’oppose à ce qu’elle vienne à Valençay : j’aurais tant aimé à la voir ici avec toutes ses petites filles : je les connais à peine ; mais en faisant votre bonheur, elle a pris une grande place dans l’espèce de souvenirs avec lesquels seuls je veux vivre.
Avec votre lettre j’en ai reçu une de Montrond qui me parle des arrangements qu’il voudrait faire avec ses créanciers dont plusieurs sont de vrais associés.
Qu’est ce que c’est que des termes qu’il demande ? Six mois. A quoi est-ce bon ? A retarder ses embarras, et à les augmenter pour cette époque.
Pourquoi ne pas arriver par un tiers adroit à dire : quelle réduction voulez-vous faire ? Je ne peux vous donner que tant. Si vous ne le voulez pas, vous courez la chance de tout perdre. Le quantum arrêté, il faudra chercher la somme.
Alors, seulement alors, je vous autorise si vous êtes sûr que ses affaires finissent complètement sans aucune queue à répondre pour moi de dix mille francs ; je les donnerai immédiatement mais je ne veux pas que mon nom soit prononcé. Vous donnerez le nom que vous voudrez, s’il faut en donner un.
Dans le cas où l’on ne chercherait à obtenir qu’un délai, je ne veux pas m’en mêler.
Je m’en rapporte à vous pour être strict. Adieu. Mille amitiés.
T.
Quand viendrez-vous ici ? Madame de Dino doit arriver le 15 ; elle est un peu mieux.
CHAN 565 AP 12 – dossier 15 (pièce 182)
Valençay, 23 septembre 1828
Je suis bien aise, mon cher Charles, de vous savoir rapproché : il n’y a plus que soixante lieues à faire pour venir à Valençay où je voudrais bien voir arriver Madame de Flahaut, Auguste, Emilie et vous.
Mes projets sont d’aller à Paris vers le 26 octobre, peut-être le 27. J’y resterai jusqu’au 5 ou 6 de novembre et alors je reviendrai de ce côté-ci probablement à Rochecotte qui est plus chaud et meilleur pour l’hiver. Je ne retournerai à Paris que pour les chambres. Remerciez Madame de Flahaut d’avoir bien voulu penser à moi dans sa lettre à la princesse. Ne lui dites pas que j’ai encore planté des tilleuls. Alava est ici : il y restera quelque temps ; c’est un excellent homme : il croit le duc son ami un peu embarassé.
Je n’ai pas de lettres de Montrond.
Je crois que Hainguerlot a poussé un peu trop vivement l’affaire dont il l’a chargé avec la liquidation D[alberg].
Un éclat serait fort déplaisant si comme le disent les D[alberg]. son titre n’est pas un titre commercial alors il ne serait plus rien ménagé dans des plaidoiries qui sont aujourd’hui un peu plus abandonnées qu’à aucune époque.
Faites des amitiés de ma part à Auguste et à Emilie, beaucoup d’hommages tendres et bien amicaux à Madame de Flahaut.
Madame de Dino remet sa commission de toile à un autre temps et a un autre voyage.
Alexandre s’embarque pour le Brésil, il a été admis à son examen. C’est un gentil garçon ; il est plein d’âme et d’esprit. Louis est amoureux. Quand viendra Montrond ? Je voudrais bien que ce fut en même temps que votre berline.
Adieu. Mille amitiés.
Sébastiani vient-il ici ? S’il est à Paris faites-lui des amitiés de ma part.
CHAN 565 AP 12 – dossier 15 (pièce 183)
Mon cher Charles, je ne vous espère plus pour cette année et j’en suis fâché : j’aurais eu un grand plaisir à vous avoir ici avec toute votre tribu. Mais rien ne s’arrange comme l’on veut : et l’on passe sa vie à la remettre ; tout est pour demain, ce demain que je désire, c’est l’exécution d’une détermination fixe de venir passer ici toute la belle saison de l’année prochaine.
Je retournerai à Paris le 1er du mois de novembre.
Je désire que Madame de Flahaut fasse souvent usage des fauteuils de mes loges. La vie de dehors que je mène ici me réussit assez bien ; je ne me porte pas mal ; Madame de Dino est aussi beaucoup mieux. Si elle passe son hiver comme une convalescente, elle se remettra assez bien pour aller se guérir tout à fait à Bade. Je suis fâché de n’avoir pas vu Lamb lorsqu’il a passé à Paris. Il est aimable et a beaucoup de bon esprit.
Alava que j’avais engagé à venir ici ne le peut pas parce qu’il lui est défendu de découcher de Tours sans une permission ministérielle. Il est impossible qu’il ne nous arrive pas bientôt des nouvelles importantes du dehors.
Adieu. Mille amitiés.
T.
Je ne sais rien de Montrond, il n’a pas écrit depuis son départ.
CHAN 565 AP 12 – dossier 15 (pièce 188)
Valençay, 13 octobre 1829
Mon cher Charles, la saison avance et est mauvaise : je perds tout l’espoir que j’avais de vous voir ici avec les vôtres et avec Sebastiani : il faudra bien aller vous chercher à Paris. Mon projet est d’y aller à la fin du mois, d’y passer dix ou douze jours et de revenir après du côté de la Loire. Je compte attendre à Rochecotte l’ouverture des Chambres.
Je viens de lire le décret du Portugal qui condamne à mort et à confiscation Palmela et les autres.
J’espère que Dom Pedro réparera vis-à-vis d’eux tout ce qui dépend de lui ; ils sont en sûreté ; il ne s’agit que de les faire vivre. Si Dom Pedro ne le fait pas, il faut que d’autres y pensent.
Les lettres que je reçois disent qu’en Angleterre on est gêné – seulement mécontent de la paix. Le ministère aura de la peine à justifier sa conduite : oui sûrement, il sera vivement attaqué sur ce sujet : c’est un beau champs pour vos amis.
Madame de Dino ne revient pas avec moi, elle va d’ici à Rochecotte. Les Montmorency partent demain.
Adieu. Mettez mes plus tendres hommages aux pieds de Madame de Flahaut. Adieu. Je vous aime.
CHAN 565 AP 12 – dossier 15 (pièce 184)
Rochecotte, 5 décembre [1829]
Je suis, mon cher Charles, content du temps et de l’emploi que j’en fais. Il n’y a pas de jour où je ne sorte pendant deux heures, et où je n’aille dans un joli pays ; c’est tout ce qu’il faut pour mon vieux corps qui se rarange tout doucement.
Alava s’annonce pour le 12. La maison est chaude, la conversation assez bonne, tout cela lui conviendra.
Quand il y a des occasions, envoyez moi vos vieux papiers anglais.
On peut les confier à la diligence de Tours qui les remettra à l’hôtel du faisan chez M. Nicolle ; et de là ils viendront ici. Ce sera une bonne fortune pour Alava que de lire les papiers anglais, et d’entendre de quelque manière parler de son cher duc.
Mon vin de Xérès n’est point arrivé, peut-être faudrait-il que M. de Lessert eut la bonté d’écrire à Nantes pour savoir la cause de ce retard.
Adieu, mille amitiés, beaucoup d’hommages à Madame de Flahaut. Quelle est la vie de Paris cette année ?
CHAN 565 AP 12 – dossier 15 (pièces 185-186)
Le jour, mon cher Charles, où en montant en voiture j’ai trouvé dans ma cour deux usuriers d’Edmond qui venaient juger sur ma figure à quel taux ils pouvaient lui acheter mon héritage, ce jour-là j’ai compris jusqu’où l’excès du désordre et de la faiblesse pouvait le porter. C’est cette conviction, à laquelle ses plus proches n’ont opposé longtemps qu’incrédulité et excuse banale, qui a dicté le contrat de mariage de Louis. Il est possible que les personnes qui ont assisté à la lecture de cet acte ne l’aient pas bien présent. Je vais vous en citer quelques articles qui vous prouveront à quel point j’ai mis du soin à empêcher Louis de pouvoir se ruiner lui-même ou être ruiné par d’autres. Non seulement Louis ne peut disposer par aucune obligation ou délégation des revenus de la terre de Valençay que dix ans après en avoir pris possession, mais même il ne peut faire aucune cession des 20,000 francs que sa mère et moi lui donnons maintenant. Nous avons déclaré ces 20,000 francs par condition spéciale du contrat de mariage être incessibles et insaisissables. Il ne reste donc à Louis d’autre moyen d’être utile à son père que de lui offrir ce qu’il a d’argent comptant dans son secrétaire. Tout ce qu’il prendra sur ses fantaisies et même sur ses dépenses pour en faire cet emploi, je le trouve très naturel et très convenable ; et je suis sûr que cela sera fort approuvé.
Vous me dites qu’interdit ou non, si Edmond est poursuivi par ses créanciers quand il sera appelé à la pairie, il ne pourra pas y siéger. Cela dépend des commissaires de l’enquête, et nous avons dans la chambre des exemples qui prouvent que l’on en peut trouver de complaisants ; au lieu que l’interdiction prononcée il n’y a plus d’échappatoire. Sa position militaire souffrirait également de l’interdiction.
D’ailleurs quelque soit mon opinion personnelle sur l’interdiction, elle est rendue impossible par les lois actuelles. En voici la raison. L’article 489 du code civil dit textuellement : le majeur en état d’imbécillité de finances ou de démence peut seul être interdit. La prodigalité n’entraîne plus maintenant pat les nouvelles lois que l’assistance d’un conseil judiciaire. Or l’action utile du conseil judiciaire s’évite par mille moyens ; car son effet ne s’étendant pas sur les dettes et les engagements antérieurs, on peut antidater à l’infini de nouveaux engagements ; c’est à quoi les usuriers entraînent chaque jour les gens à qui l’on a nommé un conseil judiciaire. La faiblesse connue d’Edmond permet de supposer qu’au premier embarras, il céderait aux propositions qui lui seraient faites.
J’aurais été charmé, malgré tout ce qui a été englouti par Edmond de venir encore à son secours, mais mes affaires ne me le permettent pas, et de plus les engagements que j’ai du prendre lors de la crise Paravey me le rendent absolument impossible.
Je vous ai expliqué la position de Louis : je ne suppose pas que les enfants de Just et de Mélanie permettent à leurs parents de faire ce qui finirait maintenant les embarras d’Edmond. Je sais que la fortune d’Archambaud refuse à son cour tout ce qu’il voudrait faire. On ne peut pas s’adresser à Madame de Dino qui fait une rente à son mari malgré tout ce qu’il a dévoré de sa fortune ; elle doit d’ailleurs conserver ce qui lui reste pour ceux de ses enfants qui ne sont point encore établis.
Montrond a tort d’avoir de l’humeur contre Adrien. De mon temps ce qu’on lui demande ne se serait jamais fait. Un ambassadeur ne peut pas de son plein gré attacher à son ambassade un lieutenant général sans l’autorisation du ministre de la guerre et du ministre des affaires étrangères, de plus les deux exemples qu’il cite n’ont point de valeur. M. Potocky était attaché à l’ambassade russe en arrivant à Paris ; M. de Lisna n’était point arrêté
Adieu, voila une lettre bien longue, et malheureusement sans bons résultats. Mais il faut avant tout ne point s’abuser et voir les choses comme elles sont.
Je vous prie de garder ma lettre. Vous pouvez la montrer à Archambaud et à Mélanie : car je n’aime pas beaucoup à écrire sur ce pénible sujet : je crois l’avoir traité à fond avec vous et n’avoir plus rien à y ajouter.
Mes hommages les plus tendres à Madame de Flahaut.
Adieu je vous embrasse et vous aime.
Tall.
P.S. Si l’on entraînait Louis à quelqu’acte dérogatoire aux conditions de son contrat de mariage, les tuteurs nommés par le même contrat à la garde de la substitution paraîtraient immédiatement, soit pour y faire opposition soit pour annuler ce qui aurait été fait. Ainsi vous voyez à quel point toutes les issues du côté de Louis sont fermées.
CHAN 565 AP 12 – dossier 15 (pièce 187)
Mon cher Charles, mon voyage s’est très bien passé. Je suis arrivé ici sans être fatigué. Le régime que Koreff m’a prescrit va être suivi exactement : il n’y a que la coloquinte à laquelle je répugne un peu.
La princesse est arrivée hier au soir ; nous sommes jusqu’à présent ici sans journaux, il me semble qu’on s’en passe à merveille : on nous les promet cependant pour la semaine prochaine. Le temps est beau ; je sors beaucoup ; tout est promenade dans les environs de Rochecotte. On voit la Loire mais on est sur une hauteur ce qui fait que l’air est excellent. En passant à Tours, je n’ai point vu Alava, il était à la campagne. Je crois qu’il viendra ici dans quelques jours.
N’oubliez pas de me faire venir des pilules d’Anderson ; c’est à celles-là que je donne la préférence.
Mon vin de Xérès n’est point arrivé.
Sait-on quelque chose de Montrond ? Adieu. Mille amitiés, mes hommages les plus tendres à Madame de Flahaut.
CHAN 565 AP 12 – dossier 15 (pièce 190)
Mon cher Charles, il y a longtemps que je ne vous ai écrit parce que l’état de mes yeux me réduisait à l’oisiveté complète ; ils ne sont pas encore en trop bon état : mais je ne veux pas laisser passer le 1er janvier sans vous souhaiter à vous et à madame de Flahaut que j’aime et que je prise au plus haut degré, la bonne, la meilleure année.
Votre amitié vous a fait prendre tant de part à ces déplorables affaires d’Edmond que je veux vous dire ce qui s’est fait d’ici depuis que je ne vous ai écrit.
Dans tout ceci, il n’y a aujourd’hui qu’une affaire, c’est cette dette d’Adrien parce que ce service a été rendu à messieurs de Talleyrand que le duc de Laval connaît et aime depuis qu’il est entré dans le monde ; il n’a point été rendu à Edmond qu’il a vu à peine. C’est donc à nous Talleyrand à la payer.
Montrond a écrit qu’elle était de 40 000 Francs. C’est donc sur ce pied que j’ai fait les parts des Talleyrand que l’ordre de la nature et la position sociale appellent à y contribuer. Je m’impose comme aîné une part double de celle des autres. Louis fournit la même part que son grand-père. Madame de Dino qui est fort malheureuse de l’embarras social dans lequel se trouvait son fils a voulu donner une part égale à celle que doit donner son fils et son beau-père ; Madame de Noailles doit fournir la même somme, la question étant autant une question de famille, tout ce qui est famille aussi directement doit contribuer et doit le vouloir. J’ai ordonné à Louis de porter immédiatement toutes ces sommes réunies à Madame la duchesse de Laval en y joignant une lettre pour Adrien dont j’ai indiqué la forme et les termes. Louis m’écrit que son grand-père et sa tante lui ont répondu dilatoirement et ont pour vouloir confondre cette dette avec la masse des autres : ils ont tort en soi, et ils ont tort socialement. La dette d’Adrien est d’une nature à part : en payant des intérêts on ne peut ni ne doit chercher à l’assimiler aux autres dettes.
Une lettre de Just que je reçois aujourd’hui, me demande des explications, je les lui donne telles que je vous les mande, seulement un peu plus développées.
La dette d’Adrien est aux yeux de Louis, à ceux de Madame de Dino et aux miens d’une nature particulière, toute sociale. Ce n’est point une spéculation ni de sa part ni de la nôtre, c’est hors de ligne. Voila ce que j’écris à Paris, voila ce que je veux que vous sachiez.
Adieu : je suis avec de trop mauvais yeux pour continuer à écrire : mille amitiés.
Le 1er de l’an autorise à baiser la main d’Emilie.
Faites mes amitiés à Sebastiani.
CHAN 565 AP 12 – dossier 15 (pièce 191)
Rochecotte, 15 janvier 1830
Nous vous remercions, mon cher Charles, Alava et moi des journaux anglais et des pilules d’Anderson qui viennent d’arriver.
Mes yeux vont certainement mieux, mais ils ne sont pas guéris. Il y en a encore un dont je ne vois qu’à travers un nuage qui, à la vérité, devient chaque jour moins épais. On me dit, comme de raison, que c’est le froid que c’est la neige qui ralentissent toutes les guérisons. Je me soumets, et je prends, ce que je déteste, c’est-à-dire patience.
Pendant le temps qu’Edmond a été à Paris, j’ai été fort inquiet ; j’ai craint qu’on ne prit pas assez de précautions pour le mettre à l’abri. D’après ce que l’on me mande, il doit être parti : on ne me dit pas pour où. Je préférerais l’Espagne à tout. Il ne s’agit pas de ce qui est le plus agréable, il s’agit de ce qui est le plus sûr.
Adieu, mille Amitiés.
Faites moi le plaisir de dire à M. de Lessert que je n’ai plus entendu parler du vin de Xérès qui est je ne sais où et mille tendres hommages à Madame de Flahaut.
CHAN 565 AP 12 – dossier 15 (pièce ?)
Rochecotte, 17 janvier 1830
Mon cher Charles, je vois par une lettre écrite ici par ordre d’Archambaud (c’est ce que porte la lettre) que mes lettres sont bien peu comprises.
Il faut donc que je vous ennuie encore une fois, mais c’est la dernière, en vous répétant que je n’ai point de fonds dont je puisse disposer ni que je puisse engager. L’affaire Paravey qui ne finira pas avant quinze ou dix-huit mois, mes affaires personnelles ne me laissent à présent rien de libre. Quand je l’ai pu, je me suis porté avec grand plaisir vers tout ce qui pouvait être utile à ma famille, et cela sans y être provoqué et quoiqu’elle fut dans des opinions qui gênaient ma position.
Ainsi, j’ai payé les dettes des uns, j’ai donné des dots à d’autres, j’ai assuré des douaires, j’ai fondé un majorat de 30 000 Francs, je donne des pensions à une quantité, j’en ai marié plusieurs, je me suis dépouillé pour l’établissement de Louis, et rien de tout cela n’a été pour de petites sommes.
Ainsi le moyen de tous les gens d’affaires ne vaut pas grand-chose car il se borne à ceci : les créanciers sont inquiets, je me charge de diminuer les créances, et les créanciers réduits seront payés par M. de Talleyrand : il n’y a pas là un grand effort de génie.
Le malheur est que cela soit impossible ; car si cela se pouvait, il est sûr que M. de Talleyrand payerait. Là on dit vrai.
Adieu, je ne vous ennuierai plus de tout cela. Mille amitiés. Des hommages bien tendres à Madame de Flahaut.
CHAN 565 AP 12 – dossier 15 (pièce 191)
Rochecotte, 21 [janvier 1830]
Mon cher Charles, vous connaissez trop la société pour ne pas savoir que ce qui peut se faire à petit bruit pour Achille Lama… ? serait connu de tout le monde si le nom du duc de Dino s’y trouvait, et surtout après la tourmente actuelle.
Dans une lettre précédente vous me parlez de choses qui m’ont paru avoir quelqu’analogie avec MM. d’Harcourt qui ont conservé toute leur position dans le monde quoiqu’il y ait deux d’Harcourt dans la même position qu’Edmond. Je ne trouve pas que MM. de la Rochefoucauld aient beaucoup perdu dans leur situation parce qu’ils ont un frère réputé un des plus mauvais sujets de France.
Madame de Balbi a-t-elle changé de vie et de relation à cause de son fils ? MM. de Biron, en héritant de Lauzun, ont-ils cru qu’ils devaient payer des dettes fort inférieures à ce dont ils héritaient : je citerais encore vingt exemples si cela n’était pas ennuyeux à dire et à écrire.
Seulement j’ai voulu en citer assez pour faire voir qu’aujourd’hui, les torts sont personnels, et les fautes restent à celui qui les fait. Je réponds là sans rien préjuger sur l’affaire d’Edmond.
Je dis seulement que le préjugé n’existe plus.
J’ai une fluxion sur les yeux : ils me font mal et ils sont fort rouges.
Avec deux ou trois bains de pied cela finira.
Adieu, mille Amitiés.
Je persiste à désirer qu’Edmond s’embarque à Ostende pour l’Espagne. Il ne sera en sûreté que là. J’aurais voulu que dehors de prison, il partit pour un port d’Angleterre et de là pour Cadix.
Adieu.
CHAN 565 AP 12 – dossier 15 (pièce 192)
Valençay, 20 mai 1830
Montrond nous quitte, mon cher Charles ; et je ne vais pas le laisser partir sans lui donner un mot pour vous. Je viens de lire la fameuse ordonnance. Jusqu’à présent je n’y vois qu’une chose c’est que chacun est troublé dans ses arrangements : cela me parait un coup d’état contre le séjour à la campagne.
Si vous rencontrez Molé demandez-lui s’il croit qu’il y aura un discours de la couronne le 3 août. Beaucoup de gens croient qu’un simple commissaire du Roi se présentera dans chaque chambre, et dira seulement : la session est ouverte. Avec des sophismes, on peut arriver à établir que cela peut se faire ainsi.
Mais cela ne me regarde pas : et ma curiosité est fondée sur ce que cela déciderait de mon retour à Paris ou de la prolongation de mon séjour à la campagne.
J’aime bien Valençay cette année, et je suis sûr que Madame de Flahaut aimerait même mes peupliers.
Adieu. Mille amitiés.
Beaucoup de tendresses et d’hommages à Madame de Flahaut.
CHAN 565 AP 12 – dossier 15 ( pièce 189)
Valençay, 27 mai 1830
Vous croyez bien que Madame de Flahaut est à la tête des instructions que j’ai données pour les loges.
Vous êtes comme les autres, vous me parlez de jolis effets d’arbres dans deux, dans trois ans : quand j’étais jeune, je raisonnais comme cela : à présent c’est tout autre chose : je déteste voir abattre un arbre.
Les cailles sont arrivées, et nous en avons grand besoin : car tout autre gibier manque cette année à l’exception des chevreuils qui abondent. Je crois que nous allons marier Valérie d’Entraigues avec un homme de 36 à 40 ans qui a huit cent mille francs. Les derniers mots se diront la semaine prochaine. Voilà tout ce qui nous occupe.
La politique est fort retardée ; de nos côtés : personne n’y pense.
Les journaux à force de faire ce qu’ils appellent des morceaux se répètent beaucoup et deviennent ennuyeux : je préfère de beaucoup les vieux livres ; et c’est là l’emploi de mon temps depuis quinze jours.
J’attends une lettre de vous par la princesse qui va faire le pendant de madame de Bourker ? pour l’ornement de votre porte-cochère.
Adieu.
Mille amitiés : mes plus tendres hommages à Madame de Flahaut. Bien des choses à Montrond. Le whist lui réussit-il ?
CHAN 565 AP 12 – dossier 15 (pièce 193)
Valençay, 2 juin 1830
Mon cher Charles, je ne puis pas dire que je sois fâché que vous n’ayez pas mis huit cent cinquante mille francs à l’hôtel Poyanne. D’abord c’est trop cher : ensuite j’aimerais mieux acheter dans un an à Paris qu’à présent. Les hommes d’affaires sont de mauvais conseillers pour l’avenir. Rothschild croyait il y a trois mois que son emprunt prendrait faveur : je cite celui-là parce qu’il est assez près regardant: j’en sais bien d’autres.
Le temps ne peut que faire baisser les propriétés : j’attendrais.
La maison du coin de la rue d’Angoulême ne me parait pas une trouvaille. Si c’est comme je le crois celle de Walkiers et plus tard de M. de Luçay, elle est humide et triste. J’y ai beaucoup été du temps de Walkiers
Si ce n’est pas celle-là, je retire ce que j’ai dit.
Quand on ne craint pas la distance, pourquoi ne pas acheter de l’autre côté de la rue : les terrains là ne sont pas chers. On est aux Champs-élysées ; et M. Vestier qui est ici ne cesse de me dire que les constructions sont à un prix inférieur à ce qu’on les voyait autrefois à Paris. Je cite M. Vestier parce que c’est un honnête et habile homme.
Est-il vrai qu’il est question de mettre dans la régence la sour du prince Léopold ? Il parait que lui personnellement n’y sera point : il n’aura de crédit que pour son influence sur sa sour. Voila ce qu’on me dit et écrit. On ajoute que sous le duc de Clarence ce sera une Madame Sidney qui sera puissante et plus puissante que Lady Holland.
On me dit que Madame de Vaudreuil ne bégaie pas assez et Adrien beaucoup trop.
Adieu. Mille amitiés
J’attends ici l’archevêque le 6 et le préfet le 7.
J’irai aux eaux vers le 16.
Mille tendres hommages à Madame de Flahaut.
On me dit que Madame Decrès serait disposé à vendre une de ses maisons. Cela serait dans un prix raisonnable.
CHAN 565 AP 12 – dossier 15 ( pièce 194)
Valençay, 6 juin 1830
Nous avons ici aujourd’hui une espèce de fête que vous n’avez pas le bonheur d’avoir en Ecosse. L’archevêque est dans le pays et vient confirmer quatre cents petits enfants. Aussi l’année prochaine le pays sera rempli de lumières nouvelles, nous aurons sûrement des chemins, nos manufactures seront prospères et on aura besoin à Paris d’augmenter pour nous le nombre des membres de l’école polytechnique. J’espère bien que Madame de Flahaut et vous viendrez l’année prochaine jouir de notre prospérité.
Combien de temps serez-vous à Brighton ?
Je crois que je serai à Paris vers le 15 juillet ou au plus tard le 20. J’irai y attendre le 3 août.
Faites-vous votre acquisition ou attendez-vous, ce qui me parait beaucoup plus sage, l’année prochaine. J’ai besoin de savoir cela pour mes propres arrangements. Mais je persiste à penser que la prudence aujourd’hui commande de rester en panne.
Dites-moi le vrai d’Alger comme expédition militaire, et le vrai comme influence politique. On doit d’ici à huit jours avoir des nouvelles.
Vous avez été voir et montrer mes tableaux. Je serais charmé de les vendre.
Le paiement pourrait être fait en 18 mois : un tiers comptant, un tiers neuf mois après et un tiers à la fin des dix-huit mois. Pour les deux tiers non payés, on donnerait des sécurités.
Je partirai d’ici le 15 ou 16 juin pour Bourbon-l’Archambault.
Adieu. Mille amitiés. Mes tendres hommages à Madame de Flahaut.
Pauline a toujours mal à la tête. Elle ne s’est point donnée de coup à la tête, je ne sais à quoi attribuer cela.
Voila Montrond parti pour l’Angleterre. Doit-il y rester longtemps ?
CHAN 565 AP 12 – dossier 15 ( pièce 195)
Valençay, 8 juin 1830
Voila toutes mes politesses faites, mon cher Charles, tout mon beau monde, y compris le synode, est parti ce matin. Nous avons eu 12 curés au dîner d’hier : si après cela je ne vais pas bien avec la camarilla, dites-moi ce qu’il faut faire. L’archevêque est parti enchanté de nous, et voudrait trouver pareil gîte dans les visites diocésaines qu’il lui reste à faire.
La maison Marescalchi est depuis longtemps à vendre, et souvent à louer. La poussière y incommode pendant l’été, et dans l’hiver on gelait chez M. de Vincent qui à la vérité ne faisait pas grand feu. Je crois qu’en y mettant le temps vous trouverez aisément mieux que cela. La baisse des fonds doit amener des occasions.
Je partirai d’ici mercredi 16, et le 17 je serai à Bourbon-l’Archambauld. Mon adresse est : aux eaux de Bourbon-l’Archambauld dépt de l’Allier.
Je retournerai à Paris le 16 ou 17 juillet. Y trouverai-je encore Madame de Flahaut : dites-moi donc ses projets et les vôtres. Je ne sais pas pourquoi Montrond est parti aussi à la hâte. Il m’a écrit qu’il partait sans dire plus et qu’il reviendrait le 15 juillet.
Je regrette cet hôtel Poyanne comme habitation et comme spéculation, si toutefois il y a dans le moment actuel une bonne spéculation à faire, ce dont je doute fort.
Alava est à Vichy avec sa femme : il viendra à Bourbon qui n’en est qu’à huit lieues. Je vous manderai ce qu’il saura de ses correspondants en Angleterre : comme ils sont autres que ceux de Madame de Flahaut, vous comparerez.
Adieu. Mille amitiés. Pauline a continuellement des maux de tête qui arrivent sans altération dans le pouls : elle ne s’est point donnée de coup. Je la mène à Bourbon avec moi.
CHAN 565 AP 12 – dossier 15 ( pièce 196)
Valençay, 11 juin 1830
Mon cher Charles, si vous allez à Brighton, je vous prie de me rapporter deux brosses anglaises, et six boites de pilules d’Anderson. Les brosses doivent avoir de longs manches ; c’est pour me frotter le corps le matin et le soir, suivant l’ordonnance de M. Bretonneau. Il ne faut plus m’écrire ici.
Mon adresse est aux eaux de Bourbon-l’Archambauld, dept. de l’Allier.
Les deux députés d’ici qui ont voté l’adresse seront nommés à une grande majorité. Le troisième du grand collège sera probablement du côté droit : mais cela n’est pas sûr. Dans nos environs, le ministère perd des voix au lieu d’en acquérir.
Je ne sais en vérité où nous allons. Nous n’avons ni boussole ni pilote : cela peut-il mener à autre chose qu’à un naufrage. Les affaires sont difficiles partout. Chacun est précautionneux et se réserve.
Quelque succès qu’ait l’entreprise d’Alger, l’effet en sera nul, le succès, auquel je crois, ne donnera pas une voix. C’est l’opinion de l’ancien président de la chambre qui est venu me voir ces jours-ci. M. de Fussy, notre préfet député de Bourges, ne sera probablement pas renommé.
Je vous écrirai de Bourbon qui est à ce que je crois dans une disposition fort analogue à celle de ce pays-ci.
Mandez-moi quels sont les changements qui seront la suite du Roi d’Angleterre. Envoyez-moi par la diligence les papiers anglais. J’ai grande envie de les lire : ce sera aussi la lecture d’Alava qui sera à Bourbon.
Adieu : dites-moi donc bien ce que fait Madame de Flahaut et vous. Où serez-vous le 15 juillet ? Je vous embrasse et aime. Que dit et prévoit Sébastiani ? Faites-lui mes amitiés.
CHAN 565 AP 12 – dossier 15 ( pièce 197)
Bourbon-l’Archambauld, 16 juillet 1830
Je retournerai à Paris, puisqu’on dit qu’il le faut, au milieu de la semaine prochaine, mon cher Charles. Je crois que c’est le dernier hiver que j’y passerai. Je voudrais finir par une vie casanière : je ne me débats point contre la nécessité : je m’y arrange, et ne me plains pas. Mon hiver m’a beaucoup appris, et il m’a été fort doux. J’ai beaucoup lu de vieux livres ; lire est bien plus agréable, bien plus paresseux que d’écrire. Les pensées qui restent après une longue lecture ont une forme de rêveries qui vaut bien mieux que de penser sérieusement à la pauvre politique que nous essayons chaque matin de faire.
Le ministère me parait plein de courage ; et vous savez pourquoi ; c’est que le pays en manque. Mais comme nous sommes mobiles, peut-être cela changera-t-il ? Les jeunes gens verront cela.
En attendant lisez Saint-Simon : il y a là divertissement et profit. Là de suite, il donne jour par jour le train du règne de Louis XIV et de son gouvernement : il en reste une connaissance vivante et fort complète de ce temps-là. Je trouve que les ministères d’alors avaient d’abord plus d’esprit, et aussi plus d’égards pour le pays, plus de désir de bien faire que nous n’en voyons après notre révolution, dans les ministères actuels.
Me voila écrivant plus que je ne le veux. Je finis en vous embrassant.
Mes hommages à Madame de Flahaut.
Adieu à mercredi.
CHAN 565 AP 12 – dossier 15 (pièces 198 à 235)
du 8 octobre 1830 au 13 avril 1832, rendant compte des négociations sur l’indépendance de la Belgique et commentant la situation de la Pologne.
CHAN 565 AP 12 – dossier 15 (pièce 198)
Londres, 8 octobre 1830
M. Molé est encore bien nouveau dans les affaires. Il croit à Rothschild un peu plus qu’il ne faut. Il n’y a point eu de demandes personnelles arrivées ici de la part du Roi de Hollande avant la nuit de mardi à mercredi dernier : et on n’a point fait de réponse attendu que l’on veut s’entendre avec nous sur tout ce qui concerne la grande question belge.
Comme je ne veux point qu’il y ait d’aigreur dans mes communications avec M. Molé, je lui écris aujourd’hui une lettre particulière qui doit dissiper tous les nuages. Sa dernière dépêche a motivé ma lettre : c’est d’elle que je prends mon motif. Et je la crois bien, et faite pour lui plaire.
J’écris fort exactement, mais je ne presse pas mes démarches autant qu’on le voudrait chez vous. Dans la vieille Europe on n’est pas si ardent que dans ce qu’on appelle à Paris le mouvement. Il faut laisser au temps un peu d’action, il y a des choses que lui tout seul sait faire : la Prusse aujourd’hui est fort différente de ce qu’elle était il y a un mois : elle ne fera rien dans la question belge qu’après avoir consulté l’Angleterre qui ne veut pas qu’elle donne des secours au Roi des Pays-Bas. Nous nous entendrons avec l’Angleterre et ce dont nous conviendrons avec elle fera loi en Europe : c’est là mon opinion.
Lord Grey n’est pas en ville. Il n’y a ici que les Holland, Lady Cooper pour 24 heures, et Alvanley.
Adieu. Dites-moi le nom et l’adresse de ce marchand de vin de Xérès.
J’ai fait au Roi un petit discours en remettant mes lettres de créance : il a bien réussi.
Mille amitiés.
T.
Mes plus tendres hommages à Madame de Flahaut. Quand vient Montrond ?
CHAN 565 AP 12 – dossier 15 (pièces 236 à 240)
du 7 janvier au 30 juin 1836, lui faisant part de son état de santé et l’assurant de son affection
CHAN 565 AP 12 – dossier 15 (pièce 241)
donnant ses impressions sur Louis-Philippe après l’attentat du 25 juillet