1863
Thouvenel à Charles de Flahaut
Thouvenel ne se fait guère d'illusion, et il écrit à Flahault, avec lequel il correspond régulièrement, qu'il regarde "comme très utile que le duc de Morny fût ici au retour de sa Majesté", car, ajoute-t-il, "le moment approche où il faudra discuter sérieusement la question romaine".
* Morny et son temps (Parturier / Hachette / p.224)
La commission dont j'avais l'honneur de faire partie et aux travaux de laquelle Votre Majesté vient de mettre un terme a apporté, dans l'accomplissement de la tâche dont vous l'avez chargé, tout le zèle dont elle était capable ; et il ne lui a manqué, pour que ses efforts fussent couronnés de succès, qu'une bonne direction, que Votre Majesté seule était en position et en état de lui donner. Il fallait qu'elle apprît de vous, Sire, ce que je me suis souvent permis de lui dire, qu'au lieu de ce respect aveugle dont elle était animée pour tout ce qui lui paraissait émané du grand homme, elle aurait dû ne reproduire que ce qui était de nature à rendre, s'il était possible, sa mémoire encore plus illustre ; enfin ce qu'il aurait publié lui-même, s'il eut pu être consulté.
Pardonnez-moi, Sire, si j'ai pris la liberté de vous écrire à cette occasion ; mais resté seul de tous ceux qui ont eu l'honneur d'approcher ce grand homme, et sa mémoire ayant toujours été ce que j'ai de plus cher, j'ai cru que vous me permettriez de vous soumettre ces courtes observations, qui pourraient encore être utiles si vous vouliez bien les adresser à mes successeurs.
Je suis, Sire, avec le plus profond respect, de votre Majesté le très obéissant serviteur et fidèle sujet,
Flahault.
* Flahaut (Françoise de Bernardy / Perrin / p.364-365)* The First Napoleon / Some unpublished documents from the Bowood papers / The Earl of Kerry / p. 336-337
Ministère de la Maison de l'Empereur et
Des Beaux Arts
Secrétariat Général
Bureau du Personnel.
Monsieur le Comte et cher collègue,
S.M. l'Empereur vient de décider que la Commission chargée de publier la Correspondance de Napoléon Ier, cesserait ses travaux. J'extrais de la lettre par laquelle Sa Majesté a bien voulu me faire connaître sa décision, un passage qui vous expliquera quelles sont les intentions de l'Empereur relativement à la continuation de la grande œuvre napoléonienne qui nous avait été confiée. Voici ce passage :
" Remerciez de ma part les membres de la Commission, en leur disant que, si je mets un terme à leurs travaux, c'est pour chercher un moyen de rendre la publication plus prompte et basée sur un nouveau plan. "
Si vous le voulez bien, nous nous réunirons mardi prochain, une dernière fois, pour nous faire nos adieux.
Recevez, Monsieur le Comte et cher collègue, l'assurance de mes sentiments dévoués.
Le maréchal de France,
Président de la Commission,
Vaillant.
Monsieur le Comte de Flahault, Sénateur
Membre de la Commission de la correspondance de
Napoléon Ier.
* Flahaut (Françoise de Bernardy / Perrin / p.364)* The First Napoleon / Some unpublished documents from the Bowood papers / The Earl of Kerry / p. 335-336
L'Empereur Napoléon III à Flahault
Compiègne, le 3 Décembre 1863.
Mon cher Comte de Flahault,
J'ai arrêté la publication des lettres de l'Empereur, parce que je me suis aperçu qu'on avait publié des lettres qu'on aurait aussi bien fait de supprimer. En dernier lieu le Prince Napoléon m'a cité plusieurs faits qui ont attiré mon attention et m'a remis le rapport ci-joint. Je vous prie de le lire avec attention et de me dire votre avis. La chose qui me paraît grave serait, comme me le propose mon cousin, de recommencer la publication.
J'ai mis au crayon le nom des personnes qui faire partie de la commission. J'espère que vous voudrez bien encore en faire partie, car le Prince Napoléon se plaît à reconnaître que vous êtes le seul qui ayez mis dans ce travail un discernement éclairé, basé sur un véritable dévouement à la mémoire de l'Empereur.
Je saisis avec plaisir cette occasion pour vous renouveler l'assurance de ma sincère amitié.
Napoléon.
Note sur la Correspondance de Napoléon Ier
[Dec. 1863.]
But de la publication
Je partage entièrement les opinions à ce sujet exprimées dans la note.
Caractère de la Publication
Il me semble qu'il y a dans cette partie de la note des opinions avancées un peu légèrement sur quelques membres de la commission, et je dois dire que je ne me suis jamais aperçu qu'aucun d'eux ait essayé de dénaturer ou écarter aucun des documens qu'on proposait de publier.
S'il y a un reproche à leur faire, c'est d'avoir, par un respect aveugle pour tout ce qui leur semblait émané de l'Empereur, été trop inclins à admettre dans ce recueil des pièces qui n'auraient pas dû s'y trouver.
Modifications à introduire dans cette Publication
Diviser le contenu en quatre grandes Catégories
Je crois que ce serait un très mauvais arrangement, et qui ôterait à la publication son caractère le plus remarquable.
N'est-ce pas, en effet, cette correspondance, traitant à la fois des sujets les plus divers : la grande politique générale, la guerre, l'administration de l'armée, l'administration intérieure de la France, les questions de morale philosophique et de morale religieuse, les relations de famille et d'affection, les établissemens de diverses sortes (comme cette lettre sur l'institut fondé à Ecouen pour l'éducation des filles des membres de la Légion d'honneur), qui est un chef-d'œuvre par le soin et l'habileté avec lesquels tout y est prévu et discuté.
Je le répète donc, ce qui est surtout remarquable, outre le génie et l'habileté avec lesquels ces sujets sont traités, c'est de voir qu'ils forment son occupation de chaque jour, à toutes les heures ; et ce cachet se perdrait (indépendamment de la difficulté de la classification) si on voulait adopter le système proposé, et au lieu d'un tableau synoptique de la vie journalière de l'Empereur, on aurait quatre recueils de pièces historiques, pour servir à l'histoire de son règne.
Un autre inconvénient encore qui résulterait de ce plan serait la nécessité de détruire tout ce qui a été fait jusqu'ici. Il faudrait redemander à tous les souverains, à toutes les bibliothèques , à tous ceux enfin qui les possèdent, les exemplaires qu'ils ont reçu.
Ne serait-il pas à craindre que cela n'inspirât l'idée que trop de franchise avait présidé à l'œuvre supprimée, et qu'on se propose d'être plus réservé à l'avenir ? Ce qui ne manquerait pas de jeter du doute et de la défaveur sur la nouvelle commission et publication.
L'Empereur m'ayant permis de lui dire mon avis, j'ai l'honneur de le lui soumettre en toute sincérité, et je le prie de me permettre d'attendre sa résolution, avant d'accepter la proposition de faire partie de la commission, que j'ai reçue avec une profonde reconnaissance.
* The First Napoleon / Some unpublished documents from the Bowood papers / The Earl of Kerry / p. 337 à 339