"Je me marie après-demain et j'expédie un courrier important, de sorte que j'ai à peine le temps de vous écrire. Il n'y a que de votre côté que j'ai un peu de bonnes et aimables félicitations. De Paris, je n'ai qu'un monceau d'attaques, de calomnies, d'injures, etc. Je m'y attendais, mais moins cependant qu'il n'y en a eu ; cela produira naturellement le résultat que vous désirez, plus que mes propres dispositions. La vengeance va très loin, sans mesure, sans tact, sans esprit, sans prudence pour elle-même et les siens.
Maintenant, je n'ai plus à regarder derrière moi.
Morny, l'homme du second empire (Dufresne / Perrin / p.256)
Morny et son temps (Parturier / Hachette / p.164)
Monsieur,
Je viens de lire la relation de la campagne de 1815, qui termine le 2è volume de votre histoire du Duc de Wellington, et je ne puis résister au désir de vous exprimer la satisfaction que, malgré la tristesse de ces souvenirs, j'ai éprouvé à la lecture de ce morceau d'histoire, qui se distingue par l'impartialité avec laquelle vous racontez les événements et jugez les hommes qui y ont pris part… J'espère que vous ne trouverez pas mauvais que je vous fasse connaître quelques faits qui ne pouvaient pas être parvenus à votre connaissance et qui sont de nature à modifier l'opinion que vous avez exprimée sur la part qu'ont eue les Maréchaux Ney et Grouchy dans les résultats de cette campagne.
Peut-être le meilleur moyen de parvenir au but que je me propose est-il de vous faire le récit de ce qui s'est passé sous mes yeux, ou dont j'ai eu connaissance personnelle. L'Empereur m'a, comme vous le dites, dicté à Chaleroi entre 8 et 9 hres du matin, une lettre pour le Maréchal Ney, dans laquelle il lui fesait connaître la manière dont il avait distribué l'armée sosu ses ordres et ceux du Maréchal Grouchy, et l'informait (autant que je puisse m'en souvenir) de l'opération qu'il allait entreprendre avec ce dernier, le corps du comte de Lobau, et la Garde Impériale, contre l'armée prussienne : mais quant aux ordres de mouvements, je fus chargé de les porter verbalement au Maréchal Ney. Je lui donnai donc de la part de l'Empereur l'ordre de se porter sur les Quatre-Bras, d'occuper fortement ce point important, et (si les forces qu'il rencontrerait le lui permettaient) d'appuyer le mouvement de l'Empereur sur l'armée prussienne avec toutes les troupes dont il pourrait disposer.
Après lui avoir donné cet ordre vers onze heures, ainsi que je l'ai dit dans ma lettre au duc d'Elchingen que vous citez, je me portai en avant et je rencontrai assez près des Quatre-Bras le Général Lefèvre Desnouettes avec sa cavalerie. Je restai avec lui en attendant l'arrivée des troupes du Maréchal Ney, et nous vîmes, assez loin, en face de nous, des états-majors anglais qui paraissaient examiner la position. Le Général Lefèvre Desnouettes fit tirer quelques coups de canon sur eux, bien qu'ils fussent hors de portée.
Enfin, le Maréchal Ney parut et l'affaire s'engagea, mais il n'y eu point d'ensemble dans les dispositions. On attaqua comme on dit, le taureau par les cornes, lançant des troupes successivement à mesure qu'elles arrivaient, et malgré la bravoure qu'elles déployèrent , on n'obtint aucun résultat.
La nuit venue, chacun garda sa position. Je soupai avec le Maréchal Ney et me mis ensuite en route pour rejoindre l'Empereur. J'arrivai à Fleurus entre 6 et 7 heures du matin. Le Maréchal Ney n'ayant pas eu le temps de faire son rapport, m'avait chargé de rendre compte à l'Empereur de ce qui s'était passé. Mon récit ne lui causa pas une grande satisfaction.
Vers 10 heures nous montâmes à cheval et après avoir parcouru le champ de bataille, nous rejoignîmes la chaussée. Là, l'Empereur prit congé du Maréchal Grouchy en lui adressant ces paroles, dont je me souviens comme si cela s'était passé hier. " Allons Grouchy, poursuivez les Prussiens, l'épée dans les reins ; mais communiquez toujours avec moi par votre gauche. "
Vous voyez donc, Monsieur, que quant au Mal Grouchy, il était impossible de chercher à le pénétrer davantage de la nécessité de ne pas perdre de vue l'armée prussienne et de se tenir, le cas échéant, en mesure de se porter vers l'Empereur ; et l'on comprend que Sa Majesté ne dut pas s'attendre à voir arriver les Prussiens sans être suivis par Grouchy. Quant au maréchal Ney, il a su le 16 à 11 heures du matin, l'importance que l'Empereur attachait à ce qu'il s'emparât de la position des Quatre-Bras. Et quant au mouvement de cavalerie, que vous signalez avec raison (page 422) comme ayant eu une influence funeste sur l'issue de la bataille de Waterloo, j'ai l'honneur de vous envoyer copie d'une réclamation contre des assertions mensongères du Maréchal Marmont que j'ai cru devoir faire publier dans le Moniteur et qui vous dira la manière dont cela s'est passé…
* The First Napoleon / Some unpublished documents from the Bowood papers / The Earl of Kerry / p. 313 à 315
"Point de pleurs, ni de cris, une douleur froide, contenue, qui fera face au monde (elle donne à dîner et reçoit le soir) et ne donnera à personne le spectacle des larmes et de la faiblesse. Froidement aussi, elle réclame la bagatelle de quatre millions à Morny. J'ai dit que, pour ma part, mes renseignements de l'autre côté étaient complètement opposés à ces déclarations, que je croyais diamétralement le contraire, que personne ne pouvait et ne devait croire que Morny fût arrivé à la résolution qu'il a prise avant d'être en règle avec Mme Le Hon".
* Morny et son temps (Parturier / Hachette / p.165)
" M de Flahaut est mieux que jamais."
* Flahaut (Françoise de Bernardy / Perrin / p.335)
Monsieur le Directeur,
Déjà plusieurs réclamations soulevées par les Mémoires du Maréchal duc de Raguse, ont été publiées dans le Moniteur, et j'espère que vous voudrez bien accorder la même faveur à celle que j'ai l'honneur de vous adresser.
Recevez, monsieur le directeur, l'assurance de ma parfaite considération,
Comte de Flahault.
Le Maréchal Marmont dit à la page 121 du tome VII, en rendant compte de la bataille de Waterloo :
" Pendant le cours de la journée, Napoléon s'était trouvé si éloigné du champ de bataille, qu'il n'avait pu modifier l'exécution de ses projets, et particulièrement faire soutenir à temps ce mouvement de cavalerie qui aurait pu produire un effet si utile et si décisif ; prématuré et exécuté d'une manière isolée, il devint inutile ; et cependant si, quand il commença, on eût fait donner la garde, on aurait remédié au mal.
" Au moment du désordre, la terreur s'empara de l'Esprit de Napoléon, il se retira au galop à plusieurs lieues, et à chaque instant (il était nuit), il croyait voir sur sa route ou sur son flanc de la cavalerie ennemie, il l'envoyait reconnaître. "
Il est impossible de ne pas remarquer la haine qui perce dans tout ce récit, que le maréchal prétend tenir du général Bernard ; ce qui est impossible, car le général Bernard était un brave et honnête homme, et par conséquent incapable de lui avoir raconté un tel tissu de faussetés.
L'Empereur s'est placé, pendant la bataille, sur un mamelon, au centre de la position d'où son regard embrassait l'ensemble des opérations et d'où il aperçut le mouvement de la cavalerie qu'avait ordonné le maréchal Ney, qui lui parut en effet prématuré et intempestif ; aussi s'écria-t-il : " Voilà Ney qui d'une affaire sûre en fait une affaire incertaine ; mais maintenant, puisque le mouvement est commencé, il n'y a plus autre chose à faire qu'à l'appuyer ". Et il m'ordonna de porter l'ordre à toute la cavalerie de soutenir et de suivre celle qui avait déjà passé le ravin qui la séparait de la position occupée par l'ennemi. Ce qui fut fait. Malheureusement le moment n'était pas arrivé pour qu'un tel mouvement pût réussir, et l'Empereur l'avait bien senti ; mais on ne pouvait pas arrêter et rappeler les corps déjà engagés, et il y a à la guerre des fautes qu'il n'y a moyen de réparer qu'en y persévérant.
Je laisse au Maréchal Marmont, sans le lui envier, l'honneur du parallèle (voyez page 125) qu'il cherche à établir entre les chefs des deux armées et la part qu'il fait à chacun dans le résultat de la bataille ; il se complaît à faire le panégyrique du général anglais aux dépens de l'Empereur, mais au lieu de prendre tant de peine pour l'accuser de fautes auxquelles il attribue l'issue funeste de cette journée, il aurait pu sentir que l'arrivée inattendue sur notre flanc d'un corps de 30000 Prussiens, dont l'artillerie traversait et labourait de ses boulets notre ligne d'opérations, a été la véritable cause de la perte de la bataille et de ses suites désastreuses. Dans son rapport à son gouvernement, le duc de Wellington a la justice d'en convenir.
Quant à la terreur que le maréchal prétend s'être emparée de l'esprit de l'Empereur au moment du désordre, je ne puis mieux faire pour réfuter cette assertion mensongère, que de raconter les faits tels qu'ils se sont passés sous mes yeux, et par conséquent personne n'est plus en état de le faire que moi.
Après avoir assisté à l'attaque de la cavalerie et à celle de la garde, et lorsque le mouvement de retraite se fut prononcé, je suis revenu chercher l'Empereur. Il était nuit ; je l'ai retrouvé dans un carré et je ne l'ai plus quitté ; après y être resté quelque temps, et la bataille étant perdue sans ressource, il en est sorti pour se porter sur la route de Charleroi.
Nous avons suivi cette direction, non pas au galop, comme on a l'infamie de le dire dans ces Mémoires, mais au pas, et aucune poursuite de l'ennemi n'a pu inspirer à l'Empereur les craintes que le maréchal, dans sa haine, voudrait lui attribuer. Loin d'avoir l'esprit troublé d'aucune crainte personnelle, et bien que la situation ne fût pas de nature à lui inspirer une grande quiétude, il était tellement accablé par la fatigue et le travail des jours précédents, qu'il n'a pu s'empêcher plusieurs fois de céder au sommeil qui s'emparait de lui, et il serait tombé de cheval si je ne l'avais pas soutenu.
Nous sommes arrivés le lendemain matin à Charleroi, où nous avons pris la poste pour nous rendre à Laon ; il s'y est arrêté pour écrire le bulletin dans lequel il rend compte de cette fatale journée, et s'est ensuite mis en route pour Paris ; voilà la vérité. Qu'on la compare avec le récit haineux et mensonger du Maréchal Marmont, et qu'on juge.
Mais quel sentiment d'indignation et de dégoût n'éprouve-t-on pas en voyant un homme, dont tous les efforts auraient dû tendre à se faire oublier ou au moins pardonner, venir ainsi attaquer celui qui avait été son bienfaiteur, et, après l'avoir trahi vivant, le calomnier après sa mort !
Cte de Flahault.
* The First Napoleon / Some unpublished documents from the Bowood papers / The Earl of Kerry / p. 319 à 321* La défection de Marmont en 1814 / Rapetti / Librairie Poulet-Malassis et de Broise / Appendice
* Jadis (2ème série) (Frédéric Masson / Société d'éditions littéraires et artistiques / p.282-284)
Voir d'autres pages numérisées sur sa participation à la bataille de Waterloo