Télégramme
Cher ami,
Différez votre départ de quelques jours et ne partez pas avant que je vous fasse signe. Je vous écrirai demain.
* Le secret du coup d'Etat (Guedalla-Kerry / Emile-Paul 1928 /p.248)
J'espère que vous n'approuvez point l'exil de tous ces français. Il me semble que c'est là une politique maladroite et nettement en désaccord avec les propres promesses du Président, qui a limité l'exercice de son autorité arbitraire à la période comprise entre le coup d'Etat et la réélection. Assurément, avec une pareille majorité, il pouvait supporter la présence d'un homme comme M de Rémusat à Paris. Quel cauchemar ce sera ici aussi !
Au revoir, chère maman...
J'ai écrit si précipitamment à papa hier soir que j'ai oublié de le remercier de m'avoir envoyé sa lettre à la R[eine] des F[rançais] (lettre du 11 janvier). Voulez-vous le faire pour moi ?
Le secret du coup d'Etat (Guedalla-Kerry / Emile-Paul 1928 /p.244)
Chère comtesse de Flahaut,
J'ai été enchantée de lire votre récit sur les déclarations imprudentes de Thiers. Si seulement il avançait pareille assertion, il ferait tant de bien que le mal causé par ses précédents bavardages en serait neutralisé. Je redoute seulement qu'Ellice, Chas, Greville, ou quelques autres, tentent de lui fermer la bouche et de lui dire que la reconnaissance de son coup d'Etat, voulu, est le meilleur service qu'il puisse rendre au Président. Je ne doute pas que le fait soit exact ; mais en général les gens n'y croient pas ou disent n'y pas croire. Quand M. de Flahaut ira à Paris, ce serait pour lui un objectif de premier ordre que de faire publier quelques preuves de cette conspiration.
Les gens en Angleterre sont vraiment si sots et si absurdes dans leur façon d'injurier le Président qu'on se sent humilié de leur manque de jugement et de leur manière de se laisser ainsi mener par le Times. D'ailleurs, quelle que soit l'opinion ici, les Français sont certainement les meilleurs juges dans leurs propres affaires, et si 8 millions d'entre eux ont approuvé le coup d'Etat et l'ont jugé névessaire, je ne vois pas de quel droit nous ferions un pareil vacarme. Un des étrangers qui se trouvait à Claremont au moment du coup d'Etat m'a rapporté que la princesse de Joinville avait dit, au milieu de son désespoir et de ses lamentations : "Et moi qui croyait être à Paris le 20", - mais ne me citez pas pour rien au monde, je vous en prie.
Je regrette vivement de nous pas vous voir ainsi que M. de Flahault, mais je comprends que vous ayez tout deux beaucoup à faire.
Croyez-moi votre bien dévouée.
E.PALMERSTON
Les Craven se sont rendus à Londres aujourd'hui.
* Le secret du coup d'Etat (Guedalla-Kerry / Emile-Paul 1928 /p.256-257)
Ma chère comtesse de Flahaut,
Je vous suis très reconnaissante de votre bonne lettre, et à M de Flahaut de ses explications ; c'est très aimable de sa part d'avoir tenu à me les donner. Mais nous n'attachons jamais aucune importance aux récits des journaux et nous les considérons toujours comme inventés si nous n'avons pas d'autres raisons de les croire vrais.J'ai été très contrariée par cette extraordinaire affaire (la chute de Palmerston), plus pour des raisons d'ordre public que privé, je vous assure, car j'estime que cette sorte d'esclandre à propos de rien est tout à fait nuisible à Lord John et au parti whig. Je sais que Palmerston est absolument exempt de tout blâme quel qu'il soit ; et par conséquent, lorsque le Parlement rouvrira, il prouvera lui-même qu'il est à l'abri de toute accusation même la plus légère, comme il l'a prouvé à propos de la question grecque ; mais le sentiment de triomphe que l'on éprouve à se défendre de ses ennemis devient une source de chagrin quand on doit prouver à un vieil ami comme Lord John qu'il a entièrement tort. Je dois dire que je n'ai jamais été plus peinée que par sa conduite et que je la regarde comme un des actes les plus inconsidérés et imprudents qu'il ait jamais commis à ma connaissance. C'est peut-être l'opinion d'une péouse, toutefois, et c'est pourquoi je ne m'attends pas à ce que vous fassiez confiance à mes paroles, mais je pense que tout s'expliquera au Parlement lorsqu'il siègera à nouveau.Je suis certaine que le cher Lord Lansdowne aura été vivement contrarié par ces circonstances, quel que soit pour lui celui qui mérite un blâme, et je suis navrée qu'il en soit tourmrnté de toute façon.Croyez-moi, chère Mme de Flahault, très sincèrement vôtre :
E. Palmerston.
Quel triomphe a remporté le Président ! Les Valeskys [sic] sont enthousiasmés de ce résultat et de la belle cérémonie à Notre-Dame.
Le secret du coup d'Etat (Guedalla-Kerry / Emile-Paul 1928 /p.224-225)
J'ai été très content (bien heureux) d'avoir de vos nouvelles, car je ne peux oublier les preuves de loyauté (dévouement) que vous m'avez données, et je regrette (regrettais) profondément (vivement) que quelque chose soit venu interrompre nos bonnes et sympathiques relations .
Je ne regrette pas moins (Je regrettais également) qu'une décision que je considérais comme indispensable ait forcé Morny à démissionner (se retirer), car j'ai pour lui la plus grande affection (j'éprouve pour lui une réelle amitié)
J'espère, mon cher Général, que vous me permettrez à la première occasion de mettre votre nom sur la liste du Sénat ; car personne n'a plus de titres que vous pour y figurer, et personne ne peut y apporter plus de lumière, plus d'autorité et de patriotisme.
J'ai été satisfait des discours du Ministère au Parlement, néanmoins je ne puis me dissimuler que les bruits de guerre qui sont si absurdes, sont propagés et encouragés par le Gouvernement anglais lui-même.
Je désire bien vivement vous voir et vous renouveler l'expression de ma haute estime et de mon amitié.
LOUIS-NAPOLEON."
* Flahaut (Françoise de Bernardy / Perrin / p.324-325)* Le secret du coup d'Etat (Guedalla-Kerry / Emile-Paul 1928 /p.271-272)
" Mon refus d'entrer au Sénat a blessé le président et, aujourd'hui, il désire me nommer président du Corps législatif (…) Tous mes amis politiques souhaitent que j'accepte parce que c'est une garantie et un point d'appui pour les honnêtes gens. En outre, refuser encore c'est se mettre en état d'hostilité contre le président. Puis-je oublier ce que je lui dois ? Je puis déplorer ses fautes, ne pas m'y associer, mais dois-je les combattre ouvertement ?"
Morny, l'homme du Second Empire (Dufresne / Perrin / p.174)
Madame,
Votre Majesté m'a permis dans plusieurs occasions de m'adresser directement à elle et j'ose espérer qu'elle ne trouvera pas mauvais que je prenne en ce moment la même liberté, bien qu'il ne s'agisse que de ce qui me touche personnellement. Peut-être pourrais-je invoquer, pour en réclamer la permission, vingt années d'un attachement et d'un dévouement dont j'ai été assez heureux pour lui donner quelques preuves.
Depuis mon retour ici, le 25 du mois dernier, j'hésite à faaire la démarche à laquelle je me décide aujourd'hui. Non que je n'en aie senti le vif désir au fond de mon coeur, mais parce que d'après tout ce qui me revenait de l'impression produite sur Votre Majesté par les événements de Paris, je craignais d'être importun et de ne point être écouté avec bonté. Cependant, après y avoir bien réfléchi, il m'a semblé qu'un honnête homme qui dans les temps d'orage que nous avons traversés, peut examiner sa vie sans avoir à rougir, a quelque droit à être écouté favorablement.
Madame, lorsque je suis allé à Paris au commencement de novembre, je n'hésite pas à le dire, je prévoyai une crise, et je me flattais d'éviter à mon pays une convulsion aussi violente et dangereuse que celle qui a eu lieu, en rétablissant entre le Président de la République et les chefs de la Majorité de l'Assemblée la bonne intelligence que des fautes bien regrettables avaient interrompue. Malheureusement, des fautes plus regrettables encore ont paralysé mes efforts et amené la necessité des mesures prises le 2 décembre. Votre Majesté me permettra d'ajouter que c'est contre l'anarchie et les auteurs ou fauteurs de la révolution de 1848 qu'elles ont été principalement dirigées.
Il est naturel, cependant, que ce soit de l'appréciation des circonstances et de la nécessité de ces mesures que doive dépendre le jugement de Votre Majesté sur la conduite de ceux qui y ont pris part, et je ne puis prétendre qu'elle[sic] soit conforme à la mienne. Mais je puis dire avec une parfaite sécurité de conscience que, comme en 1830, ma détermination a été motivée par l'amour de mon pays, le désir de le sauver de l'immense danger qui le menaçait et que ma conduite n'a été dirigée par aucun sentiment d'ambition ou d'intérêt personnel.
Je ne m'attends pas, Madame, à ce que vous puissiez m'écouter avec indulgence, mais j'ai besoin néanmoins de vous assurer que, si j'ai contracté de nouveaux devoirs en reprenant une part dans la conduite des affaires de mon pays, je ne crois avoir rieen fait de contraire aux sentiments d'attachement que j'ai voués à Votre Majesté et que rien ne saurait jamais effacer.
Je suis avec le plus profond respect,Madame,de Votre Majestéle très humble et très obéissant serviteur.
Cte de Flahaut
* Le secret du coup d'Etat (Guedalla-Kerry / Emile-Paul 1928 /p.230 à 232)
Flahaut demanda à l'ex-reine de comprendre les raisons qui le faisaient pencher en faveur du coup d'Etat et l'assurait, dans la lettre qu'il lui adressait, que ses nouvelles obligations n'avaient rien changé et ne changeraient jamais rien "aux sentiments d'attachement que je porte à Votre Majesté".
* Le duc de Morny (Gerda Grothe / Fayard / p.113)
Mon cher ami,
Votre message m'est arrivé hier (dimanche) et a suspendu mon départ qui devait avoir lieu ce matin. Je l'ai regretté parce qu'il est de quelque importance que je retourne à Paris avant l'ouverture du Parlement anglais, ayant à entretenir le Prince de choses assez importantes. Enfin, j'attendrai deux ou trois jours la lettre que vous devez m'écrire.
Hier à White's on a dit que le Président avait le projet de confisquer les biens de la Maison d'Orléans, et je n'ai pas besoin de vous dire de quelles réflexions cela a été accompagné. J'espère que c'est un de ces faux bruits, une de ces infâmes calomnies, qui abondent dans les journaux anglais. Je ne puis croire qu'un Prince d'un esprit juste et ferme, d'un coeur noble et généreux, puisse concevoir la pensée d'une spoliation qui révolterait tous les hommes honnêtes. Moi, qui me souviens de l'effet produit en 1814 par une telle mesure, prise par le Roi Louis XVIII contre la famille de l'Empereur - moi, qui en ai été revolté - je ne puis croire que le Prince veuille s'exposer à produire un effet aussi déplorable.
La confiscation faisait partie du code pénal français jusqu'à la fin de l'Empire, mais le législateur qui avait senti lui-même tout l'odieux d'une semblable punition (qui frappe l'innocent et non le coupable puisqu'elle est la conséquence de la condamnation à mort de ce dernier), avait donné au chef de l'Etat le pouvoir d'en atténuer la rigueur, en disposant des biens confisqués en faveur, soit des pères, mères ou autres ascendants, soit de la veuve, soit des enfants et autres descendants légitimes, naturels ou adoptifs, soit des autres parents du condamné.
La confiscation d'ailleurs ne pouvait avoir lieu que dans les cas où la loi la prononce expressément, et la loi ne la prononce que contre tout Français qui aura porté les armes contre la France. Le livre III du Code Pénal contient tous les cas où une telle punition doit être infligée, et certes aucun des fils du Roi L.Philippe ne se trouve dans ce cas ; car depuis la révolution de février, ils se sont soumis à toutes les mesures de rigueur prises contre eux. D'ailleurs la confiscation a été formellement, et à tout jamais, abolie par l'article 66 de la Charte constitutionnelle, et cette abolition est tellement entrée dans les moeurs, qu'une telle mesure ne saurait manquer d'être considérée comme une atteinte violente portée aux droits de la propriété.
Soyez parfaitement certain que, si le Prince se décidait à une pareille mesure, il s'aliènerait l'opinion publique de la France et de toute l'Europe ; et réellement si l'on veut descendre à un si misérable calcul, les biens dont il s'agit n'en valent pas la peine.
depuis le 10 décembre 1848 le prince Louis-Napoléon a gagné par sa conduite ferme, honnête, élevé, la bonne opinion de tous les honnêtes gens, et il serait bien affligeant de la lui voir perdre pour ce qui ne paraîtrait à tout le monde qu'une petite et honteuse vengeance. Mais je le répète, je ne puis admettre qu'il y ait le moindre fondement à de pareils bruits.
* Le secret du coup d'Etat (Guedalla-Kerry / Emile-Paul 1928 /p.249 à 251)
Mon cher ami,
Je n'ai pas attaché une si grande importance à la prière que vous m'avez faite de ne pas venir à Paris, mais je tenais à en connaître les motifs, et d'après ce que vous m'écrivez aujourd'hui je les crois erronés. Je ne dis pas qu'il soit certain que j'eusse rien empêché, mais personne ne peut dire non plus que cela eût été impossible. Dans tous les cas, vous pouviez être certain que je n'eusse rien fait qui eût pu avoir un fâcheux effet pour ma réputation. Je ne vous aurais jamais conseillé quoi que ce soit qui eût pu faire du tort à la vôtre.
Vous dites que vous m'avez caché bien des choses. Pourquoi l'avez-vous fait ? Il me semble que dans nos rapports, on ne se cache rien, surtout dans des matière d'aussi haute importance. J'ai la conviction que la prière de ne pas venir n'est pas partie de vous, et je ne suis pas, mon cher ami, sans crainte que vous ne soyez aujourd'hui encore sous des influences hostiles, ou tout au moins des plus défavorables au personnage en question. (Peut-être est-ce là une allusion voilée à Mme Le Hon ?)
Mettez-vous en garde contre cela et, parce que certaines choses vous ont justement déplu, ne voyez pas tout dans des couleurs aussi sombres. Que l'on aime les flatteurs, que l'on soit mal disposé pour les hommes indépendants et qui résistent à nos volontés, qu'on les trouve incommodes - mon Dieu, c'est le cas de tous les hommes qui sont au pouvoir, et même de beaucoup de ceux qui n'y sont pas ! Croyez-moi, soyez amical envers le Président et faites-vous pardonner les services que vous lui avez rendus - ils ont été assez grands pour être pesants !
Vous avez bien fait de quitter le ministère, mais ne vous flattez pas qu'on vous en saura gré à Claremont. On nous y déteste tous les deux plus qu'on y déteste M. de Persigny ! Dites-vous d'ailleurs que votre attachement pour le Président et l'amour de votre pays sont les seules excuses que vous ayez pour votre conduite au 2 Décembre, et ces deux sentiments doivent encore la diriger.(Rappelez-vous que votre attachement pour le prince et l'amour pour votre pays sont vos seules excuses pour ce que vous avez fait au 2 décembre…)
Vous devez accepter d'être (la place de) sénateur, car vous aurez ainsi la possibilité (cela vous donnera l'occasion) d'être (encore) utile. Quant à moi, ma situation est différente (je ne suis pas dans le même cas). Ma carrière est finie. Si je pouvais effacer le 2 décembre, je le ferais volontiers, car au fond, je n'y avais que faire et sans vous, je ne m'y serais pas trouvé, parce que ce qui vient de se passer ne me laisse pas d'espoir que ce jour aura inauguré un avenir heureux pour mon pays. Mais vous n'aviez pas alors les opinions que vous m'exprimez aujourd'hui, et vos opinions ont eu une grande influence sur mon jugement et sur ma conduite. Je vous envoie ouverte une lettre pour le Président ; elle est pour vous seul, et souvenez-vous mon cher ami que le secret (qui ne vous appartient pas) vous n'avez le droit de le confier à qui que ce soit. Je vous prierai de la faire remettre à l'Elysée, à moins toutefois qu'elle ne soit de nature à vous nuire, et dans ce cas vous pourrez me dire ce que vous n'approuverez pas, ou bien (sans la remettre) conseiller au P[résident] de ne pas me nommer [sénateur]. Ce que je désire uniquement c'est de ne pas donner d'éclat à cette démarche. Trop de raisons s'opposent à ce que je prononce un blâme public contre lui. Je veux sauvegarder ma considération et ma délicatesse, et voilà tout.
Je ne puis vous cacher que lorsque je me rappelle la façon dont les affaires se traitaient autour de vous, le bavardage qui s'exerçait sur les choses et les hommes, je crains bien qu'il n'y ait eu des répétitions et des indiscrétions, et que cela n'ait produit de l'irritation et de bien mauvais effets. Dans la position confidentielle et importante dans laquelle vous étiez placé, une discrétion à toute épreuve eût été de rigueur. Enfin il ne s'agit plus de cela, mais je vous en supplie, ne permettez pas qu'autour de vous s'établisse un foyer d'opposition et des mauvais propos contre celui pour lequel vous avez témoigné tant de dévouement.
Soyez sûr encore, bien que vos motifs aient été excellents, que vous avez été mal inspiré le jour que vous m'avez écrit de ne pas venir, et que je vous aime trop pour n'avoir pas fait ce que vous désiriez, mais je l'ai fai avec un extrême regret.
Je vous embrasse de tout mon coeur.
F."
PS. Il court ici une histoire sur laquelle je vous demande une explication, afin de pouvoir la contredire s'il y a lieu. On dit que vous auriez fait [déplacer ?] à Lord Normanby la loge qu'il avait au Français, apr la raison que comme Ministre de l'Intérieur, vous désiriez l'avoir vous-même. J'ai répondu sur-le-champ que je ne croyais pas cela possible. Cela n'était ni dans votre caractère, ni dans vos manières. Votre administration aurait-elle fait à votre insu une démarche aussi inconvenante ? A propos de Lord Normanby, je crois qu'il ne retournera pas à Paris.
Vous savez probablement que les journaux anglais racontent une anecdote sur des communications entre vous et Mme d'Osmond, que je ne crois pas non plus, et je la range parmi celles dans lesquelles figure une visite que j'aurais faite à M Molé, et où j'aurais été à peu près mis à la porte.
Adieu encore. Envoyez donc vos lettres pour moi à Dumarest et Ducoing.
P.P.S. - Les journaux donnent (Le journal nous apporte) la liste des sénateurs. Je garde donc ma lettre (dans laquelle il demandait vraisemblablement de ne pas être nommé sénateur) qui devient inutile - ce que je préfère infiniment. Peut-être, comme vous le dites (selon vous) , le président a-t-il préféré que je ne sois pas nommé. Il savait (il devait être bien sûr) que je ne pouvais accepter. En ce qui vous regarde (Quant à vous), je n'y voyais aucun inconvénient (je n'aurais rien vu qui s'y opposât) et je crains beaucoup que certains de vos voisins (Mme Le Hon) n'aient été imprudents dans leurs propos. Il est évident qu'ils désirent vous mettre en mauvais termes avec le président (où il m'est évident qu'on désirait vous mettre mal avec le P[résident]. Essayez, je vous en prie, de les persuader d'être calmes et modérés. Rien ne pourrait vous faire plus de tort que si vous ou moi faisions preuve d'un esprit d'opposition ou parlions du président d'une manière hostile ou déplaisante (ou teniez un langage hostile et malveillant pour le P[résident].
Occupez-vous de vos affaires. Vous avez contribué pour une grande part à sauver la France d'un grand danger. Votre nom se trouve associé à toutes les grandes mesures d'ordre, et peut-être êtes-vous très heureux d'avoir dû mettre un terme à la mission dont vous aviez consenti par dévouement à vous charger. Mais croyez-moi, ne dites pas un mot qui donne à personne le droit de dire que vous êtes mécontent."
Morny, un voluptueux au pouvoir (Rouart / Gallimard / p.169)
Dans l'entourage de l'Empereur (Emile Dard / Plon / p.63)
Le duc de Morny (Gerda Grothe / Fayard / p.119-120)
Morny, l'homme du Second Empire (Dufresne / Perrin / p.171-172)
Flahaut (Françoise de Bernardy / Perrin / p.32-323)
Le secret du coup d'Etat (Guedalla-Kerry / Emile-Paul 1928 /p.262 à 267)
Morny et son temps (Parturier / Hachette / p.101)
Mon cher Auguste,
"Je reçois à l'instant votre lettre du 2, et j'en reviens à ma vieille opinion que tous les Princes se ressemblent et que les illégitimes sont encore ceux qui valent le moins.
Vous pouvez être sûr que votre attitude du 22 janvier n'effacera pas aux yeux de Claremont le souvenir du 2 décembre, tandis qu'à l'Elysée elle fera oublier complètement cette journée. Mais que vous importe après tout (mais au fait, qu'est-ce que tout cela vous fait ?) ; vous avez été guidé (guidé) par un sentiment d'affection envers celui pour qui vous avez risqué votre vie (vous exposiez votre vie), ou du moins votre liberté, et s'il ne vous en témoigne pas de gratitude (s'il est ingrat), tant pis pour lui ! Ce ne sera pas fait pour lui gagner beaucoup de coeurs honnêtes et ne lui vaudra pas beaucoup d'actes de dévoûment. Il obtiendra peut-être des hommes tels que ceux qui l'entourent et le servent aujourd'hui, mais cela ne relèvera pas sa considération et ne lui procurera pas la confiance du pays.
Vous savez combien j'hésitais pour savoir si vous deviez accepter ou refuser la position de président du Corps législatif, il y avait beaucoup à dire pour et contre ; quant aux postes (places) que le prince vous offre maintenant à l'étranger, je n'ai aucune hésitation à vous dire que rien au monde ne pourrait me décider à en accepter aucun. S'il peut vous soupçonner sur les propos (les prévisions) d'un tiers de pouvoir trahir sa cause pour celle de ses adversaires, il serait très capable de vous soupçonner de le trahir pour servir la cour auprès de laquelle vous seriez accrédité… Comment posséder la confiance d'un homme aussi soupçonneux ?… Quelle différence, grand Dieu ! entre lui et son oncle ! Et combien je me trompais dans mon appréciation, même la dernière fois que j'ai été reçu par lui.
Mon conseil pour vous serait de rester purement et simplement membre du Corps Législatif, de n'y point faire opposition, de voter honnêtement pour les mesures et lois qui vous paraîtront utiles, et de repousser sans aucune considération celles qui vous paraîtront nuisibles aux intérêts du pays. De voir beaucoup moins de monde, de déclarer que vous ne recommandez personne, parce que vous n'avez de rapports avec aucun membre du gouvernement, et d'être en même temps très réservé dans votre langage et très respectueux et froid en parlant du Président.
Quant à moi, ce qui vient de vous arriver me confirme dans la conduite d'abstention absolue que j'ai adoptée. A Claremont on est aussi mal disposé pour moi qu'il est possible de l'être, mais quand bien même cette disposition se modifierait, jamais je n'aurais de rapports avec la famille d'Orléans. Je n'ai jamais eu leur confiance, malgré les bons services que je leur ai rendus, et je ne vois rien dans ma conduite qui ait été de nature à leur inspirer l'indignation qu'ils en ont éprouvée ; mais en même temps, je resterai étranger à ce qui se passe à Paris. Je ne suis pas de mise là où on se méfie des honnêtes gens. Dans des moments comme celui-ci, c'est un singulier souvenir que celui de votre départ de la maison le main du 2 décembre !
Si j'avais été à Paris, je vous aurais conjuré (recommandé) de tenir toute cette affaire aussi secrète que possible, car elle pourrait (elle est de nature à) nuire au prince, ce qui doit être évité à tout prix. Le fait que quelqu'un vous a fait tort n'est jamais une excuse pour lui nuire en retour. Laissez-lui les tiens (ses torts) envers vous et n'en ayez pas envers lui."
Dans l'entourage de l'Empereur (Emile Dard / Plon / p.63)
Le duc de Morny (Gerda Grothe / Fayard / p.121)
Flahaut (Françoise de Bernardy / Perrin / p.327-328)
Le secret du coup d'Etat (Guedalla-Kerry / Emile-Paul 1928 /p.291 à 294)