Je n'ai jamais pensé à vous dire mon étonnement d'avoir rencontré, le jour où je dînais chez la princesse Mathilde, et installée là comme dame de compagnie à la place de la vieille baronne allemande, devinez qui ? ... Mme Desprey qui précéda Mlle Luzy chez l'infortunée Mme de Praslin. (Quelques années plus tôt, la société parisienne avait été vivement émie par l'assassinat de la duchesse de Praslin et le suicide consécutif de son mari. Bien que le mystère de la double tragédit n'eût jamais été éclairci, on pensait généralement qu'elle avait eu pour cause une liaison illicite entre le duc et Mlle Deluzy-Desportes, alors gouvernante de ses enfants.). Quel choix ! Il est vrai que c'est toujours comme ça ici. Le niveau a baissé de façon écoeurante.J'aurais aimé savoir à temps que vous partiez pour Esher, car je vous aurais écrit une lettre que vous auriez montrée. Il n'est pas possible de jouer jeu plus inepte que cette dame (La duchesse d'Orléans). Elle est en train de gâcher complètement l'avenir de son fils...Je dîne aujourd'hui chez le Président avec Lady Douglas, qui est en instance de départ pour l'Allemagne. Ici les choses empirent de jour en jour...On me dit que l'armée est très bien disposée.
* Le secret du coup d'Etat (Guedalla-Kerry / Emile-Paul 1928 /p.154-155)
toute la correspondance échangée entre Charles de Flahaut et sa femme Margaret Mercer Elphinstone
Pour l'amour de Dieu ne vous alarmez pas pour des inepties comme les lettres anonymes que vous avez reçues. Croyez-vous qu'il y ait tant de gens prêts à risquer leur vie pour le plaisir de la revanche, et pensez-vous que ces gredins tireraient au sort pour tuer Auguste ou moi-même, alors que le Président est en vie ? N'éprouvez aucune frayeur, que je sois à Paris ou à Londres, et soyez sûre que là-bas, je rentrerai du Club aussi sain et sauf que j'en reviens ici...Pauvre Emilie, combien son jugement est dévvoyée par les sottises de ses amis et leur ignorance des faits !
* Le secret du coup d'Etat (Guedalla-Kerry / Emile-Paul 1928 /p.176-177)* Le duc de Morny (Grothe / Fayard / p.102)
toute la correspondance échangée entre Charles de Flahaut et sa femme Margaret Mercer Elphinstone
Vous me posez des questions sur l'état d'esprit dans le monde. L'irritation dépasse tout ce que vous pouvez imaginer. De vieux amis passent à côté d'un des leurs dans la rue et font comme s'ils ne se connaissaient point ; l'arrivée d'une figure déplaisante met en fuite un salon entier. La pauvre Mme de Liéven est restée complètement seule durant plusieurs soirées, chaque parti craignant de se rencontrer avec le parti adverse. Canouville était sur le point de me dépasser dans la rue sans s'arrêter, mais je l'ai saisi au collet et nous avons eu un moment d'entretien : il est très monté. La Redorte est absolument fou et furieux de n'être pas arrêté ; sa femme (Elle était la fille du maréchal Suchet, duc d'Albuféra) et la Maréchale sont modérées, paraît-il, mais je ne les ai pas vues. Sauf mon vieux camarade le général, les Ségur sont inabordables, Amélie une vraie furie. Le club de l'Union aussi hostile que possible ; le Jockey plus présidentiel. On me dit que quelques-uns de ceux qui ont été arrêtés puis relâchés sont assez raisonnables - Roger, Piscatory, Lasteyrie, Rémusat, - mais leurs épouses sont de véritables furies. Les généraux de Ham ne se montrent pas violents, à l'exception de Bedeau qui rage - devinez - ... parce qu'il a vu faire ce qu'il a eu la lâcheté de ne pas faire en 1848.Je vous ai envoyé la lettre d'Auguste à Mme Odier, c'était une lettre bonne et aimable. Jugez de son étonnement en recevant (jeudi) la lettre suivante de Cavaignac : (lettre de Cavaignac à Morny, écrite au Fort du Ham, le 17 décembre 1851)...
Remarquez le contraste entre le langage et l'action. La lettre a été écrite le 17, reçue le 18 et on y a répondu le 19 - jour fixé pour le départ de la prison.Voici la réponse ....
Très bien, n'est-ce pas ?Mme de Girardin est pleine de bonté pour moi. Sa haine est pour Claremont, et même si le comte de Chambord était mort, elle préfèrerait infiniment le Président au Comte de Paris. Girardin est présidentiel avec véhémence.Mme de Lobau se montre violente contre le Président et ce qu'on a fait... Tous les rapports des départements sur les élections sont de bon augure.
* Dans l'entourage de l'Empereur (Emile Dard / Plon / p.61)* Le secret du coup d'Etat (Guedalla-Kerry / Emile-Paul 1928 /p.191 à 195)
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Je ne suis pas du tout lassé de vous lire, mais franchement cela me fatigue de vous écrire car je me sens si mal à l'aise !Le P[rince] a été étonné et charmé de votre récit sur l'inauguration de l'Exposition. J'ai dîné à l'Elysée avec la princesse Mathilde, le prince et la princesse de Furstenberg, Hertford, Lord et Lady Ely, Lady Glengall, Mrs Anson, Pembroke, le Général et Mme Chasseloup-Laubat (elle a épousé son beau-frère en secondes noces), le général Baraguay d'Illers [sic] (succeseur de Changanier), etc., etc., - 40 personnes. J'ai été surpris car le Prince m'avait dit qu'il m'inviterait en petit comité. Il a été des plus aimables et bon pour moi ; je suis resté à causer avec lui et à fumer une cigarette après que tout le monde fût parti. Il me paraît comprendre parfaitement sa position.J'oubliais de vous dire que j'ai été jeudi soir chez Molé pour la signature du contrat (La petite-fille de Molé, Mlle de Champlatreux, allait épouser le fils aîné du duc de Noailles, mariage qui eut un certain retentissement dans le Paris mondain.) Tout Paris s'y trouvait.
* Le secret du coup d'Etat (Guedalla-Kerry / Emile-Paul 1928 /p.133-134)
toute la correspondance échangée entre Charles de Flahaut et sa femme Margaret Mercer Elphinstone
Les légitimistes et les orléanistes tentent de nier ou de traiter à la légère les horreurs commises en province, mais tous ceux qui sont sur place ou en reviennent s'expriment sur ce sujet avec trop de force et d'émotion pour que la vérité ne se fasse pas jour. J'ai le plus grand désir de rentrer à Bowood, mais notre travail est des plus difficiles - on progresse, mais lentement.Je ne raille pas vos craintes, ma chère Marguerite, et je vous en sais gré. Je n'en reste pas moins convaincu que les bandits dont les menaces vous inquiètent ne sont qu'une poignée de lâches : leur courage n'existe que dans la mesure où certains les craignent. Les proclamations d'Auguste sont la seule manière d'agir à leur endroit.Je souhaite vivement que le peuple anglais se fasse une idée plus juste et plus exacte de l'état de choses ici. La gratitude de tous les honnêtes gens de ce pays, qui n'ont pas le jugement faussé par l'esprit de parti, devrait leur ouvrir les yeux...
* Le secret du coup d'Etat (Guedalla-Kerry / Emile-Paul 1928 /p.189-190)
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J'ai reçu vos deux lettres hier. Quoique je n'aie jamais éprouvé le moindre doute que tout se passe tranquillement (inauguration de la Grande Exposition à Londres), je suis enchanté que vous ayez trouvé tout à souhaits et que vous ayez été si bien placée.J'ai lu votre lettre à Auguste et à M Rouher. Celui-ci a déclaré dernièrement qu'il était désolant d'entendre rapporter l'opinion de qui que ce soit sur ce malheureux pays. J'ai trop mal à la main et trop fort le torticolis pour vous écrire longuement sur ce sujet brûlant, même si la poste était un moyen sûr de communiquer ; mais quand nous nous verrons, c'est-à-dire avant longtemps, je vous donnerai des détails inquiétants...Je dîne aujourd'hui chez le Président.
* Le secret du coup d'Etat (Guedalla-Kerry / Emile-Paul 1928 /p.133)
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Je reçois à l'instant vottre l'hier d'hier qui m'a fait peur, car vous l'avez par inadvertance datée du 29 avril.En rentrant hier soir à la maison j'ai trouvé la lettre dont copie ci-jointe :
"Mon cher général,
Je suis bien fâché qu'une indisposition m'avait [sic] empêché jusqu'à ce jour de vous recevoir, et il me tarde de vous renouveler l'assurance de mes sentiments affectueux. Venez donc dîner ce vendredi à trois heures. Je serai heureux de causer avec vous.
Croyez à ma haute estime
LOUIS-NAPOLEON B."
C'est gentil et bien dit. J'y vais et n'ai guère de temps.Hier soir, j'ai été avec Lord et Lady Ashley voir Valérie : il n'y a rien de plus dégoûtant. Bref, en même temps que mes souvenirs, je ne trouve que déceptions au théâtre.Je dîne ce soir à Passy.Ci-joint, une lettre publiée dans le Constitutionnel d'aujourd'hui. Je vous prie de la lire et de me dire ce que vous en pensez.
* Le secret du coup d'Etat (Guedalla-Kerry / Emile-Paul 1928 /p.131-132)
toute la correspondance échangée entre Charles de Flahaut et sa femme Margaret Mercer Elphinstone
Je pense sérieusement à mon départ...Je doute fort qu'Auguste vienne avec moi, mais s'il vient je ne veux pas que vous laissiez votre chambre et je suis certain qu'il en serait navré. Je dormirais dans cette chambre et m'habillerais dans votre cabinet de toilette.Je ne sais rien de ce que fait la princesse Mathilde. Je l'ai vue chez le P[résident], jour qu'elle fut si gracieuse et aimable, mais je ne l'ai pas trouvée chez elle, bien que j'y sois passé deux fois.Avez-vous lu les articles des Débats contre la fusion ? Ils ont produit grand effet et vivement déplu à G[uizot], D[uchâtel] et Cie...Vous êtes une admirables correspondante. J'en serais moi-même un meilleur s'il ne m'était pas très pénible d'écrire, ayant mal à la tête et au cou.
* Le secret du coup d'Etat (Guedalla-Kerry / Emile-Paul 1928 /p.135)
toute la correspondance échangée entre Charles de Flahaut et sa femme Margaret Mercer Elphinstone
(Riche propriétaire foncier de la Nièvre et admirateur de Morny)
Courage, mon cher, courage ! Continuez votre dictature éclairée, et vous sauverez la France ! Prenez pour devise cette belle parole du Prince : "Il est temps que les méchants tremblent, et que les bons respirent."De ma famille, je n'approuve que la conduite de mes cousins Montalembert, Mérode et autres - courageux soldats de la cause de l'ordre. Si j'étais à Paris, j'irais te serrer la main et t'assurer de la sympathie des honnêtes gens. Mais je veux rester dans mon malheureux pays pour en imposer aux meneurs rouges qui frémissent dans leur impuissance, et relever ces pauvres modérés qui s'étaient laissés mater déplorablement par une terreur, fille de 93.Il me semble que les mouvements anarchiques sont réprimés dans mon Département à Clancy, Neury, etc. La troupe a très bien fait son devoir ; à l'autorité d'exercer une salutaire sévérité.Mes voeux te suivent.
LEONEL DE LAUBESPIN
Le secret du coup d'Etat (Guedalla-Kerry / Emile-Paul 1928 /p.172-173)
(Télégramme)
L'insurrection est réprimée partout à Paris. Le vote secret accordé par le décret d'hier a produit le meilleur effet. Les rapports de tous les départements sont excellents. La tranquillité domine partout et même l'enthousiasme.
* Le secret du coup d'Etat (Guedalla-Kerry / Emile-Paul 1928 /p.166)