" Je suis certain que le but du prince, en usant de missions extraordinaires pour annoncer son élection à la présidence décennale, est de mettre en valeur l'énorme majorité du plébiscite. L'étiquette non seulement empêcherait ce but d'être atteint, mais tendrait même à minimiser le fait. Il serait sage d'éviter ce désappointement."
* Flahaut (Françoise de Bernardy / Perrin / p.316)
"J'ai vu hier matin Lord John Russell et Lord Granville, et j'ai eu une longue conversation avec chacun d'eux.
Il n'y a pas de doute que le renvoi de Palmerston, car c'est d'un renvoi qu'il s'agit (car c'est ainsi qu'il faut l'appeler), est dû au fait que Turgot (le ministre des Affaires étrangères français) ait cmmuniqué à Normanby (l'ambassadeur anglais) le contenu des dépêches et lettres confidentielles qu'il avait reçues de Walewski (notre envoyé à Londres)…(a été la conséquence de la communication par Turgot à Normanby des dépêches et lettres confidentielles qu'il avait reçues de Walewski). Cette communication ne pouvait être d'une grande utilité, car il n'y a aucun avantage à éclairer Normanby sur les dispositions de son gouvernement, et en le faisant, on n'avait pour résultat que de le rendre mécontent de n'avoir pas reçu directement les instructions lui-même. Il est tout naturel qu'il s'en soit plaint.Lorsque Lord John Russell a découvert ce que Palmerston avait dit à Walewski, il a été très irrité (extrêmement blessé) de voir que le ministre (le secrétaire) des Affaires étrangères avait, sans son avis (sans y avoir été autorisé par lui), parlé au nom du gouvernement de Sa Majesté, et comme c'était une habitude depuis longtemps prise par ce ministre, qui avait déjà été la cause de dissentiments dans le Cabinet et avait causé un vif mécontentement, comme il arrive que la goutte d'eau fait déborder le verre, cette nouvelle indiscrétion a décidé de sa retraite.
Actuellement doit-on en conclure que le gouvernement anglais soit animé de mauvaises dispositions pour le Président ou la France ? je crois pouvoir affirmer que cela n'est pas. Je ne veux pas dire que la nature du coup d'Etat, les atteintes à la liberté individuelle qu'il a rendues nécessaires, la suppression de la représentation nationale, la suspension de la liberté de la presse soient des mesures qui ne soient pas antipathiques aux idées, aux principes, aux préjugés anglais, mais d'après tout ce qui m'a été dit et tout ce qui peut former ma conviction, je n'hésite pas à affirmer que, sans vouloir exprimer d'opinion sur ce qui vient de se passer, le gouvernement anglais a la ferme intention d'entretenir avec nous les relations les plus amicales, et qu'il désire vivement que le Président triomphe dans son entreprise.
Voilà donc toute la vérité, les causes de la modification ministérielle qui vient de s'opérer et à quoi se bornera son effet. J'ajouterai qu'on blâme extrêmement Ld Normanby d'avoir exprimé aucune opinion sur les événements de Paris. On trouve qu'en le faisant il est sorti des devoirs de sa position, et Ld John m'a promis qu'il recevrait un avertissement très sérieux de ne rien se permettre de semblable à l'avenir. J'ai la même assurance de Ld Granville et de Ld Lansdowne (Normanby fut en effet rappelé en février 1852. Lord Cowley lui succéda.)
Si le prince me permet d'avoir une opinion (veut bien me permettre de donner mon avis), je lui conseillerais (l'engagerais) de se satisfaire (à se contenter) de ce qui est (ce que l'on est disposé à faire ici) , quels que soient ses regrets du renvoi de Palmerston, de ne pas paraître y attacher d'importance (à ce changement) et de faire confiance aux bonnes intentions qu'on lui exprime. Priez-le aussi de ne pas faire de démarches tendant à obtenir le rappel de Normanby, car cela aurait peu de chance d'être accordé, et il en résulterait un état tendu dans les rapports, qui nuirait à la bonne intelligence entre les deux gouvernements.
Une grande partie de tout ce qui est arrivé eût été évitée s'il y eût une plus grande expérience pratique des affaires chez les hommes chargés de les conduire, mais c'est, voyez-vous, que la théorie ne suffit pas et qu'il faut aussi de la pratique.
Je veux encore revenir sur ce que je vous ai écrit hier. Croyez-moi, en envoyant des missions extraordinaires pour annoncer le vote immense qui porte le Prince à la Présidence decennal et lui donne tous les pouvoirs constituants, c'est de l'éclat qu'il voudra donner à cette manifestation. Eh bien, l'étiquette établie dans toutes les cours, loin de remplir ce but, ne fera que l'affaiblir et il en résultera du désappointement qu'il serait sage d'éviter.
Je joins ici un article qui a un caractère officiel et qui a été inséré dans le Globe, afin de contredire tout ce qui avait été publié dans les autres journaux."
Le duc de Morny (Gerda Grothe / Fayard / p.103)
Morny et son temps (Parturier / Hachette p.95)
Flahaut (Françoise de Bernardy / Perrin / p.313-314)
Le secret du coup d'Etat (Guedalla-Kerry / Emile-Paul 1928 /p.211 à 214)
Il était alors ambassadeur de France à Londres.)
Londres, mercredi midi 3 décembre 1851
Chère Madame de Flahault,
Je reçois une dépêche de ce ma tin 10 heures, partie de Paris à 9 heures et demie : "Paris et les départements sont bien tranquilles."J'ai des dépêches du ministre - toujours Turgot (Walewski évidemment s'attendait à ce que Turgot fût remplacé) ! Morni [sic] est à l'Intérieur, Fould aux Finances, Rouher Justice et Magne [Travaux publics].J'ai reçu toutes les proclamations. Je n'en ai qu'un exemplaire, mais si vous passez à l'ambassade je vous les montrerai.Tout est tranquille et calme à Paris.Le Président dîne avec tout le corps diplomatique et avec le ministre des Affaires Etrangères.Mille amitiés dévouées.
A.W.
Le secret du coup d'Etat (Guedalla-Kerry / Emile-Paul 1928 /p.163)
"Hier, journée mouvementée et angoissante, parce que non seulement nous ne savions comment les choses tourneraient, mais aussi parce qu'il a fallu se décider à certaines mesures : ce n'est pas sans regret, en effet, qu'on se met à arrêter des hommes respectables dont l'unique faute consiste à être des ennemis politiques.Cependant la décision était prise , et lorsque que je vous aurai dit que tour avait été résolu jeudi dernier (27 novembre), vous concevrez que les personnes informées aient éprouvé quelque anxiété. Ces personnes étaient Auguste, Saint-Arnaud, Maupas (Persigny, je crois) et moi. Jamais secret ne fut mieux gardé et plan mieux exécuté.Auguste a été héroïque ; il n'est pas possible d'avoir montré plus de courage, de fermeté, de bon sens, de prudence, de calme, de bonne humeur, d'urbanité et de tact dans ces circonstances ; et en même temps si simple et si modeste. Ceux qui l'aiment peuvent être fiers de lui.
Les choses vont aussi bien que possible (qu'on le peut souhaiter) et tout semble à présent simple et aisé ; mais je vous assure que lorsque nous nous levâmes à 5 heures et allâmes à l'Assemblée au moment même où on l'occupait, la situation n'était rien moins que rassurante. Le peuple paraît (a l'air) satisfait, il est bonapartiste et républicain. J'ai refusé tout ce qui pouvait m'obliger à une longue séparation d'avec vous (à me séparer longuement de vous), et surtout (spécialement) de ma pauvre Louise (Louisa), mais j'ai dû accepter (je ne pouvais refuser) de faire partie du Conseil qui assistera le président jusqu'au 21 du mois, c'est à dire jusqu'à ce que le plébiscite aura décidé d'accepter ou de rejeter les institutions proposées. Qu'elles soient acceptées je n'en doute pas. J'ai passé ma journée au ministère de l'Intérieur, d'où je vous ai envoyé des nouvelles par le télégraphe. Léopold Le Hon (Fils de la comtesse Le Hon, amie de Morny) m'a prêté son concours obligeant.L'épisode le plus contrariant de la journée a été le rassemblement d'environ deux cents députés à la mairie du 10è arrondissement, où ils décidèrent la déchéance du Président et la nomination du général Oudinot à la tête de l'armée du Parlement - qui ne manquait d'ailleurs que de soldats. Les députés furent conduits entre deux files de soldats depuis la mairie jusqu'à la caserne du quai d'Orsay et - je le sais par l'un deux - insultés par le peuple sur leur passage. Je déplorais que Broglie fût parmi eux. Maintenant, grâce à Dieu, il est chez lui. Les autres, Barrot, Berryer, Piscatory, etc., etc., sont ou à Vincennes ou au firt du Mont-Valérien. A la caserne du quai d'Orsay, quand Piscatory dit au général Forey : "Vous faites là un jolie métier, général", Forey lui répliqua : "Vous ferez bien, monsieur, de ne pas faire l'insolent, parce que je vous ferais donner des coups de crosse.Vous ne pouvez pas vous imaginer combien l'armée est enthousiaste...Toutes les nouvelles de Paris et des départements sont bonnes. Les noms de Bonaparte et de Napoléon semblent magiques. Mme de Lieven est dans une joie qui confine à l'extase, Marion Ellice de même ; je suppose que son oncle s'apitoye sur le petit Thiers ; il est le seul."
Napoléon III (Castelot / Perrin / p.672)
Dans l'entourage de l'Empereur (Emile Dard / Plon / p.61)
Morny, l'homme du second empire (Dufresne / Perrin / p.144)
Flahaut (Françoise de Bernardy / Perrin / p.311-312)
Le coup du 2 décembre (Henri Guillemin / Gallimard / p.351, 360 et 390)
Le secret du coup d'Etat (Guedalla-Kerry / Emile-Paul 1928 /p.160 à 163)
Le duc de Morny / Marcel Boulenger / Hachette / p.56-57
Son élégance le duc de Morny (Augustin-Thierry / Amiot-Dumont / p.132)
toute la correspondance échangée entre Charles de Flahaut et sa femme Margaret Mercer Elphinstone
(Il était alors ambassadeur de France à Londres.)
Londres, mercredi midi 3 décembre 1851
Chère Madame de Flahault,
Je reçois une dépêche de ce ma tin 10 heures, partie de Paris à 9 heures et demie : "Paris et les départements sont bien tranquilles."J'ai des dépêches du ministre - toujours Turgot (Walewski évidemment s'attendait à ce que Turgot fût remplacé) ! Morni [sic] est à l'Intérieur, Fould aux Finances, Rouher Justice et Magne [Travaux publics].J'ai reçu toutes les proclamations. Je n'en ai qu'un exemplaire, mais si vous passez à l'ambassade je vous les montrerai.Tout est tranquille et calme à Paris.Le Président dîne avec tout le corps diplomatique et avec le ministre des Affaires Etrangères.Mille amitiés dévouées.
A.W.
Le secret du coup d'Etat (Guedalla-Kerry / Emile-Paul 1928 /p.163)
"Mon cher Monsieur de Flahaut, j'ai une si entière confiance dans votre franchise et dans votre désir et votre pouvoir de maintenir la bonne intelligence entre la France et l'Angleterre, que je suis particulièrement désireux d'avoir un instant d'entretien avec vous sur des questions que je n'aimerais pas livrer à des personnages officiels comme Walewski ou Normanby. Veuillez bien me faire connaître, dès que vous viendrez en ville, quand je pourrai me rendre chez vous. Votre bien fidèle Granville."
Le duc de Morny (Gerda Grothe / Fayard / p.104)
Flahaut (Françoise de Bernardy / Perrin / p.314-315)
Le secret du coup d'Etat (Guedalla-Kerry / Emile-Paul 1928 /p.216)
"Tout est fini, nous sommes victorieux sur toute la ligne et la France entière approuve. Qu'il serait admirable de voir la société protégée pour longtemps."
"L'émeute est domptée ; il y a beaucoup de morts de leur côté."
* Le duc de Morny (Gerda Grothe / Fayard / p.87)
* Le coup du 2 décembre (Henri Guillemin / Gallimard / p.401)
(Cabinet du Ministre de l'Intérieur)
Jeudi, 3 heures 4 décembre 1851
L'armée a un état d'esprit parfait ; elle est en pleine marche contre l'émeute. Si, comme je l'espère, elle est complètement victorieuse de l'émeute, tout sera fini. Vous le saurez déjà avant de recevoir cette lettre, car le jeune Le Hon vous enverra un message.Affectueusement à vous de tout coeur.
Le secret du coup d'Etat (Guedalla-Kerry / Emile-Paul 1928 /p.164)
Flahaut (Françoise de Bernardy / Perrin / p.312)
toute la correspondance échangée entre Charles de Flahaut et sa femme Margaret Mercer Elphinstone
"Tout va bien à Paris, et mieux encore en province où l'enthousiasme est immense et où la plupart des gens crient : "Vive Napoléon !" Ici on a trouvé les légitimistes mêlés aux émeutiers.Des coups de feu ont été tirés de certaines maisons, boulevard des Italiens, rue de Richelieu, etc. Les troupes ont forcé ces maisons et exécuté les insurgés. Les soldats sont admirables.Le procédé de votation avec obligation de signer sur un registre étant impopulaire, on l'a remplacé par des bulletins (Le projet avait consisté à l'origine en un vote à découvert, mais on lui substitua le scrutin secret) - ce qui a produit le meilleur effet. Les blouses remettaient les pavés en place ce matin et les femmes applaudissaient les soldats sur leur passage.Auguste est héroïque ; je souhaiterais que tous ses collègues fussent comme lui. Nous faisons tout notre possible pour les appuyer. J'espère que vous avez reçu les messages."
* Le coup du 2 décembre (Henri Guillemin / Gallimard / p.395)* Le secret du coup d'Etat (Guedalla-Kerry / Emile-Paul 1928 /p.165-166)
toute la correspondance échangée entre Charles de Flahaut et sa femme Margaret Mercer Elphinstone
(Télégramme)
"Le plus grand calme. Emeute vaincue et terrifiée. On arrête les chefs encore en liberté. Nouvelles de départements continuent à être excellentes. Les rentes à cette heure sont à 96 francs, 4 francs de plus qu'hier."
Napoléon III (Castelot / Perrin / p.695)
Le duc de Morny (Gerda Grothe / Fayard / p.87)
Le secret du coup d'Etat (Guedalla-Kerry / Emile-Paul 1928 /p.167)