Lettres de Louis Napoléon Bonaparte à sa mère
(Hortense de Beauharnais)
Récit de la conspiration de 1836 à Strasbourg
En vue de Madère, le 12 décembre 1836
En vue des Canaries, le 14 décembre 1836
Passage de la ligne, le 29 décembre 1836
Jour de l'an, le 1er janvier 1837
Tempête, le 5 janvier 1837
Arrivée à Rio, le 10 janvier 1837
Lettres de Louis Napoléon Bonaparte à sa mère
Ma mère,
Vous donner un récit détaillé de mes malheurs, c'est renouveler vos peines et les miennes, et cependant c'est en même temps une consolation pour vous et pour moi que de vous mettre au fait de toutes les impressions que j'ai ressenties, de toutes les émotions qui m'ont agité depuis la fin d'octobre. Vous savez quel est le prétexte que je donnai à mon départ d'Arenenberg ; mais ce que vous ne savez pas, c'est ce qui se passait alors dans mon coeur. Fort de ma conviction qui me faisait envisager la cause napoléonienne comme la seule cause nationale en France, comme la seule cause civilisatrice en Europe, fier de la noblesse et de la pureté de mes intentions, j'étais bien décidé à relever l'aigle impériale ou à tomber victime de ma foi politique.
Je partis, faisant dans ma voiture le même chemin que j'avais suivi il y avait trois mois, pour me rendre à Unkirch et à Baden ; tout était de même autour de moi ; mais quelle différence dans les impressions qui m'animaient ! J'étais alors gai et serein comme le jour qui m'éclairait ; aujourd'hui, triste et rêveur, mon esprit avait pris la teinte de l'air brumeux et froid qui m'entourait. On me demandera ce qui me forçait d'abandonner une existence heureuse pour courir tous les risques d'une entreprise hasardeuse. Je répondrai qu'une voix secrète m'entraînait, et que, pour rien au monde, je n'aurais voulu remettre à une autre époque une tentative qui me semblait présenter tant de chances de succès.
Et ce qu'il y a de plus pénible à penser pour moi, c'est qu'actuellement que la réalité est venue remplacer mes suppositions, et qu'au lieu de ne faire qu'imaginer, j'ai vu ; je puis juger, et je reste dans mes croyances, d'autant plus convaincu que si j'avais pu suivre le plan que je m'étais d'abord tracé, au lieu d'être maintenant sous l'équateur, je serais dans ma patrie. Que m'importent les cris du vulgaire qui m'appellera insensé parce que je n'aurai pas réussi ; et qui aurait exagéré mon mérite si j'avais triomphé ! Je prends sur moi toute la responsabilité de l'événement, car j'ai agi par conviction et non par entraînement. Hélas ! si j'étais la seule victime, je n'aurais rien à déplorer ; j'ai trouvé dans mes amis un dévouement sans bornes, et je n'ai de reproche à faire à qui que ce soit.
Le 27, j'arrivai à Lahr, petite ville du grand-duché de Baden, où j'attendis des nouvelles ; près de cet endroit l'essieu de ma calèche, s'étant cassé, me força de rester un jour dans la ville. Le 28, matin, je partis de Lahr, je retournai sur mes pas, je passai par Fribourg, Neubrisach, Colmar, et j'arrivai le soir à onze heures à Strasbourg, sans le moindre embarras. Ma voiture alla à l'hôtel de la Fleur, tandis que j'allai loger dans une petite chambre qu'on m'avait retenue, rue de la Fontaine.
Là je vis, le 29, le colonel Vaudrey, et je lui soumis le plan d'opération que j'avais arrêté ; mais le colonel, dont les sentiments nobles et généreux méritaient un meilleur sort, me dit : "Il ne s'agit pas ici d'un conflit en armes ; votre cause est trop française et trop pure pour la souiller en répandant du sang français ; il n'y a qu'un seul moyen d'agir qui soit digne de vous, parce qu'il évitera toute collision. Lorsque vous serez à la tête de mon régiment, nous marcherons ensemble vers le général Voirol ; un ancien militaire ne résistera pas à votre vue et à celle de l'aigle impériale, lorsqu'il saura que la garnison vous suit." J'approuvai ses raisons, et tout fut décidé pour le lendemain matin ; on avait retenu une maison dans une rue voisine du quartier d'Austerlitz, où nous devions nous retirer tous pour nous porter de là à cette caserne dès que le régiment d'artillerie serait rassemblé.
Le 29, à onze heures du soir, un de mes amis vint me chercher, rue de la Fontaine, pour me conduire au rendez-vous général : nous traversâmes ensemble toute la ville ; un beau clair de lune éclairait les rues ; je prenais ce beau temps pour un favorable augure pour le lendemain ; je regardais avec attention les endroits par où je passais ; le silence qui y régnait faisait impression sur moi ; par quoi ce calme sera-t-il remplacé demain ! "Cependant, dis-je à mon compagnon, il n'y aura pas de désordre si je réussis : car c'est surtout pour empêcher les troubles qui accompagnent souvent les mouvements populaires, que j'ai voulu faire la révolution par l'armée. Mais, ajoutai-je, quelle confiance, quelle profonde conviction il faut avoir de la noblesse d'une cause, pour affronter, non les dangers que nous allons courir, mais l'opinion publique qui nous déchirera, qui nous accablera de reproches si nous ne réussissons pas ! Et cependant, je prends Dieu à témoin que ce n'est pas pour satisfaire à une ambition personelle, mais je parce que je crois avoir une mission à remplir, que je risque ce qui m'est plus cher que la vie, l'estime de mes concitoyens."
Arrivé à la maison, rue des Orphelins, je trouvais mes amis réunis dans deux chambres au rez-de-chaussée. Je les remerciai du dévouement qu'ils montraient à ma cause, et je leur dis que dès ce moment nous partagerions ensemble la bonne comme la mauvaise fortune. Un des officiers apporta une aigle : c'était celle qui avait appartenu au septième régiment de ligne. L'aigle de Labédoyère ! s'écria-t-on, et chacun de nous la pressa sur son coeur avec une vive émotion... Tous les officiers étaient en grand uniforme ; j'avais mis un uniforme d'artillerie, et sur ma tête un chapeau d'état-major.
La nuit nous parut bien longue, je la passai à écrire mes proclamations que je n'avais pas voulu faire imprimer d'avance, de peur d'indiscrétion. Il était convenu que nous resterions dans cette maison jusqu'à ce que le colonel me fît prévenir de me rendre à la caserne. Nous comptions les heures, les minutes, les secondes ; six heures du matin était le moment indiqué. Qu'il est difficile d'exprimer ce qu'on éprouve dans de semblables circonstances ; dans une seconde on vit plus que dans dix années ; car vivre c'est faire usage de nos organes, de nos sens, de nos facultés, de toutes les parties de nous-mêmes, qui nous donnent le sentiment de notre existence ; et, dans ces moments critiques, nos facultés, nos organes, nos sens, exaltés au plus haut degré, sont concentrés sur un seul point ; c'est l'heure qui doit décider de toute notre destinée ; on est fort quand on peut se dire : demain je serai le libérateur de ma patrie ou je serai mort ; on est bien à plaindre lorsque les circonstances ont été telles qu'on n'a pu être ni l'un ni l'autre.
Malgré mes précautions, le bruit que devait faire un certain nombre de personnes réunies, éveilla les propriétaires du premier étage ; nous les entendîmes se lever et ouvrir les fenêtres ; il était cinq heures ; nous redoublâmes de prudence, et ils se rendormirent.
Enfin six heures sonnèrent ! Jamais les sons d'une horloge ne retentirent si violemment dans mon coeur ; mais un instant après la trompette du quartier d'Austerlitz vint encore en accélérer les battements. Le grand moment approchait ; un tumulte assez fort se fit aussitôt entendre dans la rue ; des soldats passaient en criant, des cavaliers couraient au grand galop devant nos fenêtres ; j'envoyai un officier s'informer de la cause de ce bruit : était-ce l'état-major de la place qui était déjà informé de nos projets ? avions-nous été découverts ? il revint bientôt me dire que le bruit provenait des soldats que le colonel envoyait prendre leurs chevaux qui étaient hors du quartier.
Quelques minutes s'écoulèrent encore, et l'on vint me prévenir que le colonel m'attendait ; plein d'espoir, je me précipite dans la rue ; M. Parquin, en uniforme de général de brigade, un chef de baraillon, portant l'aigle en main, sont à mes côtés ; douze officiers environ me suivent.
Le trajet est court ; il fut bientôt franchi. Le régiment était rangé en bataille dans la cour du quartier, en dedans des grilles ; sur la pelouse, stationnaient quarante canonniers à cheval.
Ma mère ! jugez du bonheur que j'éprouvais dans ce moment-là ; après vingt ans d'exil, je touchais enfin le sol sacré de la patrie, je me trouvais avec des Français que le souvenir de l'Empereur allait encore électriser !
Le colonel Vaudrey était seul au milieu de la cour. Je me dirigeai vers lui ; aussitôt le colonel, dont la belle figure et la taille avaient, dans le moment, quelque chose de sublime, tira son sabre et s'écria : "Soldats du 4è régiment d'artillerie ! une grande révolution s'accomplit en ce moment ; vous voyez ici, devant vous, le neveu de l'empereur Napoléon, il vient pour reconquérir les droits du peuple, le peuple et l'armée peuvent compter sur lui. C'est autour de lui que doit venir se grouper tout ce qui aime la gloire et la liberté de la France. Soldats ! vous sentirez, comme votre chef, toute la grandeur de l'entreprise que vous allez tenter, toute la sainteté de la cause que vous allez défendre : Soldats ! le neveu de l'empereur Napoléon peut-il compter sur vous ?" Sa voix fut couverte à l'instant par des cris unanimes de ; "Vive Napoléon ! vive l'Empereur !" Je pris alors la parole en ces termes : "Résolu à vaincre ou à mourir pour la cause du peuple français, c'est à vous les premiers que j'ai voulu me présenter, parce qu'entre vous et moi il existe de grands souvenirs ; c'est dans votre régiment que l'empereur Napoléon, mon oncle, servit comme capitaine ; c'est avec vous qu'il s'est illustré au siège de Toulon : et c'est encore votre brave régiment qui lui ouvrit les portes de Grenoble au retour de l'île d'Elbe. Soldats ! de nouvelles destinées vous sont réservées. A vous la gloire de commencer une grande entreprise ; à vous l'honneur de saluer les premiers l'aigle d'Austerlitz et de Wagram." Je saisis alors l'aigle que portait un de mes officiers, M. de Querelles, et, la leur présentant : "Soldats ! continuai-je, voici le symbole de la gloire française, destiné à devenir aussi l'emblème de la liberté ! Pendant quinze ans, il a conduit nos pères à la victoire ; il a brillé sur tous les champs de bataille, il a traversé toutes les capitales de l'Europe. Soldats ! ne vous rallierez-vous pas à ce noble étendard, que je confie à votre honneur et à votre courage ? Ne marcherez-vous pas avec moi contre les traîtres et les oppresseurs de la patrie, au cri de : Vive la France ! vive la liberté !" Mille cris affirmatifs me répondirent : nous nousn mîmes alors en marche, musique en tête ; la joie et l'espérance brillaient sur tous les visages. L e plan était de courir chez le général, de lui mettre, non le pistolet sur la gorge, mais l'aigle devant les yeux, pour l'entraîner. Il fallait, pour se rendre chez lui, traverser toute la ville. Chemin faisant, je dus envoyer un officier, avec un peloton, chez l'imprimeur, pour publier mes proclamations, un autre chez le préfet, pour l'arrêter ; enfin, six reçurent des missions particulières, de sorte que, arrivé chez le général, je m'étais ainsi défait volontairement d'une partie de mes forces. Mais avais-je donc besoin de m'entourer de tant de soldats ! Ne comptai-je pas sur la participation du peuple ? Et en effet, quoi qu'on en dit, sur toute la route que j'ai parcourue, je reçus les témoignages les moins équivoques de la sympathie de la population ; je n'avais qu'à me débattre contre la véhémence des marques d'intérêt qui m'étaient prodiguées, et la variété des cris qui m'accueillaient me montrait qu'il n'y avait pas un parti qui ne sympathisât avec mon coeur !
Arrivé à la cour de l'hôtel du général, je monte suivi de MM. Vaudrey, Parquin, et de deux officiers. Le général n'était pas encore habillé ; je lui dis : "Général, je viens vers vous en ami ; je serais désolé de relever notre vieux drapeau tricolore sans un brave militaire comme vous : la garnison est pour moi, décidez-vous, et suivez-moi." On lui montra l'aigle : il la repoussa en disant : "Prince, on vous a trompé ; l'armée connaît ses devoirs, et je vais à l'instant vous le prouver." Alors je m'éloignai, et donnai l'ordre de laisser un piquet pour le garder. Le général se présenta plus tard à ses soldats, pour les faire rentrer dans l'obéissance ; les artilleurs, sous les ordres de M. Parquin, méconnurent son autorité, et ne lui répondirent que par les cris réitérés de : "Vive l'Empereur !" Plus tard, le général parvint à s'échapper de son hôtel par une porte dérobée.
Lorsque je sortis de chez le général, je fus accueilli par les mêmes acclamations de : "Vive l'Empereur !!!" mais déjà ce premier échec m'acait vivement affecté ; je n'y étais pas préparé, convaincu que la seule vue de l'aigle devait réveiller chez le vieux général de vieux souvenirs de gloire, et l'entraîner.
Nous nous remîmes en marche : nous quittâmes la grande rue et entrâmes dans la caserne Finkematt, par la petite ruelle qui y conduit du faubourg de Pierre. Cette caserne est un grand bâtiment, construit dans une espèce d'impasse ; le terrain en avant est trop étroit pour qu'un régiment puisse s'y ranger en bataille. En me voyant ainsi resserré entre le rempart et le quartier, je m'aperçus que le plan convenu n'avait pas été suivi. A notre arrivée, les soldats s'empressèrent autour de nous, je les harangue : la plupart vont chercher leurs armes et reviennent se rallier à moi, en me témoignant leurs sympathies par leurs acclamations. Cependant, voyant se manifester parmi eux une hésitation soudaine, causée par les bruits répandus parmi eux par quelques officiers qui s'efforçaient de leur inspirer des doutes sur mon identité ; et comme d'ailleurs nous perdions un temps précieux dans une position défavorable, au lieu de courir sur-le-champ aux autres régiments, qui nous attendaient, je dis au colonel de partir : il m'engage à rester encore : je me range à son avis ; quelques minutes plus tard il n'était plus temps. Des officiers d'infanterie arrivent, font fermer les grilles, et tancent fortement leurs soldats : ceux-ci hésitent encore ; je veux faire arrêter les officiers : leurs soldats les délivrent. Alors la confusion se met partout ; l'espace était tellement resserré que chacun de nous fut perdu dans la foule. Le peuple, qui était monté sur le mur, lançait des pierres sur l'infanterie ; les canonniers voulaient faire usage de leurs armes, mais nous les en empêchâmes ; nous vîmes tout de suite que nous aurions fait tuer beaucoup de monde. Je vis le colonel tour à tour arrêté par l'infanterie et délivré par ses soldats ; moi-même j'allais succomber au milieu d'une multitude d'hommes qui, me reconnaissant, croisaient sur moi leurs baIonnettes. Je parais leurs coups avec mon sabre, en tâchant de les apaiser, lorsque les canonniers vinrent me tirer d'entre leurs fusils, et me placer au milieu d'eux. Je m'élançai alors, avec quelques sous-officiers, vers les canonniers montés, pour me saisir d'un cheval ; toute l'infanterie me suivit ; je me trouvai acculé entre les chevaux et le mur, sans pouvoir bouger. Alors les soldats arrivèrent de toutes parts, se saisirent de moi et me conduisirent dans le corps de garde. En entrant, j'y trouvai M. Parquin ; je lui tendis la main ; il me dit, en m'abordant d'un air calme et résigné : "Prince, nous serons fusillés, mais nous mourrons bien. - Oui, lui répondis-je ; nous avons échoué dans une belle et noble entreprise."
Bientôt après le général Voirol arrive. Il me dit, en entrant : "Prince, vous n'avez trouvé qu'un traître dans l'amée française. - Dites plutôt, général, que j'avais trouvé un Labédoyère." Des voitures furent amenées et nous transportèrent dans la prison neuve. Me voilà donc entre quatre murs, avec des fenêtres à barreaux, dans le séjour des criminels ! Ah ! ceux qui savent ce que c'est que de passer tout à coup de l'excès du bonheur, que procurent les plus nobles illusions, à l'excès de la misère qui ne laisse plus d'espoir, et de franchir cet immense intervalle sans avoir un moment pour s'y préparer, comprendront ce qui se passait dans mon coeur.
Au greffe, nous nous revîmes tous. M. de Querelles, en me serrant la main, me dit à haute voix : "Prince, malgré notre défaite, je suis encore fier de ce que j'ai fait." On me fit subir un interrogatoire ; j'étais calme et résigné ; mon parti était pris. On me fit les questions suivantes : "Quest-ce qui vous a poussé à agir comme vous l'avez fait ? - Mes opinions politiques, répondis-je, et mon désir de revoir ma patrie, dont l'invasion étrangère m'avait privé. En 1830, j'ai demandé à être traité en simple citoyen ; on m'a traité en prétendant, eh bien ! je me suis conduit en prétendant ! - Vous vouliez établir un gouvernement militaire ? - Je voulais établir un gouvernement fondé sur l'élection populaire. - Qu'auriez-vous fait, vainqueur ? - J'aurais assemblé un congrès national."
Je déclarai ensuite que moi seul ayant tout organisé, moi seul ayant entraîné les autres, moi seul aussi je devais assumer sur ma tête toute la responsabilité. Reconduit en prison, je me jetai sur un lit qu'on m'avait préparé, et malgré mes tourments, le sommeil, qui adoucit les peines en donnant du relâche aux douleurs de l'âme, vint calmer mes sens ; le repos ne fuit pas le malheur, il n'y a que le remords qui n'en laisse pas. Mais comme le réveil fut affreux ! Je croyais avoir eu un horrible cauchemar : le sort des personnes compromises était ce qui me donnait le plus de douleur et d'inquiétude. J'écrivis au général Voirol pour lui dire que son honneur l'obligeait à s'intéresser au colonel Vaudrey, car c'était peut-être l'attachement du colonel pour lui, et les égards avec lesquels il l'avait traité qui étaient en cause de la non réussite de mon entreprise ; je terminais en priant que toute la rigueur des lois s'appesantît sur moi, disant que j'étais le plus coupable et le seul à craindre.
Le général vint me voir et fut très-affectueux. Il me dit en entrant : "Prince, quand j'étais votre prisonnier, je n'ai trouvé que des paroles dures à vous dire, maintenant que vous êtes le mien, je n'ai plus que des paroles de consolation à vous adresser." Le colonel Vaudrey et moi nous fûmes conduits à la citadelle, où (moi, du moins) j'étais beaucoup mieux qu'en prison ; mais le pouvoir civil nous réclama, et au bout de vingt-quatre heures on nous réintégra dans notre première demeure.
Le geôlier et le directeur de la prison de Strasbourg faisaient leur devoir, mais tâchaient d'adoucir autant que possible ma situation, tandis qu'un certain M. Lebel, qu'on envoya de Paris, voulant montrer son autorité, m'empêcha d'ouvrir mes fenêtres pour respirer l'air, me retira ma montre qu'il ne me rendit qu'à mon départ, et enfin avait même commandé des abat-jour pour intercepter la lumière.
Le 9 au soir, on vint me prévenir que j'allais être transféré dans une autre prison ; je sors et je trouve le général et le préfet qui m'emmènent dans leur voiture sans me dire où on me conduisait. J'insiste pour qu'om me laisse avec mes compagnons d'infortune ; mais le gouvernement en avait décidé autrement. Arrivé dans l'hôtel de la préfecture, je trouvais deux chaises de poste ; on me fit monter dans l'une avec M. Cuynat, commandant de la gendarmerie de la Seine, et le lieutenant Thiboutot ; dans l'autre, il y avait quatre sous-officiers.
Lorsque je vis qu'il fallait quitter Strasbourg, et que mon sort allait être séparé de celui des autres accusés, j'éprouvai une douleur difficile à peindre. Me voilà donc forcé d'abandonner des hommes qui se sont dévoués pour moi ; me voilà donc privé des moyens de faire connaître, dans ma défense, mes idées et mes intentions ; me voilà donc recevant un soi-disant bienfait de celui auquel je voulais faire le plus de mal ! je m'exhalai en plaintes et en regrets, je ne pouvais que protester...
Les deux officiers qui me conduisaient étaient deux officiers de l'Empire, amis intimes de M. Parquin ; aussi eurent-ils pour moi toutes sortes d'égard ; j'aurais pu me croire voyageant avec des amis. Le 11, à deux heures du matin, j'arrivai à Paris, à l'hôtel de la préfecture de police. M. Delessert fut très-convenable pour moi ; il m'apprit que vous étiez venue en France réclamer en ma faveur la clémence du roi, que j'allais repartir dans deux heures pour Lorient, et que de là je repasserais aux Etats-Unis, sur une frégate française.
Je dis au préfet que j'étais au désespoir de ne pas partager le sort de mes compagnons d'infortune ; que, retiré ainsi de prison avant d'avoir subi un interrogatoire général (le premier n'avait été que sommaire), on m'ôtait les moyens de déposer de plusieurs faits qui étaient en faveur des accusés ; mais mes protestations étaient restées infructueuses, je pris le parti d'écrire au roi, et je lui dis que, jeté en prison après avoir pris les armes contre son gouvernement, je ne redoutais qu'une chose, sa générosité, puisqu'elle devait me priver de la plus douce consolation, la possibilité de partager le sort de mes compagnons d'infortune. J'ajoutai que la vie était peu de chose pour moi, mais que ma reconnaissance envers lui serait grande s'il épargnait la vie d'anciens soldats, débris de notre vieille armée, entraînés par moi et séduits par de glorieux souvenirs.
En même temps j'écrivis à M. Odilon Barrot la lettre que je joins ici, en le priant de se charger de la défense du colonel Vaudrey. A quatre heures je me remis en route avec la même escorte, et, le 14, nous arrivâmes à la citadelle de Port-Louis, près Lorient. J'y restai jusqu'au 21 novembre, jour où la frégate appareilla.
Après avoir prié M. Odilon Barrot de prendre la défense des accusés, et en particulier du colonel Vaudrey, j'ajoutai : "Monsieur, malgré mon désir de rester avec mes compagnons d'infortune et de partager leur sort, malgré mes réclamations à ce sujet, le roi, dans sa clémence, a ordonné que je fusse conduit à Lorient, pour de là passer en Amérique. Touché, comme je le dois, de la générosité du roi, je suis profondément affligé de quitter mes coaccusés, dans l'idée que, moi présent à la barre, mes dépositions en leur faveur auraient pu influer sur le jury et l'éclairer sur leur compte. Privé de la consolation d'être utile à des hommes que j'ai entraînés à leur perte, je suis obligé de confier à un avocat ce que je ne puis dire moi-même devant le jury.
"De la part de mes coaccusés, il n'y a pas eu complot : il n'y a eu que l'entraînement du moment ; moi seul ai tout combiné ; moi seul ai fait les préparatifs nécessaires. J'avais déjà vu le colonel Vaudrey, avant le 30 octobre, mais il n'avait pas conspiré avec moi. Le 29, à huit heures du soir, personne, excepté moi, ne savait que le mouvement aurait lieu le lendemain ; je ne vis le colonel Vaudrey que plus tard. M. Parquin était venu à Strasbourg pour ses affaires ; le 29 au soir, seulement, je les fis appeler ; les autres personnes connaissaient ma présence en France, mais en ignoraient le motif. Je ne réunis que le 29 au soir, les personnes actuellement accusées, et ne leur fis part de mes intentions que dans ce moment. Le colonel Vaudrey n'y était pas ; les officiers de pontonniers sont venus se joindre à nous, ignorant d'abord de quoi il s'agissait. Certes, nous sommes tous coupables, aux yeux du gouvernement établi, d'avoir pris les armes contre lui ; mais le plus coupable c'est moi ; c'est celui qui, méditant depuis longtemps une révolution, est venu tout à coup arracher ces hommes à une position sociale honorable, pour les livrer à tous les hasards d'un mouvement populaire. Devant les lois, mes compagnons d'infortune sont coupables de s'être laissé entraîner ; mais jamais, plus qu'en leur faveur, il n'y eut des circonstances atténuantes aux yeux du pays. Je tins au colonel Vaudrey, lorsque je le vis, et aux autres personnes, le 29 au soir, le langage suivant : "Messieurs, vous connaissez tous les griefs de la nation envers le gouvernement du 9 août ; mais vous savez aussi qu'aucun parti, existant aujourd'hui, n'est assez fort pour le renverser, aucun assez puissant pour réunir tous les Français, si l'un d'eux parvenait à s'emparer du pouvoir. Cette faiblesse du gouvernement, comme cette faiblesse des partis, vient de ce que chacun ne réprésente que les intérêts d'une seule classe de la société. les uns s'appuient sur le clergé et la noblesse, les autres sur l'aristocratie bourgeoise, d'autres enfin sur les prolétaires seuls.
Dans cet état de choses, il n'y a qu'un seul drapeau qui puisse rallier tous les partis, parce qu'il est le drapeau de la France et non celui d'une faction : c'est l'aigle de l'Empire. Sous cette bannière, qui rappelle tant de souvenirs glorieux, il n'y a aucune classe expulsée : elle représente les intérêts et les droits de tous. L'Empereur Napoléon tenait son pouvoir du peuple français ; quatre fois son autorité reçut la sanction populaire : en 1804, l'hérédité dans la famille de l'Empereur fut reconnue par quatre millions de votes ; depuis, le peuple n'a plus été consulté..... Comme l'aîné des neveux de Napoléon, je puis donc me considérer comme le représentant de l'élection populaire, je ne dirai pas de l'Empire, parce que, depuis vingt ans, les idées et les besoins de la France ont dû changer. Mais un principe ne peut être annulé par des faits ; il ne peut l'être que par un autre principe ; or, ce ne sont pas les douze cent mille étrangers de 1815, ce n'est pas la Chambre des 221 de 1830 qui peuvent rendre nul le principe de l'élection de 1804. Le système napoléonien consiste à faire marcher la civilisation sans discorde et sans excès, à donner l'élan aux idées, tout en développant des intérêts matériels, à raffermir le pouvoir en le rendant respectable, à discipliner les masses d'après leurs faultés intellectuelles, enfin à réunir, autour de l'autel de la patrie, les Français de tous les partis en leur donnant pour mobiles l'honneur et la gloire. Remettons, leur dis-je, le peuple dans ses droits, l'aigle sur nos drapeaux, et la stabilité dans nos institutions. Eh quoi ! m'écriai-je enfin, les princes de droit divin trouvent bien des hommes qui meurent pour eux dans le but de rétablir les abus et les privilèges ; et moi, dont le nom représente la gloire, l'honneur et les droits du peuple, mourrai-je donc seul dans l'exil ! - Non !" m'ont répondu mes braves compagnons d'infortune : vous ne mourrez pas seul ; nous mourrons avec vous, ou nous vaincrons ensemble pour la cause du peuple français !"
Vous voyez donc, monsieur, que c'est moi qui les ai entra^nés, en leur parlant de tout ce qui pouvait le plus émouvoir des coeurs français. Ils me parlèrent de leurs serments ; mais je leur rappelai, qu'en 1815, ils avaient prêté serment à Napoléon II et à sa dynastie. "L'invasion seule, leur dis-je, vous a déliés de ce serment. Eh bien ! la force peut rétablir ce que la force seule a pu détruire." J'allai même jusqu'à leur dire qu'on palait de la mort du roi (j'ai mis cela, ma mère, comme vous le comprendrez, pour leur être utile), vous voyez combien j'étais coupable aux yeux du gouvernement. Eh bien ! le gouvernement a été généreux avec envers moi ; il a compris que ma position d'exilé, que mon amour pour mon pays, que ma parenté avec le grand homme étaient des causes atténuantes ; le jury restera-t-il en arrière de la marche indiquée par le gouvernement ? Ne trouvera-t-il pas des causes atténuantes bien plus fortes en faveur de mes complices, dans les souvenirs de l'Empire, dans les relations intimes de plusieurs d'entre eux à mon égard ; dans l'entraînement du moment, dans l'exemple de Labédoyère, enfin dans ce sentiment de générosité qui fit que, soldats de l'Empire, ils ont préféré sacrifier leur existence plutôt que d'abandonner le neveu de l'empereur Napoléon, que de le livrer à ses bourreaux, car nous étions loin de penser à une grâce en cas de non réussite ?"
En vue de Madère, le 12 décembre 1836
Je suis resté dix jours à la citadelle de Port-Louis. Tous les matins je recevais la visite du sous-préfet de Lorient, du commandant de la place et de l'officier de gendarmerie ; ils étaient tous très bien pour moi, et ne cessaient de me parler de leur attachement à la mémoire de l'Empereur. Le commandant Cuynat et le lieutenant Thiboutot étaient remplis de procédés et d'égards pour moi ; je me croyais toujours au milieu de mes amis ; et la pensée qu'ils étaient dans une position hostile à la mienne me faisait beaucoup de peine. Les vents étaient toujours contraires et empêchaient la frégate de sortir du port. Enfin, le 21, un bateau à vapeur remorqua la frégate ; le sous-préfet vint me dire que j'allais partir. Les ponts-levis de la citadelle se baissèrent : je sortis, accompagné du sous-préfet, du commandant de la place et de l'officier de gendarmerie de Lorient, enfin, deux officiers et des sous-officiers qui m'avaient amené ; je traversai deux files de soldats qui contenaient la foule des curieux accourus pour me voir.
Nous montâmes tous dans des canots pour aller rejoindre la frégate qui nous attendait hors du port ; je saluai ces messieurs avec cordialité, je montai sur le vaisseau et je vis avec un serrement de coeur les rivages de la France disparaître devant moi.
Je dois maintenant vous donner des détails sur la frégate. Le commandant m'a cédé la chambre sur l'arrière du bâtiment où je couche ; je dîne avec lui, son fils, le second du bâtiment et l'aide de camp. le commandant, capitaine de vaisseau, Henri de Villeneuve, est un excellent homme, franc et loyal comme un vieux marin ; il a pour moi toutes sortes d'attentions. Vous voyez que je suis bien moins à plaindre que mes amis. Les autres officiers de la frégate sont aussi très-bien à mon égard. Il y a en outre deux passagers qui sont deux types : l'un, M. D..., est un savant de vingt-six ans, qui a beaucoup d'esprit et d'imagination mêlés d'originalité et même d'un peu de singularité ; par exemple, il croit aux prédictions, et il se mêle de prédire lui-même à chacun son sort. Il ajoute une grande foi au magnétisme et m'a dit qu'une somnambule lui avait prédit, il y avait deux ans, qu'un membre de la famille de l'Empereur viendrait en France, et détrônerait Louis-Philippe. Il va au Brésil pour faire des expériences sur l'électricité. L'autre passager est un ancien bibliothécaire de don Pedro, qui a conservé toutes les matières de l'ancienne cour ; maltraité au Brésil à cause de son attachement à l'empereur, il y retourne pour faire des réclamations.
Les quinze premiers jours de la traversée furent bien pénibles, nous fûmes toujours ballotés par la tempête et les vents contraires, qui nous jetèrent jusqu'au commencement de la Manche : impossible, pendant tout ce temps-là, de faire un pas sans s'accrocher à tout ce qui vous tombe sous la main.
Nous ne savons que depuis quelques jours que notre destination est changée. Le commandant avait des ordres cachetés, qu'il a ouverts et qui lui disent d'aller à Rio, d'y rester le temps qu'il faut pour renouveler ses provisions, de me retenir à bord pendant tout le temps qu'il restera en rade, et ensuite de me conduire à New-York. Or, vous saurez que cette frégate est destinée à aller dans les mers du sud, où elle restera en station pendant deux ans ; on lui fait faire ainsi trois mille lieues de plus ; car, de New-York, elle sera obligée de revenir à Rio, en longeant beaucoup à l'est pour attraper les vents alizés.
En vue des Canaries, le 14
Chaque homme porte en lui un monde, composé de tout ce qu'il a vu et aimé, et où il rentre sans cesse, alors même qu'il parcourt un monde étranger ; j'ignore alors ce qui est le plus douloureux de se souvenir des malheurs qui vous ont frappé ou du temps heureux qui n'est plus. Nous avons traversé l'hiver et nous sommes de nouveau en été ; les vents alizés ont succédé aux tempêtes, ce qui me permet de rester la plupart du temps sur le pont. Assis sur la dunette, je réfléchis à ce qui m'est arrivé et je pense à vous et à Arenemberg. Les situations dépendent des affections qu'on y porte ; il y a deux mois, je ne demandais qu'à ne plus revenir en Suisse ; actuellement, si je me laisse aller à mes impressions, je n'aurais d'autre désir que de me retrouver dans ma petite chambre, dans ce beau pays où il me semble que je devais être si heureux ! Hélas ! quand on a une âme qui sent fortement, on est destiné à passer ses jours dans l'accablement de son inaction ou dans les convulsions des situations douloureuses.
Lorsque je revenais, il y a quelques mois, de reconduire Mathilde, en rentrant dans le parc, j'ai trouvé un arbre rompu par l'orage, et je me suis dit à moi-même : Notre mariage sera rompu par le sort... Ce que je supposais vaguement s'est réalisé ; ai-je donc épuisé, en 1836, toute la part de bonheur qui m'était échue !
Ne m'accusez pas de faiblesse, si je me laisse aller à vous rendre compte de toutes mes impressions. On peut regretter ce que l'on a perdu, sans se repentir de ce qu'on a fait. Nos sensations ne sont pas, d'ailleurs, assez indépendantes des causes intérieures, pour que nos idées ne se modifient pas toujours un peu, suivant les objets qui nous environnent ; la clarté du soleil ou la direction du vent ont une grande influence sur notre état moral. Quand il fait beau, comme aujourd'hui ; que la mer est calme comme le lac de Constance, quand nous nous y promenions le soir ; que la lune, la même lune, nous éclaire de la même lueur bleuâtre ; que l'atmosphère, enfin, est aussi douce qu'au mois d'août en Europe, alors je suis plus triste qu'à l'ordinaire ; tous les souvenirs, gais ou pénibles, viennent tomber avec le même poids sur ma poitrine ; le beau temps dilate le coeur et le rend plus impressionnable, tandis que le mauvais temps le resserre : il n'y a que les passions qui soient au-dessus des intempéries des saisons. Lorsque nous quittâmes la caserne d'Austerlitz, un tourbillon de neige vint fondre sur nous ; le colonel Vaudrey, auquel je le fis remarquer, me dit : "Malgré cette bourrasque, ce jour-ci sera un beau jour."
Passage de la ligne, le 29 décembre 1836
Nous avons passé la ligne hier ; on a fait la cérémonie d'usage, le commandant, qui est toujours parfait pour moi, m'a exempté du baptême. C'est un usage bien ancien, mais qui n'en est pas plus spirituel pour cela, de fêter le passage de la ligne en se jetant de l'eau et en singeant un office divin. Il fait une chaleur très-forte. J'ai trouvé à bord assez de livres pour ne pas m'ennuyer ; j'ai relu les ouvrages de M. de Chateaubriand et de J. J. Rousseau. cependant les mouvements du navire rendent toute occupation fatiguante.
Jour de l'an, le 1er janvier 1837
Ma chère maman, c'est aujourd'hui le premier jour de l'an ; je suis à quinze cents lieues de vous, dans un autre hémisphère ; heureusement la pensée parcourt tout cet espace en moins d'une seconde. Je suis près de vous, je vous exprime tous mes regrets de tous les tourments que je vous ai occasionnés ; je vous renouvelle l'expression de ma tendresse et de ma reconnaissance.
Le matin, les officiers sont venus en corps me souhaiter la bonne année, j'ai été sensible à cette attention de leur part. A quatre heures et demie, nous étions à table ; comme nous sommes à 17 degrés de longitude plus ouest que Constance, il était en même temps sept heures à Arenemberg ; vous étiez probablement à dîner ; j'ai bu en pensée à votre santé ; vous en avez peut-être fait autant pour moi ; du moins je me suis plu à le croire dans ce moment-là. J'ai songé aussi à mes compagnons d'infortune ; hélas ! je songe toujours à eux ! J'ai pensé qu'ils étaient plus malheureux que moi, et cette idée m'a rendu bien plus malheureux qu'eux.
Présentez mes compliments bien tendres à cette bonne Mme Salvage, à ces demoiselles, à cette pauvre petite Claire, à M. Cottrau et à Arsène.
Tempête, le 5 janvier 1837
Nous avons eu hier un grain qui est venu fondre sur nous avec une violence extrême. Si les voiles n'eussent pas été déchirées par le vent, la frégate aurait pu être en danger ; il y a eu un mât cassé ; la pluis tombait si impétueusement que la mer en était toute blanche. Aujourd'hui, le ciel est aussi beau qu'à l'ordinaire, les avaries sont réparées, le mauvais temps est déjà oublié ; que n'en est-il de même des orages de la vie ! - A propos de frégate, le commandant m'a dit que la frégate qui portait votre nom est actuellement dans la mer du sud, et s'appelle la Flore.
Arrivée à Rio, le 10 janvier 1837
Nous venons d'arriver à Rio-Janeiro ; le coup d'oeil de la rade est superbe ; demain j'en ferai un dessin. J'espère que cette lettre pourra vous parvenir bientôt. Ne pensez pas à venir me rejoindre, je ne sais pas encore où je me fixerai ; peut-être trouverai-je plus de chances à habiter l'Amérique du sud ; le travail auquel l'incertitude de mon sort m'obligera à me livrer pour me créer une position, sera la seule consolation que je puisse goûter. Adieu, ma mère, un souvenir à nos vieux serviteurs et à nos amis de la Thurgovie et de Constance.
Je me porte bien.
Votre tendre et respectueux fils.
Louis-Napoléon Bonaparte
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