extrait de lettre de Bertrand à la comtesse d’Albany | Paris, 17 août 1815

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La Comtesse d’Albany Lettres inédites de Madame de Souza (et d’autres…)(Le Portefeuille de la comtesse d’Albany : 1806-1824, par Léon-G. Pélissier)

 Les annotations (en italique) sont de Léon-G. Pélissier ; Les passages [entre crochets] sont dans Saint-René Taillandier ; « Néné » est le surnom que Mme de Souza a donné à Charles de Flahaut, son fils ; les sujets concernant Charles de Flahaut sont reproduits en rouge ; l’orthographe ancienne est respectée.

 extrait de lettre de Bertrand à la comtesse d’AlbanyParis, 17 août 1815

 
MADAME LA COMTESSE,
… C’est pour cela que j’ai depuis toujours vu avec peine le penchant de notre amie (Madame de Souza) pour les opinions et les changemens fâcheux dont nous étions témoins. Elle était sur une pente dont elle ne pouvait pas sortir. Cette pente offrait trop d’attraits à l’imagination et à l’espérance. Le tout était de s’en retirer à point, et c’est ce que nous n’avons pas fait. Au contraire. L’aveuglement est devenu plus fort par le tems et par le succès. C’est devenu presque de l’infatuation. J’ai bien vite déploré le train que j’ai vu prendre à tout cela. Il était impossible d’y vouloir apporter quelque empêchement et quelque retard. Le mal était trop profond et l’irritation trop forte, lorsqu’il s’agissait de la moindre réflexion. Je me suis retiré et éloigné que la place n’était plus tenable pour moi. Le mari a été entraîné, et a peut-être été plus loin qu’il ne convenait à tous égards, suivant ce qui m’en est revenu. Je ne suis pas moins chagrin de tout cela par le sentiment d’amitié et de reconnaissance que je dois à tout l’intérêt qu’elle m’a toujours témoigné, et à une liaison d’amitié de longues années. Il n’a jamais été en mon pouvoir de lui être utile, et encore moins de lui rendre service dans les circonstances. Elle connaît trop mes opinions pour avoir pu désirer un moment de chercher et de trouver en moi des consolations qui n’auraient pas été conformes à ses idées, et je crois que le parti le plus sage et le plus convenable a été celui d’en finir et de n’en pas parler. Voilà, Madame la comtesse, ce qui m’a paru le plus sage ou le plus convenable. Ma raison et mes observations n’auraient rien empêché, n’auraient pas fait la plus légère impression, et j’aurais eu le tort ou l’apparence, ce qui est la même chose, d’encourager et d’applaudir à une conduite que j’aurais désaprouvée. Le courage de la retraite était le seul qui me convint, et qui convint. Ses autres amis n’ayant rien gagné sur elle, j’y aurais encore moins réussi…