Tu vas voir Girardin, qui, j'espère, te portera cette lettre lui-même, ma chère Maman. J'aurais aussi pu te voir il y a trois jours, mais il m'eût été trop affreux de voir les Russes dans Paris.
Je crois que j'accompagnerai l'Empereur, soit jusqu'à la frontière, soit jusqu'au lieu qu'il doit habiter. C'est un devoir que je remplirai, car le malheur ne m'éloigne pas. Il avait pensé et désiré me garder auprès de lui. J'ai répondu que je me devais à toi avant tout. Toutes les injures dont on l'accable dans les feuilles publiques m'attachent à lui. J'ai passé avec lui la plus grande partie des nuits depuis ces derniers jours, et jamais je n'ai vu plus de calme et de courage. " Je ne regrette rien, " m'a-t-il dit, " et j'aurais été plus malheureux si j'avais dû signer le traité qui aurait diminué la France d'un village qu'elle possédait le jour où j'ai juré de maintenir l'intégrité de son territoire. "
Enfin, ma chère Maman, lorsque j'aurai rempli ce dernier devoir, je reviendrai - si les Russes nous ont délivrés de leur odieuse présence - je reviendrai près de toi, sans honte et sans regret, prêt à jouir d'un grand bonheur si Henriette se décide à le faire. Lui as-tu envoyé ma lettre ? Ecris-lui, fais-lui dire de toutes les manières que tu pourras (envois-y Morel), fais-lui dire qu'elle doit faire ses arrangements avec sa famille, que celle de son mari ne doit pas l'occuper. La séparation qui existait doit être la base de ses raisons. Qu'elle se rattache aux siens ; ils sont aimés, estimés. Aucun reproche ne s'adresse à eux, et d'ailleurs, elle n'aurait que toutes sortes de peines à attendre les autres. Enfin, ma chère Maman, une campagne avec elle et toi, mon bonheur sera parfait. Papa me serait aussi bien nécessaire ; il viendrait nous voir quelquefois.
Adieu, ma chère Maman, cherche, je t'en supplie, les occasions d'avoir des nouvelles d'Henriette et de lui faire dire tout ce que je viens de te mander, et de me dire si elle l'approuve.
Adieu. Je t'embrasse de tout mon cœur, et t'aime bien de toute mon âme, ma chère et bonne mère. Mille affections à Papa. Embrasse ma passion.
Girardin te remettra ma montre. Faites que Breguet y mette un verre, et renvoie-la moi par Girardin, si tu le peux.
* Flahaut (Françoise de Bernardy / Perrin / p.123-124, 128-129)* The First Napoleon / Some unpublished documents from the Bowood papers / The Earl of Kerry / p. 306-307* Hortense, reine de l'Empire (Constance Wright / Arthaud / p.194)* La reine Hortense (Françoise de Bernardy / Perrin / p.236)
10 (au 19 ?) avril 1814 | Charles à sa mère | derniers instants avec Napoléon
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