" Que je vous remercie, ma chère amie, des belles étrennes que vous me promettez ! Votre portrait ne me quittera jamais. Il sera dans ma chambre avec celui de mon fils. Je vous remercie aussi, monsieur Fabre, et je m'en rapporte bien à votre attachement, à votre connaissance de cette âme divine pour me la donner telle que je l'aime depuis tant d'années. Votre talent suffit pour faire un bel ouvrage que tous les amateurs se disputeraient; mais votre attachement y ajoutera tout ce qui doit contenter l'amitié.
" ... Je suis toute entière dans les lettres de Mme du Deffand. (Il s'agit de la Correspondance inédite, publiée à Paris en 1809) Quelle méchante personne ! Chacun y trouve son paquet. Ma pauvre Mme d'Angiviller y est bien maltraitée. Les beaux fruits dont elle l'accablait auraient dû l'adoucir.
" Une seule fois elle dit qu'elle est bonne et, dans vingt endroits, elle la couvre de ridicule Voilà ce qui s'appelle de la méchanceté ; c'est lorsque le mauvais oeil est plus preste que le bon ; lorsque, par une pente naturelle, on ne voit jamais que les défauts et qu'aucun principe ne vous fait garder le silence sur ces belles découvertes. Pour me refaire je lis Nicole : Sur les moyens de conserver la paix avec les hommes, et j'espère que, d'un côté la tristesse que me laisse cette disposition de Mme du Deffand (tout en adrnirant ses lettres) et, de l'autre, cette pensée que l'indulgence, la bienveillance sont un meilleur esprit de conduite, ces deux antidotes ou antipodes de Mme du Deffand et de Nicole me rendront, j'espère, plus aveugle que jamais sur les fautes des autres. Eh ! mon Dieu, qui n'a ou n'a eu les siennes ? et qui ne croit avoir eu sa bonne raison pour tout ce qu'il a fait ?
" Ma bonne, bien bonne amie, revenez-moi, car il n'y a que vous de parfaitement bonne... La casa vous présente ses hommages. Le jour de l'an, nous dînerons ensemble, et la première santé bue sera la vôtre... "
Et cette lettre se termine par deux post-scriptum qui évoquent l'image d'une réunion familiale, touchante dans sa douce gaieté, autour de la " table verte ", sur laquelle Mme Souza avait accoutumé d'écrire.
Mme de Souza passe la plume à son mari pour lui permettre de faire agréer ses voeux de bonne année à Mme d'Albany
" J'ai l'honneur, écrit celui-ci, de présenter mon respect, mon hommage et mes vœux, aux pieds de Madame la comtesse, désirant ardemment son prompt retour dans le pays et à la casa. - Le Papa. "
Et avec sa verve frondeuse Charles de Flahaut - Néné - comme l'appelle sa mère, plaisante le talent de Mme de Souza en ajoutant :
" L'ordre est interverti, Madame la comtesse, car moi l'enfant, je devrais être entre le Père et le Saint-Esprit. Mais, enfin, quel que soit le rang que nous prenions, nous nous réunissons toujours pour souhaiter à la meilleure des amies tout le bonheur qu'elle mérite. J'ai commencé par vous, Madame la comtesse, mes lettres de respect et d'attachement et, avec ces sentiments, vous me permettrez de la signer. - NÉNÉ. "
* Madame de Souza et sa famille (baron André de Maricourt / Emile-Paul frères / p.273-275)* lettre intégrale (le portefeuille de Madame d'Albany, par Léon-G Pélissier)