" Depuis quelques jours je suis très tourmenté, car il n'y a rien de plus pénible que d'être indécis entre ses affections et la politique. J'arrive au fait.
Lorsque vous avez quitté le Ministère, je désirais vous appeler au Sénat - vous ne l'avez pas voulu. Plus tard, voulant vous donner une preuve de ma confiance, je vous ai offert la place de président du Corps Législatif - vous l'avez acceptée. En vous faisant cette offre je pensais qu'elle était d'accord avec ma politique, puisque je montrais ma reconnaissance à celui qui m'avait aidé au 2 décembre et qui par cet acte était franchement compromis avec moi. Néanmoins, les décrets du 22 janvier ont, à mon insu d'abord, changé la situation. Le parti Orléaniste, vous voyant vous retirer à cause de ces décrets, s'est flatté de l'espoir que si vous étiez président de la Chambre cela favoriserait ses intérêts. Je n'ai d'abord cru à cela que très vaguement, mais hier j'ai lu une lettre interceptée adressée à la Duchesse d'Orléans, et écrite par une personne haut placée, qui lui dit ceci : "Notre espoir est dans la nomination de "M. de Morny" à la présidence de la Chambre. Le Président peut disparaître par un accident de la scène politique, et alors nous sommes sûrs que toutes les sympathies de M. de M. seraient pour V.A.R.". Je n'attache pas à ce renseignement plus d'importance qu'il n'en mérite. Cependant mon but est d'être, par tous les moyens honnêtes, l'espoir prochain de tous les partis, et je vois donc avec regret que votre nomination dans les temps actuels irait contre mes intentions.
Je n'aurais peut-être pas eu le courage de vous dire tout cela, qui me coûte beaucoup, si vous ne m'aviez pas dit vous-même l'autre jour que vous ne teniez pas beaucoup à la position de président de la Chambre. Car, croyez que rien ne me serait plus agréable que de vous prouver ma sincère affection. Tout autre position, une ambassade à Saint-Petersbourg, à Vienne, à Madrid, tout ce qui pourrait vous convenir et être d'accord avec la marche de mon gouvernement, me plairait aussi beaucoup.
Enfin, réfléchissez et surtout plaignez-moi, car rien ne m'est plus pénible que de me voir obligé de me séparer jusqu'à un certain point de mes amis les plus sincères.
Croyez néanmoins à mon amitié.
L.N."
* Flahaut (Françoise de Bernardy / Perrin / p.326-327)* Le secret du coup d'Etat (Guedalla-Kerry / Emile-Paul 1928 /p.289 à 291)
2 mars 1852 | Louis-Napoléon à Morny | explications
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