Mon cher ami,
" Je vous ai demandé (prié) de ne pas venir, parce qu'il vaut mieux que vous ne soyez pas mêlé (en rien) à ce qui va arriver (se passer) ni qu'on vous en rende responsable (et qu'on ne vous en attribue pas une parcelle). Je suis tout à fait décidé à ne pas rester au gouvernement (au Ministère). J'ai (Il y a pour cela) mille bonnes raisons que je ne puis pas vous détailler, parce que le temps me manque et qu'en outre, je ne veux pas les confier à la poste ; Vous pouvez être sûr que je ne suis pas venu à cette décision (si je prends ce parti) sans être pénétré de sa nécessité (j'en sens la nécessité). Votre arrivée ici, à la veille d'une crise dans laquelle je vais être personnellement impliqué (dont je serais le principal auteur), ne pourrait avoir que de mauvais résultats (n'aurait que des inconvénients).
Vous avez su tout ce qui s'est passé sur un certain sujet qui fait le fond de la lettre que je reçois de votre part. L'idée n'a pas été (Rien n'est) abandonnée ; l'orage va éclater un de ces jours (Cela éclatera un beau jour) et aura de fâcheuses conséquences (les conséquences en seront terribles). Je le regrette amèrement (J'en gémis) pour le Prince et pour le pays. J'ai fait tout au monde et couru le risque de perdre sa confiance pour l'empêcher ; c'est parce que j'ai découvert que la loyauté et le dévouement, accompagnés de franchise, ne sont pas toujours appréciés que je ne veux pas rester plus longtemps (et c'est parce qu'une manière loyale, dévouée, mais un peu vive quelquefois, ne convient plus à tout le monde que je ne veux pas rester plus longtemps). Le Ciel vous préserve (Dieu vous garde), avec votre noble caractère, d'être sans pouvoir (pour rien dans ce)au gouvernement. Ce sera le gouvernement des espèces. Jamais il n'y aura une place convenable pour un homme considérable et indépendant.
Dans quelques jours je vous écrirai. Vous viendrez à Paris, mais, croyez-moi, votre présence ne serait pas utile, elle prêterait à mille propos.
Je vous embrasse tendrement.
A."
* Flahaut (Françoise de Bernardy / Perrin / p.320)* Le secret du coup d'Etat (Guedalla-Kerry / Emile-Paul 1928 /p.253-254)
Paris, 20 janvier 1852 | Morny à Charles de Flahaut | démission de Morny
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