Grosvenor Square, 26 février 1851 Mme de Flahaut à Morny | raisons du refus de Charles

Toutes les correspondances de l'année
Contenu de la correspondance

" Vous prêchez une convertie, mon cher Auguste, mais chacun doit être libre d'agir selon sa conscience et je suis incapable d'influencer M de Flahaut dans ses décisions… (mais comme il faut que chacun agisse librement selon sa conscience, je ne peux exercer aucune influence sur la volonté de M de Flahault) Mes idées anglaises me feront mettre toujours le salut du pays avant la politique personnelle ou sentimentale, et je crois que la prolongation des pouvoirs du Président dans une forme monarchique quelconque est fort nécessaire pour assurer le repos et la tranquillité de la France, et pour la défendre contre les intrigues et les agressions étrangères, qui ne tarderont pas à arriver ! Personne ne conserve plus de sentiments affectueux pour la famille d'Orléans que moi, et ne porte plus d'intérêt aux malheureux enfants du duc d'Orléans, que j'ai vu naître. Mais mes principes constitutionnels, qui m'ont fait pousser M de Flahault à se rallier à la branche cadette en 1830, agissent dans un sens contraire aujourd'hui ; car je trouve que le Président a six millions de raisons de plus en sa faveur que n'a eu Louis-Philippe quand il a été appelé à gouverner le pays par Messieurs Lafayette, Lafitte, [sic] Pasquier, Decaze et Comp[agnie], et que son droit d'être à la tête du gouvernement ne peut être légalement contesté par personne, excepté ceux qui ne reconnaissent que le droit divin ! Il n'est pas douteux que, si M de Flahaut suivait son inclination (son penchant) , il n'hésiterait pas une minute à servir le neveu et l'héritier de l'Empereur, mais il déteste (abhorre) la République et il en a vraiment dit trop de mal pour la servir avec dévouement (pour la représenter de très bonne grâce). Voici le plus grand obstacle, à mon avis, mais d'un autre côté, comme je considère que la question politique se réduit à opter entre un gouvernement d'ordre et la république rouge, je crois, moi, que c'est le devoir de tout honnête homme de soutenir, et de donner toute la force possible à la forme de gouvernement qui donne le plus de garanties contre l'anarchie et les socialistes.
Voici ma politique, mon cher Auguste, et si l'exemple de M de F[lahault] pourrait [sic] entraîner d'autres à se déclarer en faveur du Président dans un moment aussi important, je regretterai davantage qu'il ne se trouve pas libre, et en position de l'aider dans sa grande et belle tâche, qu'il poursuit si dignement. Vous connaissez M de F[lahaut] et savez comme il tient à ce que sa conduite ne puisse pas être mal interprétée et attribuée à un motif intéressé. Le temps et les circonstances peuvent modifier cette délicatesse peut-être..."
* Flahaut (Françoise de Bernardy / Perrin / p.306)* Le secret du coup d'Etat (Guedalla-Kerry / Emile-Paul 1928 /p.119 à 121)