"La solution ne peut être qu'extra-légale,"
Chère Madame de Flahault,
"J'ai répondu en partie à vos questions politiques par quelques éclaircissements que M de Flahault a dû vous donner et par l'envoi de la Constitution (On étudiait alors la révision de la Constitution de 1848)
"Vous devez bien comprendre aujourd'hui quelles sont les chances légales qu'a le Président pour sa réélection. A mon avis, il n'en a aucune, et la solution ne peut être qu'extra-légale. Ainsi que vous avez pu en juger, les pouvoirs du Président expirent avec ceux de l'Assemblée, et si l'Assemblée actuelle n'a pas déclaré la Constitution révisable, elle préside elle-même à l'élection présidentielle et veille à l'application rigoureuse de la loi. De sorte qu'elle peut étouffer la volonté populaire en déclarant nuls tous les bulletins inconstitutionnels. Donc, il faut qu'aux trois quarts des voix de l'Assemblée actuelle, la Constitution soit déclarée révisable, ou bien qu'un conflit arrive qui supprime un des deux pouvoirs. Je ne crois pas que les trois quarts des voix puissent se trouver d'accord dans notre Assemblée où une simple majorité est déjà si facile à former (Morny avait raison. Bien que la majorité de l'Assemblée se fût prononcée, plus tard (le 19 juillet), en faveur de la révision, le nombre de voix requis n'était pas atteint.) ; donc il faut tout attendre du hasard. J'ai l'idée qu'après le refus de la révision, l'Assemblée sera devenue si impopulaire qu'elle sera obligée de se retirer sous les imprécations du pays ; mais enfin, c'est toujours une mort violente.
Je vois que vous commencez aussi à entrer dans de grands embarras et j'avoue que je ne comprendrais pas la formation, ou au moins la durée d'un ministère tory. Avec les éléments de la Chambre des Communes et les circonstances qui ont précédé et causé la chute du ministère whig, je comprendrais plutôt une alliance entre Palmerston et les radicaux. Je crains que l'Angleterre n'entre dans de grandes difficultés, mais, malgré l'inquiétude générale, j'ai toujours foi dans le bon sens des habitants. Je voudrais pouvoir en dire autant de mes compatriotes !"
* Morny et son temps (Parturier / Hachette / P.79)
* Le duc de Morny (Gerda Grothe / Fayard / p.68)
* Le coup du 2 décembre (Henri Guillemin / Gallimard / p.68)
* Le secret du coup d'Etat (Guedalla-Kerry / Emile-Paul 1928 /p.116 à 118)
Paris, dimanche 23 février 1851 | Morny à Madame de Flahaut | solution extra-légale
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