28 décembre 1832 | Madame de Souza à M Le Roi | mort de Mme de Vaudémont

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Contenu de la correspondance

" Mme de Vaudemont vient de mourir à soixante-quinze ans, ayant tellement craint la mort qu'elle n'a jamais voulu faire un testament pour ne pas y arrêter sa pensée. Ni vous, ni moi, n'aurons cette faiblesse, mais j'avoue que je n'aime pas trop à y ruminer. Elle viendra cette mort, quand elle voudra. Je la recevrai sans hâte, comme j'ai reçu cette bonne et mauvaise fortune, faisant de la philosophie, sans le savoir, comme M. Jourdain faisait de la prose.
" Nous voilà revenus d'Anvers. Les Belges ne la défendront pas si bien que nous l'avons attaquée, si les Hollandais y reviennent quand nous serons partis. Il faudra y retourner, et cette guerre pourrait s'appeler des va qui vient. En attendant, mon fils se porte très bien de cette campagne, qu'il a faite comme un jeune homme. Cela ne m'étonne point, car nous autres, pauvres mères, nos enfants ont beau avoir des cheveux blancs, ce sont toujours nos petits. J'ai lu dans Mme de Sévigné, 31 janvier 1689 (d'abord il faudra vous souvenir qu'à la Cour de Louis XIV on continuait à nommer Jacques II le roi d'Angleterre et Guillaume le Prince d'Orange) : " Le prince d'Orange est assez mal content à Londres. Il y a trois partis. Celui du Roi et des évêques fort petit, celui du prince d'Orange fort grand, puis celui des républicains et non-conformistes. " Mettez à cela les noms du jour, sans le dire à votre grand Charles, (Charles deNugent, petit-neveu de M. Le Roi, qui, attaché à la branche aînée des Bourbons, n'aurait pas goûté cette allusion transparente à Charles X, à Louis-Philippe et aux libéraux qui préparaient 1848.) et portez-vous bien. Ne croyez-vous pas que les hommes tournent comme le monde, chacun sur leurs pivots. Adieu, mon vrai ami, écrivez-moi. Ne me parlez plus de votre âge. Vous êtes plus jeune, plus aimable, que toute cette jeune France qui se rengorge, sans savoir pourquoi. Croyez que vous n'avez pas de meilleure amie que moi et qui vous apprécie mieux.
" Les premiers mots de cette lettre ont été écrits le 28. Depuis, cette mort de Mme de Vaudemont, que j'ai beaucoup connue autrefois, m'a attristée. Je la finis donc ce 4 janvier, mais je vous aime cette année-ci comme les autres. "

* Madame de Souza et sa famille (baron André de Maricourt / Emile-Paul frères / p.361-362)