" Voilà ce pauvre duc de Vicence mort, et mort de chagrin. Accoutumé à occuper de grandes places, à jouir de la considération qu'elles donnent toujours, il n'a pu se résigner à l'isolement et à la retraite, qu'une noble fierté lui prescrivait, lorsqu'il s'est vu en butte à la plus affreuse calomnie, non qu'il n'aimât la campagne et la solitude, mais il y a une grande différence entre s'éloigner du monde ou qu'il s'éloigne de vous. Il était aussi innocent de la mort du D. D. (Duc d'Enghien.) que vous et moi, et il voyait dans tous les yeux cette accusation. Il en rugissait intérieurement, mais concentrait, étouffait toutes ses peines, et il a fini par un squire cancéreux à l'estomac, après six années de souffrances horribles, tant de l'âme que du corps. Je l'ai beaucoup connu. Il avait le plus noble caractère. Jamais il n'a flatté son ancien maître. Il le rudoyait même souvent. Enfin, tous deux sont morts de chagrin et de la même maladie. Aujourd'hui on lui rend justice. Plusieurs de ceux qui l'ont le plus accusé se sont fait écrire chez sa veuve. Il est bien temps ! Et quinze années de douleur seront oubliées en deux minutes par ceux mêmes qui les ont causées. Du reste tout ce qui l'a connu particulièrement l'aimait, et sa famille, jusqu'aux plus petits, est au désespoir de l'avoir perdu... Auguste vous assure de son respect. Il trouve le carnaval bien court. Je lui fais entendre, comme je le puis, que les bons jours sont peu nombreux dans cette vie. Il trouve cela contre nature. M. Gallois est assez souffrant depuis quelques jours, mais ce n'est qu'un gros rhume. Stanislas Girardin était, hier, à l'agonie. "
Madame de Souza et sa famille (baron André de Maricourt / Emile-Paul frères / p.342-343)