Lettre d'Hortense de Beauharnais à son frère Eugène
28 juillet 1805 , Saint-Amand
Oui, mon cher Eugène, je veux te donner du courage, mais ne crains pas de m'affliger en me parlant de tes peines : je sens que tu as besoin de t'épancher avec quelqu'un, et je serais bien fâchée que ta crainte de me causer du chagrin t'empêche de me causer à coeur ouvert. Moi-même, quand je te parle de moi, c'est une consolation de penser que tu partages mes chagrins comme moi-même.
Corvisart est ici ; il m'a dit que l'Impératrice partait ces jours-ci pour Plombières ; comme Eglé ne va pas avec elle, elle va venir me voir en retournant à Montreuil. Ne crois pas que les absents aient toujours tort : l'absence des personnes qui nous intéressent, en nous attristant, nous donne le besoin d'y penser plus souvent.
Tu sais que Louis commande l'armée de réserve. Le général Nansouty, qui commande une division de carabiniers et de cuirassiers sous ses ordres, est arrivé à Valenciennes, à ce qu'il paraît ; le quartier général sera dans les environs ; on parle beaucoup de guerre mais avec tout le monde, ce qui serait bien triste. Je te parle de tout cela, car je sais que c'est ton endroit sensible, et je te vois déjà faire de beaux châteaux en Espagne qui, peut-être, t'égaieront un instant.
Mme de Boubers, que j'avais laissée à Saint-Leu avec mon petit garçon et qui est avec lui à Saint-Cloud, est dans ce moment bien heureuse : l'Empereur approuve le mariage de sa fille avec le frère de Lauriston et même fait quelque chose pour eux. Elle m'écrit souvent et me dit que maman est toujours bien triste d'être séparée de nous deux et, sans mon petit garçon qui la distrait, elle serait bien isolée parmi tant de monde.
Adieu, mon cher Eugène, je t'embrasse bien tendrement.
Hortense
Lettre d’Hortense de Beauharnais à son frère Eugène 28 juillet 1805 , Saint-Amand
Toutes les correspondances de l'année
Contenu de la correspondance