Conférence de Lusigny – instructions du 24 février 1814

Instructions pour le Général Flahault, aide-de-camp de l’Empereur
(correspondance de Napoléon 1er, N° 21359)

Bourg des Noës, à Troyes
24 février 1814

Flahaut se rendra à Lusigny avec des pouvoirs du major général pour négocier, conclure et signer un armistice entre les deux armées.
Il est bien entendu que, pendant la durée des conférences, il n’y aura pas d’armistice, de sorte que les troupes françaises et alliées pourront se battre et aller où elles voudront. Ce ne sera que du moment de la signature et de l’échange des ratifications que l’armistice aura lieu. Ceci est important, car je n’entends pas être lié par ces pourparlers.
Dans l’état actuel de mes affaires, où un plan général se développe, je ne puis accorder d’armistice qu’autant que je serai certain de la paix. je ne puis être certain de la paix qu’autant qu’on aura consenti à admettre les bases proposées à Francfort par le prince de Metternich, en présence du comte Nesselrode et de lord Aberdeen.
Le général Flahault doit s’appuyer sur la lettre par laquelle le prince de Schwarzenberg demande un armistice en disant que la paix doit être conclue, sur la réponse du prince de neuchâtel, et sur le lettre du prince de Schwarzenberg qui réitère la demande d’un armistice. Le général Flahault sera muni de cette correspondance.

Le préambule devra être rédigé à peu près en ces termes :
« Les hautes parties contractantes, ayant réuni leurs plénipotentiaires au congrés de Châtillon-sur-Seine pour traiter de la paix sur les bases proposées à Francfort, ont résolu, pour faciliter ladite négociation et épargner aux peuples la prolongation des maux de guerre, de conclure une suspension d’armes, et ont nommé à cet effet les sieurs tels et tels pour commissaires. »
Cet article souffrira difficultés. Le général Flahault dira que sans cet article il n’y a rien à faire ; que ce n’est pas dans un moment où une organisation secrète sur les derrières est au moment d’agir, et où différentes armées pèsent sur leurs flancs, qu’on peut nous arrêter, si on ne veut pas avoir la paix : or on ne peut avoir de paix que sur les bases de Francfort.
Le général de Flahault n’entrera dans aucune discussion que cet article ne soit d’abord arrêté. Ces messieurs pourront envoyer chercher des pouvoirs s’ils n’en ont pas. Le général n’ouvrira pas même la bouche tant que ce ne sera pas fait. Cela une fois fait, le général Flahault proposera une suspension d’armes d’après laquelle les alliés évacueront les 18è, 19è et 7è divisions militaires, ainsi que le département de l’Aube, et se consentreront en Franche-Comté, en Alsace et en Lorraine ; ils évacueront toute la Belgique, et leur ligne sera la Meuse deouis son embouchure jusqu’à sa source, et, depuis là, une ligne qui passera entre Vesoul et Langres et qui viendra mourir par la Franche-Comté sur la Suisse.
Pendant tout le temps que durera la suspension d’armes, les places seront approvisionnées. Les places du Nord devant être dégagées, leur approvisionnement est donc hors de question. Quant aux places de la Meuse, nous pourrons y pourvoir par la rive qui nous sera rendue. Restent donc les places de la Lorraine, de l’Alsace et de la Franche-Comté. Des commissaires français seront chargés d’y faire entrer des vivres. Genève, étant de la 7è division, sera évacuée.
Le général Flahault doit avoir un langage honnête, mais ferme : « Nous connaissons les forces de l’ennemi, pourra-t-il dire, mais on ne connaît pas assez les nôtres. Tous les jours nous recevons de Paris 10.000 hommes habillés et armés, dont 2000 hommes de cavalerie ; notre armée est de 300.000 hommes. La vieille Garde, qui est composée d’hommes qui n’ont pas moins de seize ans de service, est triplée et forme trois divisions, chacune de seize bataillons. Tous les hommes qui ont servi dans la Garde et ont été congédiés, y ont été rappelés ; ce qui a augmenté la Gare et l’a portée à 30.000 hommes. Il est vrai que nous avons près de 50.000 hommes qui ne sont pas habillés ; mais la plupart des effets d’habillement vont arriver, on les attend à chaque instant ; mais ces hommes ont de bons fusils et servent assez bien. Enfin les horreurs que les Cosaques ont commises, et qui n’ont pas de nom, ont excité au dernier point toute la population en France, et tout le monde est sous les armes. Aussi croyons-nous que toutes les chances sont pour nous, et n’est-ce que la résolution où nous sommes de faire la paix, à la condition qu’on traitera sur les bases de Francfort, qui peut nous porter à une suspensio d’armes. »
Quant aux prisonniers, il faut dire que jusqu’à cette heure nous en avons fait 50.000, que nous avons pris quatre-vingt pièces de canon et 800 voitures.
Quand tous ces articles auront passé, le général Flahault y ajoutera, que les capitulations de Dresde et de Danzig ayant été faites selon toutes les lois de la guerre, elles seront ratifiées, et qu’en conséquence les garnisons seront ramenées sur le Rhin pour être échangées, conformément auxdites capitulations, contre un pareil nombre d’alliés.

(D’après la copie. Archives de l’Empire)