Charles de Flahaut | Revue des Sciences politiques

Revue des Sciences politiques

1926
Earl of Kerry. – The First Napoleon. Some unpublished Documents from the Bowood Papers. London, Constable, 1925, 1 vol. in-8° de XX-355 p.
Publication pleine d’intérêt, où les historiens de l’Empire recueilleront des glanes curieuses, très dignes de leur attention, et parfois mieux encore : du document inédit à mettre en fiches. Citons notamment un rapport de Flahaut, aide de camp de l’Empereur, chargé de poursuivre, du 24 au 28 février 1814, une négociation avec les représentants des puissances alliées au sujet de la conclusion d’un armistice. Une lettre, également inédite, de Napoléon complète ce dossier. Notons encore une correspondance échangée entre Flahaut, le maréchal Vaillant et Morny, en 1863 et 1864, au sujet de la publication, alors en cours, de la Correspondance de Napoléon, et qui jette des lumières sur les conditions dans lesquelles ce travail se poursuivait. L’anecdote tient une grande place dans l’ouvrage et elle est de premier ordre. L’auteur, qui a poursuivi cette publication avec beaucoup d’habileté et en donnant constamment la preuve d’une connaissance approfondie de l’histoire napoléonienne, a pris soin, ayant dû traduire en anglais tous les textes français puisés dans ses archives de famille, de donner du moins, en appendice, dans leur texte original, les pièces les plus importantes.
M.C.

Une correspondance inédite sur la campagne de 1809
Le comte de Kerry, auquel nous devons l’article qui suit, possède, dans les archives de son château familial de Bowood, des documents d’un grand intérêt pour l’histoire napoléonienne. Il descend, en effet, par sa grand’mère paternelle, du comte de Flahault, qui, après avoir été aide de camp de l’Empereur Napoléon Ier, fut, sous Louis-Philippe, ambassadeur à Berlin et à Vienne et, sous Napoléon III, Grand-Chancelier de la Légion d’honneur. Entre temps, il avait épousé la fille de l’amiral anglais Keith et résidé longtemps en Grande-Bretagne. L’une de ses filles épousa le quatrième marquis de Lansdowne. Ceci explique comment tous les papiers de notre illustre compatriote se trouvent aujourd’hui en Angleterre. Ils sont tombés en d’excellentes mains. Le comte de Kerry, fils du marquis de Lansdowne actuel, a su en tirer récemment deux ouvrages du plus haut intérêt. Dans le premier, relatif au Coup d’Etat de 1851, il précise, à l’aide de pièces authentiques, le rôle prépondérant qu’y joua de Morny et nous révèle la part qu’y prit également le père naturel de ce dernier, le comte de Flahault. Dans le second, il a rassemblé, sur divers incidents de la vie de Napoléon Ier, des témoignages curieux, émanant des sources les plus différentes, que le hasard s’est plu à rassembler entre ses mains.
Les lettres qui suivent n’ont pas pu prendre place dans l’ouvrage relatif à Napoléon Ier. Le comte de Kerry veut bien nous en communiquer le texte, en l’accompagnant d’un commentaire qui en fait ressortir toute la valeur. Nous le prions de trouver ici l’expression de nos plus vifs remerciements…
De 1804 à 1815, Flahault prit part à toutes les campagnes de Napoléon. Il n’exerça jamais lui-même de haut commandement mais fut successivement aide de camp de Murat, de Berthier et de Napoléon. Il était donc bien placé pour voir ce qui se passait dans les quartiers généraux. Sauf durant peu de temps, avant le coup d’Etat de 1851, Flahault et Thiers furent étroitement unis d’amitié et, comme je l’ai montré ailleurs, échangèrent souvent des correspondances au sujet de la grande oeuvre historique de ce dernier. Dans le cas actuel, nous voyons Flahault, alors ambassadeur de France à Vienne et persona grata à la cour d’Autriche, appelé à l’aide par Thiers afin de tirer du vieil archiduc Charles des informations sur la campagne de Wagram. Comme on va le voir, il profita de la circonstance pour rapporter à Thiers, sur ce grand événement, quelques-uns de ses souvenirs personnels, qui ne sont pas sans intérêt historique.
… Dans sa première lettre à Flahault, Thiers marque la plus vive crainte de causer de la peine ou de l’embarras au « prince généralissime ». Ses questions ne pouvaient cependant manquer d’être embarrassantes car elles portent toutes, exactement, sur les circonstances de la campagne où l’on considère que le jugement de l’archiduc avait été mis en défaut. Le questionnaire aurait pu être dressé plus brièvement, sinon plus discrètement, dans les termes suivants :
1° Comment l’archiduc a-t-il fait pour se laisser couper de Ratisbonne ?
2° Pourquoi ne repassa-t-il pas sur la rive sud du Danube, pour rejoindre le général Hiller et tenter de barrer à Napoléon la route de Vienne ?
3° Pourquoi ne prit-il pas plus tôt des mesures en vue d’empêcher Napoléon de franchir le Danube ?
4° Comment ne reçut-il pas plus tôt l’avis que les Français passaient à Essling, et pourquoi ne s’y opposa-t-il pas plus vite ?
5° Pourquoi, après Aspern, ne traversa-t-il pas la rivière et n’attaqua-t-il pas les Français en arrière ?
6° Pourquoi resta-t-il aussi inactif entre les batailles d’Aspern et de Wagram ? et pourquoi n’offrit-il pas une résistance plus déterminée qur la position préparée à Wagram même ? …
… Le témoignage de Flahault, sur la situation au soir d’Aspern, bien qu’il n’ait pas été provoqué, est d’un caractère plus décisif que celui de l’archiduc. Il prouve clairement que, dans la soirée du 20 mai, Napoléon ignorait la proximité immédiate de l’armée autrichienne et refusait de croire qu’il eût alors affaire à autre chose qu’une avant-garde. Il en résulte que si l’archiduc avait attaqué avec plus de promptitude et de décision le matin du 20 au lieu de l’après-midi, il eût été, selon toute vraisemblance, entièrement heureux. La lettre de Flahault montre que, à la fin de la bataille, lorsque les Français avaient été ramenés dans l’île Lobau, ils étaient dans une position telle qu’ils eussent succombé à toute nouvelle attaque qu’on eût menée contre eux.
Flahault, ne l’oublions pas, était un témoin capital. En une pareille circonstance, le principal aide de camp du chef d’état major a des chances exceptionnelles de voir et d’entendre. Bien mieux, comme il nous le dit lui-même, il accompagnait l’Empereur dans le batelet qui, au petit matin, le lendemain d’Aspern, les ramena de l’autre côté de la rivière débordée. Au cours de ce trajet, Napoléon et Berthier ne purent manquer de discuter, en présence de Flahault, la situation dans laquelle ils laissaient l’île. Mais le témoignage de Flahault semble avoir déplu à Thiers. Il le passe sous silence. Il déclare simplement que des divergences d’opinion se manifestèrent entre les officiers qui avaient été envoyés en reconnaissance dans la nuit du 20, les uns prétendant que Napoléon avait en face de lui toute l’armée autrichienne, les autres que ce n’était qu’une avant-garde, et il estime que « à moins de mécomptes imprévus » l’armée de Napoléon avait amplement le temps de déboucher sur la rive nord avant qu’une attaque puisse survenir. Flahault ne le cédait en rien à Thiers dans son culte pour le « grand homme ». Il n’en est pas moins nettement d’avis que, dans cette circonstance, Napoléon commit une erreur de calcul dont seule la lenteur de mouvement de l’ennemi lui évita les conséquences, et il nous laisse entendre que, à son avis, une nouvelle attaque autrichienne, le 23, eût tout emporté. Les raisons pour lesquelles une attaque de ce genre était impossible sont données par l’archiduc, dans sa réponse à Thiers, sous la quatrième question.
L’autre grande question, celle de savoir pourquoi l’archiduc resta inactif et permit à Napoléon de transporter son armée de l’île Lobau sur la rive gauche du Danube le 5 et le 6 juillet, a soulevé une vive discussion….

Lettre de Flahault à Thiers.
Vienne, 9 juillet 1846
Mon cher ami,
Bien que ma main soit infirme, et peu en état d’écrire une longue lettre, je ne veux pas différer de répondre à la vôtre.
L’absence est une détestable chose, car lors même qu’elle n’agit pas – je l’espère du moins – sur le fond des affections, elle en change les expressions, et substitue à celles de l’amitié, une espèce de formalité à laquelle vous ne m’aviez pas accoutumé, et dont les sentimens que je vous ai conservés sont loin de s’accomoder. Sachez une fois pour toutes, et ma vie en a fourni quelques preuves, que mes sentimens sont durables, et que ni le tems ni l’absence n’ont d’influence sur mes rapports avec mes amis.
Ceci dit, venons au sujet de votre lettre. Elle me vient dans un moment peu opportun, l’Archiduc Charles étant à la campagne ; mais je verrai sont Grans maître le Général Comte de Grunne, et m’entendrai avec lui sur le meilleur moyen d’obtenir de Son Altesse Impériale les renseignements que vous désirez, et qu’Elle-même a intérêt à vous fournir.
En attendant que nous les ayions, permettez-moi de vous raconter une anecdote relative à notre premier passage du Danube qui vous prouvera que l’Empereur Napoléon ne s’attendait pas à la présence si rapprochée de l’armée de l’Archiduc. J’étais 1er aide de camp du prince de Neufchâtel et dans l’après-midi du 21 mai, veille de la bataille, au moment où les troupes passaient le petit bras du Danube, l’Empereur me voyant causer avec des chasseurs du 13è Régiment, qui revenaient blessés de l’avant-garde, m’appela et m’envoya voir ce qui s’y passait, avec ordre de revenir lui en rendre compte. Il n’y avait encore de passé que la cavalerie du Général Lasalle qui tiraillait avec l’ennemi. Le corps de Masséna arrivé à l’Ile de Lobau, s’apprêtait à suivre la cavalerie au-delà du petit bras.
J’allai d’abord au général Lasalle, et poussai ensuite jusqu’aux tirailleurs les plus avancés et j’y restai jusqu’à ce que la nuit mit fin au combat. Regardant alors avec attention du côté de l’ennemi, je crus apercevoir une très longue ligne de feux, fort clairsemés, il est vrai, mais si régulièrement établis, que je ne doutai pas de la présence d’un corps considérable de troupes.
De retour près de l’Empereur je lui fis part de ce que j’avais vu, et de la conviction qui en était résulté pour moi. Il parut fort surpris, et me fit répéter ce que je venais de lui dire, et, appelant le maréchal Masséna, il lui ordonna de passer avec moi de l’autre côté, sur la rive gauche du petit bras, pour voir ce qui en était.
Nous trouvâmes que nos troupes s’étaient, ainsi que cela se fait toujours la nuit, repliées fort en arrière du point jusqu’où je m’étais avancé, et, pour remédier à ce désavantage, et apercevoir aussi loin que possible, nous montâmes au clocher de l’église d’Essling.
On ne distinguait pas la ligne non interrompue de feux que j’avais aperçue, mais on en voyait assez pour que je pusse indiquer au Maréchal l’espace qu’elle occupait. Il serait trop long et superflu de mentionner ici, la discussion qui eut lieu entre nous, et dans laquelle le général Becker, son Chef d’Etat-major, partagea son opinion ; mais il déclara qu’il ne voyait rien qui indiquât la présence d’une Armée, ni même celle d’un corps considérable de troupes, et que par conséquent je m’étais trompé. Nous retournâmes près de l’Empereur qui était encore près du pont sur le petit bras, et le maréchal lui fit connaître son opinion. L’Empereur, après l’avoir écouté, ayant eu la bonté de se tourner vers moi, et de m’encourager du regard, je me permis de dire, qu’ayant le malheur d’être en désaccord avec le maréchal Masséna, il me siérait mal de maintenir mon opinion ; que cependant, m’étant trouvé en position de voir ce que l’on ne pouvait apercevoir du clocher, je ne croyais pas manquer au profond respect que je lui devais et que je lui portais, en conservant la conviction que j’avais exprimée à Sa Majesté, celle de la présence assez rapprochée d’un nombre considérable de troupes. Ainsi se termina l’entretien ; mais les événements du lendemain me donnèrent que trop raison, et je pense que si le maréchal eût été de mon avis, et que l’Empereur eût cru à la proximité de l’armée autrichienne, il ne serait pas sorti de l’Ile de Lobau, et n’aurait pas livré la bataille avant d’avoir réuni toutes ses troupes sur la rive gauche du grand bras.
Quant au moment où l’archiduc a appris notre passage près d’Essling, lui seul peut le dire ; mais vu le peu de mobilité des troupes autrichiennes et l’impossibilité de leur faire faire des marches forcées, sans laisser la plus grande partie des hommes en arrière, il doit avoir eu besoin de plusieurs jours, pour réunir ses troupes et concentrer son armée.
Jamais l’Empereur Napoléon n’a paru se souvenir de l’incident que je viens de vous raconter ; mais j’ai lieu de croire qu’il ne l’a pas oublié, car à dater de ce jour, il m’a traité avec une bonté particulière. Dans plusieurs circonstances il m’a désigné au Major Général, pour des missions de confiance, et à la fin de la retraite de Moscou il m’a fait l’honneur de me nommer son Aide de Camp.
Je pense que l’énergique résistance de nos troupes à la bataille d’Essling, a seule empêché qu’elles ne fussent jetées dans le fleuve ; mais je crois que si l’archiduc les eût fait attaquer le 23, à la pointe du jour dans l’Ile de Lobau, il est difficile de dire quel eût été le résultat de cette attaque. Tout ce que je ouis vous dire moi qui ai repassé la rivière et suis retourné à Ebersdorff sur le même bateau que l’Empereur, c’est qu’on n’était pas sans inquiétude à ce sujet.
A propos d’Ebersdorff, je crois que vous devez avoir fait une méprise dans votre cinquième question.
Vous dites :
« Le Prince aurait-il pu descendre sur Presbourg, immédiatement y passer le Danube, remonter la rive droite jusqu’à Enzersdorff ».
,’est-ce pas Ebersdorff que vous avez voulu dire ? c’est dans ce village qu’était établi notre quartier Impérial et près de là qu’étaient jetés les ponts.
Répondez-moi un mot à ce sujet. Enzersdorff est sur la rive gauche.
Flahault

Thiers à Flahaut
Paris, ce 26 juillet 1846
Mon cher ami,
Je vous demande pardon si mes formes vous ont paru trop cérémonieuses, et pas assez amicales. L’intention n’était pas le moins du monde en rapport avec les apparences, car je vous tiens pour un excellent ami, et je veux toujours l’être pour vous dans la forme et dans le fond ; mais ne sachant pas si cette lettre serait ou non communiquée, je vous ai traité en ambassadeur.
Je vous prie de continuer vos perquisitons, et je me hâte de rectifier une erreur que j’ai commise dans l’énoncé de ma cinquième question. C’est Ebersdorff que j’ai voulu dire ; car autrement ma question serait un non-sens, vu qu’il n’y a pas d’Ensendorff sur la rive droite, et qu’il n’y a qu’Ebersdorff, où se trouvait en effet le quartier impérial au moment dont il s’agit. Voilà ma rectification, après quoi je vous quitte pour aller passer quelques semaines au Havre sur le bord de la mer.
Tout à vous de coeur. Mes hommages à Mme de Flahault. Mmes Thiers et Dosne vous remercient de votre souvenir, et vous envoient leurs amitiés.
A. Thiers

Le Comte de Grunne à Flahault
Monsieur le comte,
Autorisé de S.A.I. Monseigneur l’Archiduc, j’ai l’honneur d’adresse à Votre Excellence les réponses suivantes aux questions qu’Elle a bien voulu me communiquer :
ad 1. Les forces de l’ennemi n’étant pas encore réunies, et le corps du maréchal Davoust étant en mouvement pour opérer cette réunion, l’Archiduc compta le battre pendant sa marche pour affaiblir par là les forces qui se portoient contre lui, et s’emparer de Ratisbonne pour établir sa communication avec les troupes venant de la Bohême.
ad 2. Les vues de l’Archiduc étoient de rester maître de la rive gauche du Danube, de repasser ce fleuve si l’occasion s’en présentoit, et d’attaquer l’ennemi. Obligé de faire un détour pour éviter la partie fourrée et inaccessible des montagnes appelées le Böhmerwald, voulant attirer à lui pendant sa marche une partie des nouvelles levées qui s’organisoient en Bohême pour réparer ses pertes, et ayant perdu à Ratisbonne son équipage de pont, Napoléon le prévint de vitesse en gagnant Vienne par la ligne droite et la plus courte.
ad 3. En arrivant ainsi plus tard que les français dans le rayon de Vienne, l’Archiduc conçut le plan d’attendre que Napoléon exécutât le passage du Danube pour l’aborder pendant cette opération. C’est à cet effet que le rive du Danube ne fut occupée que par un corps volant, et l’armée campée derrière les hauteurs du Bisamberg, afin qu’elle fût dérobée à la vue de l’ennemi.
ad 4. Le trajet de l’armée française fut ignoré de l’Archiduc jusqu’au moment où les avant-postes engagés sur la rive gauche du Danube lui en firent le rapport. Les français après la bataille d’Aspern étoient d’autant plus à l’abri de toute attaque sérieuse derrière le petit bras du Danube, que les Autrichiens se trouvoient épuisés par la perte de 26 000 hommes sur le champ de bataille, et par une grande consommation de munitions ; tandis que Napoléon fut incessamment renforcé par l’arrivée de 45 000 combattans.
ad 5. Ces mêmes raisons expliquent pourquoi l’Archiduc étoit hors d’état de faire la manoeuvre par Presbourg sur Ebersdorff.
ad 6. Après la bataille d’Aspern ou d’Esslingen, l’Archiduc pensoit que la position respective des deux adversaires en face du Danube ne permettoit à aucun d’eux de s’en éloigner sans danger par une manoeuvre quelconque. L’Archiduc en se portant vers la Hongrie abandonnoit à l’ennemi ses communicaions avec la Bohême et la Moravie, d’où il tiroit toutes ses ressources, surtout dans un moment où les Russes envahissoient la Gallicie, et où tout ce qui étoit disponible en Hongrie accouroit à l’insurrection. En marchant sur le haut Danube, qui d’ailleurs ne présente que peu de passages favorables aux Autrichiens, ils risquoient que Napoléon, passant sur la rive délaissée vis-à-vis de Vienne, ne les poussât dans la partie occidentale de la Bohême. De leur côté les français en remontant le Danube exposoient leurs communications avec l’Italie, et en le descendant ils compromettoient celles (pour eux plus intéressantes encore) avec l’Allemagne et la France. Il s’ensuit de là que les deux armées se tenoient en échec, que la question ne pouvoit être résolue que par une bataille décisive, et que cette bataille ne pouvoit avoir lieu que sur le terrain occupé par l’une des deux. Il étoit probable alors que la victoire appartiendroit à celle qui auroit la supériorité numérique. Les deux généraux en chef mirent tout en oeuvre pour se la procurer, mais les moyens de Napoléon furent bien plus puissants que ceux de son adversaire. Il parut en effet avec 160 000 hommes à la bataille de Wagram pendant que les Autrichiens n’avoient que 94 000 sabres et bayonnettes à lui opposer.
On avoit retranché légèrement l’espace entre Aspern et Esslingen, bien plus pour observer l’ennemi que pour lui faire une résistance vigoureuse. L’isle de Lobau est d’une forme circulaire, Napoléon avoit fait de si grands préparatifs pour masquer son passage, qu’on n’étoit pas sûr de l’endroit où il l’effectuerait, et qu’en s’opposant à lui d’un côté il pourroit déboucher de sa position centrale avec rapidité sur un autre point et prendre en flanc tout ce qui se seroit approché du Danube.
Effectivement après qu’il eut fait jeter ostensiblement un pont entre Aspern et Esslingen, le passage de l’armée eut lieu dans un grand rentrant que forme le bras du Danube en contournant l’isle pour rejoindre le grand courant de ce fleuve. L’Archiduc a cédé le champ de bataille sans que ses troupes furent mises en déroute.
Je remercie Votre Excellence de m’avoir procuré une occasion de Lui renouveler l’assurance de ma haute considération, avec laquelle j’ai l’honneur d’être,
Monsieur le Comte,
de Votre Excellence,
le très humble et très obéissant serviteur,
le Comte de Grunne.

Baden, le 29 juillet 1846
Ayant remarqué que la lettre adressée à Votre Excellence n’étoit qu’une copie, j’ai pensé qu’il étoit inutile de la Lui envoyer.

Dans le commentaire des lettres qui précèdent, j’ai été beaucoup aidé par mon oncle, Lord Fitzmaurice, qui m’a donné le précieux concours de la connaissance profonde qu’il possède de la période considérée.
Comte de Kerry

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