La Revue des Deux Mondes
1839 – 1841 – 1849 – 1856 – 1866 – 1882 – 1889 – 1894 – 1895 – 1898 – 1903 – 1904 – 1908 – 1909 – 1915 – 1924 – 1930 – 1954 – 1966
Janvier 1839
… Je n’ai pas parlé du style chez Mme de Charrière ; les citations en ont pu faire juger. C’est du meilleur français, du français de Versailles que le sien, comme pour Mme de Flahault…
Juillet 1841
M. de Saint-Aulaire est nommé ambassadeur à Londres, M. de Flahault le remplace à Vienne.
Juillet 1849
Histoire politique – Chronique de la quinzaine
… Il était évident en effet, que c’étaient, dans la magistrature, M. Poulle à Aix, M. Amilhau à Pau, M. Viger à Montpellier, M. Moreau à Nancy, etc…, et dans l’armée, MM. de Flahaut et de Fezensac, de Mortemart, de Castellane, Rullière, Gourgaud, Rapatel, de Bar, etc…, qui avaient attaqué le 16 avril à Paris le gouvernement provisoire, et que c’était contre eux que la garde nationale était venue prêter main forte. L’assemblée législative a aboli cet étrange décret, et rendu à nos généraux l’épée qu’ils méritaient si bien de garder.
Novembre 1856
… Ce même abbé Maury allait, il y a quelques jours, chez Mme de Flahault ; elle commença par se plaindre de ce qu’il était resté si longtemps sans la venir voir. « Héla ! madame, lui répondit l’abbé Maury, j’ai un de mes amis, l’abbé de Boismond, attaqué d’une paralysie qui a occupé tous mes moments ; il vient hier de récompenser mes soins d’une manière bien généreuse : il m’a résigné son bénéfice.
– Ah ! tant mieux, lui répondit Mme de Flahault ; maintenant que vous êtes libre, nous nous verrons plus souvent. » Les bons mots sont les événements de Paris ; ils font les sujets des conversations pendant plusieurs jours.
Juillet 1866
Un diplomate qui a pu prendre sur le fait la politique du gouvernement de juillet dans ses relations avec l’étranger, M. de Garden, l’a caractérisée ainsi : « Après 1830, il se manifesta sous les hospices de M. de Talleyrand et par l’organe de MM de Saint-Aulaire, de Barante, d’Harcourt, de Rayneval, de Rumigny, Maison, Flahaut, Bresson, une école de diplomatie qui, sans rechercher auprès des diverses cours une sympathie impossible à obtenir, mais espérant une impartialité favorable, s’imposait le devoir de prouver à l’Europe que la France avait pu faire une révolution sans être une perpétuelle menace pour les autres états, et s’appliquait à démontrer que la clé de la paix est à Paris. » Ces diplomates étaient naïvement dans les traditions de leur emploi. Agents pondérateurs d’un équilibre européen basé sur les traités, pouvaient-ils comprendre que les traités fussent anéantis et les nations transformées par le simple effet des désirs de la multitude ?
Janvier 1882
Ce fut le mercredi 26 novembre que je me rendis chez lui. Il habitait au numéro 17 de l’avenue des Champs-Elysées un hôtel que l’on avait surnommé « la niche à Fidèle » parce qu’il était contigü à la demeure de la comtesse Lehon, à laquelle on attribuait des bontés pour celui dont la devise tracée autour d’une fleur d’hortensia était : Tace et memento. Chez le comte de Morny, se trouvaient le comte de Flahaut, Gabriel Delessert, Fernand de Montguyon, Paul Daru, tous morts aujourd’hui…
Le vendredi suivant, je dînais en ville ; outre le comte de Flahaut et le comte de Morny, les convives étaient Prosper Mérimée, Victor Cousin, Viollet-le-Duc : tous morts. Au cours de la soirée, Morny me dit : « Irez-vouslundi à l’Elysée ? »…
Maxime du Camp
Octobre 1889
Un témoin américain de la Révolution française : Gouverneur Morris
Gouverneur Morris naquit le 31 janvier 1752, à Morrisania, dans l’état de New-York ; il perdit son père de bonne heure, et fut élevé par les soins de sa mère. Il se prépare au barreau, et fut nommé, en 1775, membre du premier congrés provincial de New-York : il s’y fit remarquer par ses efforts pour empêcher l’introduction de l’esclavage dans l’état de New-York. Quand les colonies se séparèrent de l’Angleterre, Morris resta lié à leur sort, malgré ses parentés anglaises et ses liens avec les tories. Il prit une part active aux discussions des premiers congrés : en octobre 1778, c’est lui qui rédigea les premières instructions envoyées à un ministre d’Amérique : ce ministre n’était autre que Franklin. Il n’a malheureusement laissé nulle trace de ses nombreux travaux à cette époque ; établi à Philadelphie, il y fut victime en 1780, d’un accident qui le força à subir l’amputation de la jambe gauche au-dessous du genou : « Mon bon monsieur, dit-il au chirurgien qui lui expliquait la nécessité de l’opération, vous raisonnez si bien et vous me montrez si bien les avantages qu’on a à être sans jambes, que je suis presque tenté de me séparer des deux. » Morris était remarquablement beau, ses portraits en font foi, et il dut se résigner à porter toute sa vie une jambe de bois.
Il prit place parmi les membres de la convention qui rédigea la constitution fédérale. Ses instincts étaient éminemment conservateurs ; il opina pour la nomination des sénateurs à vie, il ne voulait donner les droits électoraux qu’aux propriétaires du sol. Il s’opposa énergiquement à l’esclavage et le dénonça comme une institution néfaste. Madison a écrit que » la perfection du style et de l’arrangement de la Constitution est l’oeuvre de la plume de Morris. »
Morris était riche ; à la mort de sa mère, il avait acheté la part que son frère aîné, général dans l’armée anglaise et marié à la duchesse de Gordon, avait dans Morrisania ; financier habile, il fit avec beaucoup de succès des exportations de tabac et de blé en Europe ; laissant son second frère Robert en Virginie, il partit pour l’Europe en 1788, pour aller veiller en France à l’exécution de certains marchés faits avec les fermiers généraux.
Morris descendit à Paris à l’hôtel de Richelieu, rue de Richelieu. Les lettres de recommandation que Washington lui avait données lui ouvrirent toutes les portes ; ses avantages personnels, sa bonne grâce, sa gaîté, ses manières, son esprit naturel en firent rapidement une sorte de favori. « Il faut, disait M. de Talleyrand, avoir vécu en France dans les années qui précédèrent la révolution pour savoir ce que c’est que le plaisir de vivre. » Morris paraît avoir goûté ce plaisir aussi vivement, plus vivement peut-être qu’aucun Français. Mais ses lettres n’auraient qu’un intérêt de second ordre, si elles n’étaient que des notes prises sur la société polie de l’époque, sur ses amusements, ses modes, ses distractions ; ce qui leur donne un intérêt supérieur, c’est qu’on y sent tout de suite remuer les passions qui déjà préparaient la révolution ; on voit grandir chez les uns l’aveuglement fatal qui va les précipiter dans mille dangers ; chez les autres, on voit naître le goût du désordre, l’horreur de tout frein, la perversité qui s’ignore et qui ne sait pas encore tout ce dont elle est capable : chez tous, ou presque tous, l’amour du changement, l’entraînement vers l’inconnu, la nouveauté…
… Parmi les rivaux qu’il rencontra, nous trouvons l’évêque d’Autun, dont il parle très fréquemment et sur lequel il donne de curieux détails. On se vit d’abord chez Mme de Flahault, dont l’évêque d’Autun était un des familiers. Il est impossible de ne pas être choqué par la fatuité de Morris, il a une façon de dire : « Nous verrons » quand il a fait les premières avances et posé quelques jalons auprès d’une nouvelle connaissance, qui serait tout à fait risible, si l’on ne soupçonnait que cette assurance a dû plus d’une fois le servir. Il avait de l’esprit ; il avait pris très vite le ton de la société française, comprenant à demi-mot, sans lourdeur, ennemi de l’ennui, de l’affectation, serviable, toujours prêt à obliger et sans autre but que le plaisir de plaire ; il veut tout savoir, tout connaître, il s’intéresse à tout ; son rare bon sens lui donne de la fixité dans cette vie remuante et quand tout va bientôt changer et se dissoudre autour de lui. Pendant que se préparent les élections pour les Etats Généraux, Morris, qui entend parler de résistance dans les salons, écrit : « Mon opinion est que si la cour voulait maintenant revenir en arrière, il est impossible de conjecturer ce qi arriverait. Les chefs du parti patriotique se sont tellement avancés qu’ils ne peuvent plus reculer sans danger. S’il y a la moindre vigueur dans la nation, le parti dominant dans les Etats Généraux pourra, s’il lui plaît, renverser la monarchie elle-même, si le roi compromet son autorité dans une lutte (20 avril 1789). »
Morris était un financier très habile, et était nourri des meilleures notions d’économie politique. Il faisait des projets pour remèdier à l’état des finances françaises, qui occupait alors tous les esprits et qui était la cause de la convocation des Etats Généraux, mais il devinait que les Etats Généraux ne s’occuperaient pas seulement de finances. Il assiste à Versailles, en compagnie de Mme de Flahault, au défilé des députés se rendant à l’église Saint-Louis, il note que le roi est salué des cris de « Vive le roi », mais que personne n’acclame la reine. Il assiste aussi à l’ouverture des Etats Généraux le 5 mai, dans la grande salle des Menus ; la scène est trop connue, pour qu’on en donne la description qu’il en fait ; il faut pourtant en citer quelques lignes, où perce l’émotion personnelle. « Le roi fait un discours court et excellent et s’assoit ; la reine est à sa gauche, deux degrés plus bas que lui. Le ton et la manière ont toute la fierté qu’on peut attendre ou désirer d’un Bourbon. Il est interrompu dans sa lecture par des acclamations si ardentes et qui témoignent d’une si vive affection que les larmes jaillissent de mes yeux, en dépit de moi. La reine pleure ou paraît pleurer, mais pas une voix ne s’élève pour exprimer un voeu pour elle. J’élèverais certainement la mienne, si j’étais un Français ; mais je n’ai pas le droit d’exprimer un sentiment et je sollicite en vain de le faire ceux qui sont autour de moi. » A la fin seulement de la séance, remplie par un discours du roi et par la lecture d’un long rapport de Necker, quelques cris de : « Vive la reine ! » se mêlent à ceux de : « Vive le roi ! » …
… Mme de Flahaut, qui avait émigré, était logée à Altona, qui est comme un grand faubourg de Hambourg, et Morris l’y retrouva avec bonheur ; pendant tout l’hiver qu’il y passa, il fut occupé de soulager les émigrés, dont beaucoup étaient dans la plus grande des gênes : à une dame, qu’il avait beaucoup fréquentée à Paris, il écrit, par exemple : « La personne qui vous remettra celle-ci est chargée de vous payer en même temps cinquante louis. Si la fortune vous devient propice, vous me les rembourserez. Sinon, laissez-moi la consolation de croire que j’ai pu adoucir un instant vos malheurs. » Au mois de juin 1795, Morris quitte Altona pour Londres : là aussi, il retrouve nombre d’émigrés de sa connaissance. Il sonde les dispositions des ministres anglais, de lord Granville, de Pitt, relativement à la France ; il les résume ainsi dans une lettre qu’il envoie à un émigré à Altona (avec 100 livres sterling) : « Les dispositions ici sont excellentes. Ils veulent franchement rétablir la France, mais ils ne veulent pas verser le sang et les trésors de l’Angleterre pour assouvir des vengeances particulières. Ils sont dans ce que j’appelle les bons principes et je me trompe fort ou le nouveau roi (Louis XVIII) se déclarera ouvertement pour la modération et la conciliation. » …
… Morris retourna à Hambourg en juin 1796 ; il y retrouva Mme de Flahault, qui lui fit part de ses projets de mariage avec M. de Souza. Il y vit le jeune duc d’Orléans, pour lequel il ressentait un vif intérêt, ayant été traité, pendant son séjour en France, avec beaucoup de bonté par sa mère, la duchesse d’Orléans. Sans longtemps s’arrêter à Hambourg, il alla en poste à Berlin.
(Auguste Laugel)
Novembre 1894
L’Empereur chargea son aide de camp Flahaut de réviser les propositions du ministre de la guerre. « Recueillez, lui écrivit-il, tous les renseignements qu’il vous sera possible sur les généraux et officiers, car si je fais de mauvais choix, c’est à vous que je m’en prendrai. » D’une extrême bravoure et excellent officier d’état-major, Flahaut s’était montré aussi brillant cavalier à Friedland et à la Moskowa que diplomate habile à Neumarkt et à Lusigny . Il n’en passait pas moins pour devoir à la faveur son avancement vraiment extraordinaire. De fait, après n’avoir jamais commandé qu’un escadron, il avait été nommé, à 28 ans (en 1813), général de division. Si jeune lieutenant général, peut-être eût-il dû décliner cette mission, bien délicate vis-à-vis d’un homme comme Davout ; en tout cas, sans pour cela y mettre moins de zèle, il aurait pu la remplir d’une façon plus discrète. Il s’installa chaque jour plusieurs heures dans les bureaux de la guerre, bouleversant les dossiers, se faisant rendre des comptes, rayant de sa propre autorité des noms portés sur les états de propositions et donnant même directement des ordres opposés à ceux de Davout. Les choix n’en furent pas meilleurs, car malgré son dévouement et son intelligence, l’aide de camp de l’Empereur ne pouvait mieux juger que Davout ; mais le prince d’Eckmühl fut profondément blessé de cette inquisition, dont au reste il fut assez vite délivré…
Novembre 1895
Restée seule à Paris, Hortense contracta avec le général de Flahaut une liaison depuis longtemps dans les données publiques de l’histoire. De cette liaison, naquit un fils qui, sur le témoignage d’un cordonnier et d’un tailleur d’habits, fut inscrit comme enfant légitime d’un sieur Demorny, propriétaire à Saint-Domingue, et de son épouse Louise Fleury. Plus tard, le Demorny fut coupé en deux et devint de Morny (23 octobre 1811) . L’enfant, remis aux soins de sa grand-mère paternelle, Mme de Souza, apprit d’elle le ton exquis, la bienséance, la finesse de l’esprit, la grâce des manières, le goût des délassements littéraires.
Janvier 1898
La bataille de Ligny (1815)
Le maréchal est si convaincu que, vers onze heures, quand Flahaut lui apporte la lettre de l’Empereur qui prescrit de prendre position aux Quatre-Bras et en avant des Quatre-Bras (Remarquons, en passant, que le général Flahaut, parti de Charleroi vers 8 heures, ne s’était guère pressé ; il avait fait tranquillement, sur un cheval frais, ses 6600 mètres à l’heure !)…
… Or, quand Flahaut passe à 10 heures à Gosselies et communique à Reille les instructions dont il est porteur, celui-ci, troublé par un rapport du général Girard, croit devoir attendre pour mettre ses troupes en marche en ordre positif de Ney. « le général Flahaut, écrit-il au maréchal, m’a fait part des ordres qu’il vous portait.
(Henri Houssaye)
Juillet 1898
(à Mont-Saint-Jean) … Il (l’Empereur) envoya un de ses aides de camp, le général Flahaut, porter à Kellermann l’ordre de charger avec les quatre brigades de cuirassiers et de carabiniers.
Kellermann jugeait, comme l’Empereur, que le mouvement de Milhaud avait été prématuré ; il croyait imprudent d’engager aussi sa propre cavalerie. Il allait peut-être exposer ses raisons à Flahaut quand le général Lhéritier, commandant la première division (cuirassiers et dragons) la mit en marche au grand trot sans attendre aucun commandement. Kellermann dut suivre avec sa seconde division, composée des 2è et 3è cuirassiers et des 1er et 2è carabiniers ; mais, non loin de Hougoumont, il arrêta la brigade de carabiniers dans un pli de terrain, en faisant défense formelle au général Blancard de bouger de là, à moins d’un ordre exprès de lui-même Kellermann. Sage précaution, car ces huit cents carabiniers étaient désormais la seule réserve de cavalerie qui restât à l’armée. Flahaut, selon les instructions de l’Empereur, avait transmis l’ordre de charger non seulement à Kellermann mais aussi au général Guyot, commandant la grosse cavalerie de la garde (dragons et grenadiers à cheval)
Janvier 1903
… Le calme très lentement rétabli, la discussion reprit : Ségur, Bassano, le prince Joseph, Roederer, exposèrent tour à tour les raisons d’ordre constitutionnel et d’intérêt militaire qui engageaient à proclamer Napoléon II. Ils furent combattus par Cornudet, Lameth, Quinette, Thibaudeau, et derecher par Pontécoulant. Ces débats se prolongeaient vainement, car la majorité de la Chambre avait depuis longtemps arrêté sa résolution. Flahaut, ayant interrompu Pontécoulant par ces mots : ‘Si l’Empereur avait été tué, n’est-ce pas son fils qui lui succéderait ? » Il a abdiqué, il est mort politiquement ; pourquoi son fils ne lui succéderait-il pas ? » le ministre de la Marine, Decrès, repartit avec sa brutalité habituelle : » – Est-ce le moment de s’occuper des personnes quand la patrie est en danger ? Ne perdons pas un moment pour prendre les mesures que son salut exige. je demande que la discussion soit fermée. »
Janvier 1904
L’art français à Rome
Après un court intérim fait par Noêl Hallé en qualité de commissaire du Roi, le nouveau surintendant, Charles-Claude de Flahaut de la Billarderie, comte d’Angivilliers, désigna, en septembre 1775, comme directeur de l’Académie de France, Joseph-Marie Vien, qui, vingt-sept ans auparavant, sous le directorat de Troy, en avait été un des élèves les plus distingués…
(Alphonse Bertrand)
La route de Sainte-Hélène.
Les derniers jours de Napoléon en France. La Malmaison
Dans la matinée du 28 juin, il chargea son aide de camp, le général Flahaut, de faire une dernière démarche auprès de la Commission exécutive. Introduit dans le salon des Tuileries où se tenaient les séances, Flahaut renouvela la demande que les frégates missent à la voile sans attendre les sauf-conduits et déclara, au nom de son souverain, que, si le gouvernement refusait de donner cet ordre, l’Empereur ne quitterait pas la Malmaison. Davout était présent, adossé à la cheminée. Il gardait rancune à Flahaut de l’espèce d’inquisition que, sur ordre de l’Empereur, ce très jeune général avait exercé au ministère de la Guerre pendant les Cent-Jours. En outre, il ne voulait plus entendre parler de Napoléon. Converti par raison ou illusion patriotique à la cause du Roi, devenu, selon l’expression trop juste d’un contemporain, « le bras de la politique dont Fouché était l’âme », il regarda la demande si légitime de l’Empereur comme un moyen de temporisation ; il soupçonnait des calculs politiques, des espérances persistantes, des intrigues secrètes. Son irritation éclata dans une apostrophe colère. Sans laisser au président le temps de formuler une réponse qui d’ailleurs eût été négative, il dit impétueusement à Flahaut : « Général, retournez auprès de l’Empereur, et dites-lui qu’il parte ; que sa présence nous gêne ; qu’elle est un obstacle à toute espèce d’arrangement ; que le salut du pays exige son départ. Qu’il parte sur le champ ! Sans quoi, nous serons obligés de le faire arrêter. je l’arrêterai moi-même. » Flahaut regarda fixement Davout, et, leurs regards de feu croisés comme des épées, il répondit d’une voix vibrante : « Monsieur le maréchal, il n’y a que celui qui donne un pareil message qui soit capable de le porter. Quant à moi, je ne m’en charge pas. Et si, pour vous désobéir, il faut donner ma démission, je vous donne la mienne. »
Le soir, Flahaut rendit simplement compte à l’Empereur du mauvais résultat de sa mission. Il s’était promis, « pour ne pas ajouter à ses douleurs, » de ne rien dire de l’altercation avec Davout. Mais Napoléon, avec sa perspicacité ordinaire, s’aperçut qu’il lui cachait quelque chose. Il le questionna, dit qu’il lui importait de tout savoir. Flahaut, alors, se décida à lui rapporter les paroles du ministre de la Guerre. – « Eh bien ! dit l’Empereur, qu’il y vienne ! »
L’Empereur, cependant, croyait au succès de cette dernière démarche. En attendant que revînt Flahaut, il avait fait quelques préparatifs de départ…
… Le matin, l’Empereur donna ses ordres pour son départ, mais sans fixer l’heure, et il envoya l’officier d’ordonnance Résigny faire une reconnaissance vers la Seine. Celui-ci, à son retour, sur les neuf heures, trouva l’Empereur en conférence avec Joseph, Bassano et Lavallette, arrivés tous trois de Paris. Le général Flahaut assistait aussi à l’entretien. L’Empereur avait commencé par annoncer son départ…
(Henri Houssaye)
Juillet 1908
Talleyrand émigré en Angleterre (1792-1794)
… Le 6 août, il dînait en petit comité chez le ministre américain Gouverneur Morris avec le ménage Flahaut, et son ancien collègue à la Constituante Beaumez…
… Si, d’ailleurs, on rencontre beaucoup de textes contemporains où Talleyrand propose ses bons offices, on n’en trouve pas un seul où il apparaisse à l’oeuvre, – à moins qu’on n’ajoute foi à sa fameuse correspondance avec Mme de Flahaut et le ministre des Affaires étrangères publiée en 1793 ; mais qui l’oserait ? …
… Si Talleyrand s’éloigne de Londres avec Mmes de la Châtre et de Flahaut, peut-être simplement pour respirer la paix, ne serait-ce pas qu’il conspire ? …
… Du côté des femmes, Mme de la Châtre, Mme de Flahaut, qui met la dernière main à son Adèle de Sénange ; Mme de Genlis, qui, pour distraire ses deux élèves, Paméla et Mlle d’Orléans, – la future Madame Adélaïde, – donne des soirées intimes…
… Narbonne et Mme de Flahaut, restés à Londres, ne lui suffisaient pas. Il suppliait son amie de lui envoyer de longues lettres, à chaque courrier…
… Ce serait aussi à la fin de l’année 1793, – à l’époque du procès de Lebrun-Tondu qui monta sur l’échafaud le 27 décembre, – qu’auraient été imprimées à Paris de prétendues lettres adressées par Talleyrand à cet ancien ministre et à Mme de Flahaut. (Il m’a été impossible de trouver, dans aucune bibliothèque, un seul exemplaire de cette correspondance. Je n’en parle que d’après les larges citations qu’en ont faites Villemarest, Bastide, etc…)
… Devant ce coup inattendu (expulsion du territoire), Talleyrand fit preuve d’un ressort merveilleux. Ses amis étaient atterrés. Narbonne adressait à Mrs Phillips une lettre qui n’est qu’une lamentation ; Beaumetz, dans un mouvement fraternel, s’offrait à l’accompagner jusqu’au bout du monde ; Mme de Flahaut pleurait…
Talleyrand émigré en Amérique (1794-1796)
… Tous le reçurent avec joie (à Hambourg), tous lui firent fête, – tous, sauf Mme de Flahaut, en train de nouer avec le ministre de Portugal, M. de Souza, une intrigue sentimentale qui se terminera par un mariage, et qui, toute craintive en face du passé qui se dressait devant elle, envoya un émissaire à bord même du brick danois pour insinuer au revenant de ne pas descendre à terre et de retourner dare dare en Amérique. Talleyrand écouta poliment la communication, mais il n’en tint aucun compte. Il passa un mois à Hambourg…
(Bernard de Lacombe)
Novembre 1909
La police politique sous la Restauration
« M. le comte de Turenne, ex-maître de la garde-robe de Napoléon ; il est trop causeur pour qu’on lui ait rien confié d’important ; il n’agira pas à découvert, de peur de compromettre sa fortune. Il a beaucoup d’argent et est presque aussi répandu que M. de Flahaut. »
« M. Février, agent secret de sa faction. Il arrive de Paris avec un passeport en règle ; il a été dépisté à cause de ses relations les plus intimes avec M. de Flahaut. »
« M. de Flahaut est au premier degré des fashionables ; c’est lui qui tient le haut bout et qui dirige les autres. L’Allien bill ne l’atteindrait pas sans inconvénient, ses protections sont trop puissantes ; il continue à déchirer le gouvernement et la famille royale en attendant mieux. »
De la teneur de ces notes, il est aisé de conclure qu’elles ne dénonçaient à la police que des choses qu’elle savait déjà. Leur auteur ne voyait rien qu’en surface. De la vie des personnages dont il dénonçait les allées et venues, il n’avait pu observer que les apparences et le dehors, ce qui l’exposait à se tromper. Et il s’était trompé, en effet : le général de Flahaut, par exemple, n’était pas le bruyant adversaire qu’il montrait, « déchirant le gouvernement et la famille royale ». A cette époque, ce jeune et brillant soldat songeait à donner sa démission, à se fixer en Angleterre et à s’y marier. Il courtisait déjà la noble et riche héritière qu’il épousa l’année suivante. Dans ses lettres à sa mère, Mme de Souza, il se plaignait de la malveillance du marquis d’Osmond, l’ambassadeur de France, qu’il accusait de vouloir empêcher son mariage, et de le calomnier auprès du duc de Richelieu. Celui-ci d’ailleurs était fixé à cet égard, la correspondance de Flahaut ayant été ouverte à la poste, et n’ignorait pas que l’ambition du général, résolu à quitter l’armée, se bornait à être autorisé, une fois marié, à aller en France pour présenter sa femme à ses parents. Il y a donc lieu de penser que le rédacteur des notes qu’on vient de lire était un agent de bas étage et qu’on n’accordait qu’une confiance restreinte à ses rapports. Il semble, en revanche, qu’il en ait été tout autrement de celui ou de ceux qu’on avait chargés de surveiller le Duc d’Orléans.
Mai 1915
La Reine Hortense et le Prince Louis
En Angleterre (Juin-juillet 1831)
Mercredi 15 juin
Une chose qui me déconcerte, c’est que M. de Flahaut, écrivant à la Reine au sujet des banquiers Devaux et craignant qu’elle ne fût dans la gêne, vient de lui envoyer une lettre de crédit. J’ai tout de suite été chercher cet argent à la Cité et trouvé la Reine, au retour, tout heureuse de la visite que le prince Léopold de Saxe-Cobourg venait de lui faire.
Le prince paraît considérer comme définitif le vote du 4 juin dernier, qui l’appelle à diriger la nouvelle monarchie belge. Il a dit en partant à la Reine, qui parlait de passer par Bruxelles pour revenir à Arenenberg : « J’espère que vous ne me prendrez pas mon royaume au passage. »
Cette question posée montre avec quelle facilité les bruits de Paris se répandent à Londres, avec quelle persistance ils y circulent. Le Temps a le premier prétendu que la reine était venue ici intriguer pour les affaires de Bruxelles : on se souvient qu’elle a été reine de Hollande, et l’on passe de la Hollande à la Belgique par enchaînement d’idées.
Le Courrier de Paris veut qu’elle se prépare à franchir le détroit et que le roi Joseph soit parfaitement attendu à Londres. La Gazette de France et le Globe annoncent qu’elle est à Paris depuis quatre jours et s’y tient cachée dans l’attente des événements. Une lettre de Mme de Flahaut à lady Grey confirmait l’autre jour que la même imposture circulait dans le faubourg Saint-Germain. On aurait pu y voir une machination de la Duchesse de Berry, si cette princesse n’était pas si sotte, car elle s’est montrée curieuse à l’excès des actes de la Reine, au point même de venir de Bath à Londres pour en raisonner avec ses agents…
Londres, 17 juin 1831
…Je lis dans le journal du 18 juin l’article suivant :
« Mme la duchesse de Saint-Leu habite Londres depuis plusieurs semaines. On prétend que la reine de Hollande y guette l’occasion d’offrir son fils aux Belges, au cas qu’ils se trouvent embarrassés pour choisir un souverain. »
Mercredi 22 juin
Au sujet de Labédoyère : Réfugié à l’armée de la Loire, il aurait dû de là gagner l’étranger, et son cousin M. de Flahaut lui en offrait les moyens; il commit au contraire l’imprudence de revenir à Paris où une dénonciation de son valet de chambre le livre à la police.
Mars 1924
Lettres de Napoléon III et du Prince Napoléon
Compiègne, le 16 décembre
Mon cher Napoléon,
Tu sais que j’ai dissous la commission chargée de la publication de la Correspondance de l’Empereur. Il s’agit maintenant de la reconstituer. Je compte te nommer président, en t’adjoignant quatre personnes : Ce seraient : le maréchal Vaillant, M. de Flahaut, M. de Laborde et le général Frossard, sans compter les secrétaires.
Je t’envoie les observations du général de Flahaut et du maréchal Vaillant sur la note que tu m’as remise. Je n’adopte pas toutes leurs idées, mais cependant je suis bien décidé à continuer la publication dans le même ordre chronologique.
Je retourne samedi à Paris. Nous causerons ensemble de cette nouvelle organisation. Reçois l’assurance de ma sincère amitié.
Napoléon
Janvier 1930
L’agonie de Fontainebleau
Des ordres furent donnés à la Garde et à tous les corps pour presser leur mouvement et l’Empereur prit le galop ; les escortes suivirent tant qu’elles purent. Quand son cheval fut harassé, l’Empereur monta dans un cabriolet de la poste avec le prince de Neuchâtel ; les généraux Bertrand et Flahaut montèrent dans un autre avec moi (Caulaincourt).
Février 1954
Le général de Flahaut ambassadeur à Vienne
(Françoise de Bernardy)
Novembre 1966
Un amour secret de la comtesse de Flahaut
(Castel de Cagarriga)
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