Charles de Flahaut | Documents diplomatiques – Affaires étrangères

Documents diplomatiques – Affaires étrangères

1861

Le Ministre des Affaires étrangères
à M. le Comte de Flahault, ambassadeur de France à Londres
Pais, le 29 août 1861
Monsieur le Comte,

Monsieur, le Comte, M l’ambassadeur d’Angleterre est venu avant-hier me donner lecture de la dépêche dans laquelle lord Russell expose son opinion relative à la marche à suivre pour régler la question des principautés du Danube. Comme il l’avait dit à M. de Châteaurenard, le principal secrétaire d’Etat de S.M. Britannique est d’avis que les Cabinets fassent connaître à la Porte leur adhésion à l’union législative et administrative des principautés pendant la vie du prince Couza, et que les Représentants des Puissances à Constantiniple soient autorisés à s’entendre dans les réunions avec les ministres du Sultan pour la révision de la loi électorale. J’ai fait observer à Lord Cowley que j’étais d’autant plus disposé à me rallier complètement aux idées émises par lord Russell qu’elles sont entièrement conformes à celles que je n’ai cessé d’exprimer depuis le 13 mai, époque à laquelle j’ai apprécié pour la première fois avec vous la communication de la Porte. Je me suis donc félicité de cet accord ; mais, afin de bien préciser les points de détail à résoudre, j’ai eu avec l’ambassadeur d’Angleterre une longue conversation, et il s’est chargé de demander au comte Russel si le programme suivant, que nous avons rédigé ensemble, répondait bien à la pensée du Gouvernement anglais.
 » 1° Les Cabinets adhéreront aux propositions émanées de la Porte au mois de mai, c’est-à-dire à l’union administrative et législative des principautés, limitée à la vie du prince Couza.
2° Cette adhésion sera donnée au moyen de notes que les Représentants des Puissances en Turquie adresseront au ministre des Affaires étrangères du Sultan
3° La Porte remettra aux représentants, qui l’examineront avec elle, un projet de firman destiné à faire connaître officiellement aux Principautés les modifications dont il s’agit. »
Ces divers point convenus, nous sommes passés à la loi électorale. J’ai dit à lord Cowley que je partageais pleinement la manière de voir de lord Russell, quant au caractère conservateur des modifications qu’il peut y avoir lieu d’apporter à cette loi, et que les instructions dont notre chargé d’affaires à Constantinople est, dès à présent muni sont, à cet égard, conçues dans des termes qui ne laissent rien à désirer. En recherchant de quelle façon les représentants des puissances et les ministres ottomans auraient à procéder pour établir leur entente et en formuler le résultat, nous nous sommes reportés, lord Cowley et moi, au protocole du 10 juillet 1858.
« La conférence, y est-il dit, ne s’étant pas trouvée en possession de données statistiques suffisantes pour arrête, en toute connaissance de cause, les bases de la loi électorale, exprime le voeu que cette loi puisse être révisée pendant la seconde législature, si l’expérience en démontrait la nécessité. Le résultat de cette révision serait sanctionné et promulgué par la cour suzeraine, après entente avec les cours garantes. »


Le Ministre des Affaires étrangères
à M. le Comte de Flahault
à Londres
Paris, le 4 décembre 1861

L’incident que fait naître le procédé du commandant du bâtiment des Etats-Unis le San-Jacinto, à l’égard du paquebot anglais le Trent, ne pouvait nous trouver indifférents : nous avons vu avec regret les embarras qu’il suscite au Gouvernement de Sa Majesté Britannique et les complications qu’il ajoute à celles qui résultent déjà du conflit américain. Nous ne pouvions d’ailleurs, concevoir aucun doute ni éprouver aucune hésitation dans nos appréciations sur la question de droit. Pour l’envisager comme le cabinet de Londres, nous n’avions qu’à nous inspirer de nos propres traditions. Guidés, en outre, par le désir de contribuer, autant qu’il dépend de nous, à faciliter l’aplanissement de cette difficulté, nous avons jugé utile de faire connaître, sans retard, au cabinet de Washington le jugement que nous portons sur la conduite du commandant du San-Jacinto, et de présenter au Secrétaire d’Etat de l’Union les considérations qui nous paraissent justifier les légitimes susceptibilités du cabinet anglais. J’adresse, à cet effet, à M. Mercier, la dépêche dont vous trouverez la copie ci-jointe, et je vous autorise à en donner lecture à Lord Russell.
Signé THOUVENEL


Le Comte de Flahault
à M. le Ministre des Affaires Etrangères
Londres, le 6 décembre 1861

Monsieur le Ministre, j’ai reçu la dépêche que Votre Excellence m’a fait l’honneur de m’adresser sous le n° 156 de la direction politique, relative à l’affaire du Trent, et la dépêche au Ministre de l’Empereur à Washington qu’elle renfermait. Lord Russell, que j’ai vu aujourd’hui pour lui en donner lecture, a été vivement frappé de l’argumentation de Votre Excellence ; il pense qu’on ne saurait défendre les droits des neutres d’une façon plus habile et plus précise. Le premier secrétaire d’Etat de Sa Majesté britannique m’a particulièrement chargé de vous dire combien il était sensible, ainsi que tout le Gouvernement de la Reine, à la démarche que Votre Excellence a bien voulu faire et à l’appui qui leur a été donné en cette circonstance par le Gouvernement de l’Empereur.
Signé FLAHAULT


Le Comte de Flahault
au Ministre des Affaires Etrangères.
Londres, le 11 janvier 1862

Monsieur le Ministre, la nouvelle de la restitution de MM. Slidell et Mason, arrivée avant-hier, a été, comme vous le savez, accueillie en Angleterre avec une satisfaction d’autant plus vive que la veille encore la rupture des relations avec l’Amérique du Nord, dont la guerre eût été la conséquence inévitable, y paraissait la solution la plus probable. Au milieu de l’expression de ce sentiment, ni le Gouvernement ni la nation britanniques ne méconnaissent l’influence favorable au maintien de la paix qu’ont exercée sur le Cabinet fédéral l’attitude du Gouvernement de l’Empereur et celle de son représentant à Washington. Le Times d’hier se faisait l’écho de l’opinion publique, à cet égard, dans un article des plus remarquables. Les principaux membres du Cabinet, Lord Russell et Lord Palmerston entre autres, se sont empressés de reconnaître que l’opinion si nettement exprimée dans la dépêche de Votre Excellence à M. Mercier, en date du 3 décembre dernier, a puissamment contribué à amener le Gouvernement de l’Union à rendre les prisonniers saisis à bord du Trent, et Lord Lyons n’a pas manqué de rendre pleine justice dans ses rapports tant officiels que particuliers à la loyauté et à l’efficacité des bons offices de son collègue en France. Je suis même chargé aujourd’hui par le principal secrétaire d’Etat de Sa Majesté Britannique, que je viens de voir, de transmettre à Votre Excellence l’espression de ces sentiments au nom du Gouvernement de la Reine.
Signé FLAHAULT


Le Ministre des Affaires Etrangères
à M. le Comte de Flahault
Paris, le 9 septembre 1861

Monsieur le comte, les représentants de la France et de la Grande-Bretagne au Mexique viennent de se trouver dans l’obligation d’y interrompre leurs relations diplomatiques. Le Gouvernement de l’Empereur et celui de Sa Majesté Britannique ont pleinement approuvé la conduite de leurs agents en présence de la résolution officielle du Gouvernement mexicain de manquer à tous ses engagements envers les réclamants français et anglais, afin de s’attribuer ce qui leur revenait pour augmenter ses ressources. J’ai l’honneur de vous envoyer, ci-joint, copie des instructions que j’ai adressées, en conséquence, à M. Dubois de Saligny, et dont vous pourrez donner communication à lord Russell : elles indiquent au Ministre de l’Empereur les conditions auxquelles il devra subordonner la reprise de ses rapports avec le Gouvernement mexicain, et lui enjoignent, si ces conditions ne sont point acceptées, de quitter sans délai Mexico avec tout le personnel de la légation de Sa Majesté.
Signé THOUVENEL


Décret Impérial
Portant promulgation de la Convention conclue le 31 octobre 1861 entre la France, l’Espagne et la Grande-Bretagne relativement à l’expédition au Mecique.
… (Pour la France) Sa Majesté l’Empereur des Français, S. Exc. le comte de Flahault de la Billarderie, sénateur, général de division, grand’croix de l’ordre impérial de la Légion d’honneur, son ambassadeur extraordinaire auprès de Sa Majesté la Reine de la Grande-Bretagne et d’Irlande…


1862

Le Ministre des Affaires Etrangères
au Comte de Flahault, ambassadeur de France à Londres.
Paris, 11 octobre 1861
Monsieur le Comte, M. l’ambassadeur d’Angleterre est venu m’entretenir des affaires du Mexique et des moyens de combiner l’action de nos deux Gouvernements pour atteindre le but commun que nous nous proposons. Le Gouvernement de la Reine, m’a dit lord Cowley, est prêt à signer avec la France et avec l’Espagne une convention à l’effet d’obtenir la réparations des torts commis envers les sujets des trois pays et d’assurer l’exécution des engagements contractés par le Mexique vis-à-vis des Gouvernements respectifs, pourvu qu’il soit déclaré dans cette convention que les forces des trois puissances ne seront employées à aucun objet ultérieur quelconque, et surtout qu’elles n’interviendront pas dans le gouvernement intérieur du Mexique. Le cabinet de Londres propose d’inviter les Etats-Unis à adhérer à cette convention, sans toutefois attendre une réponse pour commencer les opérations actives.
J’ai répondu à M. l’ambassadeur d’Angleterre que j’étais complètement d’accord avec son Gouvernement sur un point ; que je reconnaissais, comme lord Russell, que le légitimité de notre action coercitive à l’égard du Mexique ne résultait évidemment que de nos griefs contre le Gouvernement de ce pays, et que ces griefs, ainsi que les moyens de les redresser et d’en prévenir le retour, pouvaient seuls, en effet, faire l’objet d’une convention ostensible. J’admettais également, sans aucune difficulté, que les Parties contractantes pourraient s’engager à ne retirer de leur démonstration aucun avantage politique ou commercial à l’exclusion les unes des autres et même de toute autre Puissance, mais qu’il me semblait inutile d’aller au delà et de s’interdire à l’avance l’exercice éventuel d’une participation légitime dans des événements dont nos opérations pourraient être l’origine. Pas plus que le Gouvernement de la Reine, celui de l’Empereur ne veut assumer la responsabilité d’une intervention directe dans les affaires intérieures du Mexique, mais il pense qu’il est de la prudence des deux cabinets de ne pas décourager les efforts qui pourraient être tentés par le pays lui-même pour sortir de l’état d’anarchie où il est plongé, en lui faisant connaître qu’il n’a à attendre en aucune circonstance aucun appui et aucun concours. L’intérêt commun de la France et de l’Angleterre est évidemment de voir s’établir au Mexique un état de choses qui assure la sécurité des intérêts déjà existants et qui favorise le développement de nos échanges avec l’un des pays du monde les plus richement doués. Les événements dont les Etats-Unis sont en ce moment le théâtre donnent à ces considérations une importance nouvelle et plus urgente. Il est permis de supposer, en effet, que, si l’issue de la crise américaine consacrait la séparation définitive du Nord et du Sud, les deux nouvelles Confédérations chercheraient l’une et l’autre des compensations que le territoire du Mexique, livré à une dissolution sociale, offrirait à leurs compétitions. Un semblable événement ne saurait être indifférent à l’Angleterre, et le principal obstacle qui pourrait, selon nous, en prévenir l’accomplissement serait la constitution au Mexique d’un gouvernement réparateur assez fort pour arrêter sa dissolution intérieure. Que les éléments d’un semblable gouvernement existent au Mexique, c’est ce que nous ne saurions certainement assurer. Mais l’intérêt qui s’attache pour nous à la régénération de ce pays, ne permet, ce nous semble, de négliger aucun des symptômes qui pourraient faire espérer le succès d’une pareille tentative. A l’égard de la forme de ce gouvernement, pourvu qu’il donnât au pays et à nous-mêmes des garanties suffisantes, nous n’avions et je ne supposais à l’Angleterre, aucune préférence ni aucun parti pris. Mais si les Mexicains eux-mêmes, las de leurs épreuves, décidés à réagir contre un passé désastreux, puisaient dans le sentiment des dangers qui les menacent une vitalité nouvelle ; si, revenant par exemple aux instincts de leur race, ils trouvaient bon de chercher dans un établissement monarchique le repos et la prospérité qu’ils n’ont pas rencontrés dans les institutions républicaines, je ne pensais pas que nous dussions nous interdire absolument de les aider, s’il y avait lieu, dans l’oeuvre de leur régénération tout en reconnaissant que nous devions les laisser entièrement libres de choisir la voie qui leur paraîtrait la meilleure pour les y conduire.
Poursuivant le développement de ces idées dans la forme d’une conversation intime et confiante, j’ai ajouté que, dans le cas où la prévision que j’indiquais viendrait à se réaliser, le Gouvernement de l’Empereur, dégagé de toute préoccupation intéressée, écartait d’avance toute candidature d’un prince quelconque de la Famille Impériale, et que, désireux de ménager toutes les susceptibilités, il verrait avec plaisir le choix des Mexicains et l’assentiment des Puissances se porter sur un prince de la maison d’Autriche.
Pour revenir au point de départ de cet entretien, et pour le résumer, j’ai dit enfin que la convention projetée devait, selon moi, indiquer le but de l’entente des parties contractantes et les moyens combinés pour l’atteindre, dire, en un mot, tout ce que nous ferions ; mais qu’il me paraissait conforme à la fois à la prudence et à l’usage de s’abstenir de dire ce que nous ne ferions pas dans l’hypothèse d’événements incertains et auxquels il serait temps d’aviser quand ils se produiraient.
Telle est, Monsieur le Comte, la substance de la conversation que j’ai eue avec M. l’ambassadeur d’Angleterre, et dont il rendra compte à son Gouvernement. Je me plais à espérer que le cabinet de Londres voudra bien examiner avec attention des considérations qui m’ont été inspirées par la communauté de nos intérêts au Mexique, et que la franchise de nos relations me faisait un devoir de lui faire connaître.
Signé Thouvenel


Le Ministre des Affaires étrangères
à M. Barrot, ambassadeur de France à Madrid.
Paris, le 15 octobre 1861

Monsieur, depuis la dernière expédition que je vous ai adressée, j’ai eu avec M. l’ambassadeur de Sa Majesté Britannique sur les affaires du Mexique un entretien que vous trouverez résumé dans la dépêche ci-jointe adressée au comte de Flahault…
… Vous trouverez dans ma dépêche à M. de Flahault les observations que j’ai cru devoir présenter à lord Cowley sur ce point…
… j’ai été amené à parler à lord Cowley de l’éventualité du rétablissement de la forme monarchique au Mexique, ainsi que vous le verrez également dans ma dépêche à M. de Flahault…
Signé Thouvenel


L’Ambassadeur de France à Londres (Flahault)
au ministre des Affaires étrangères.
Londres le 11 mars 1862

Monsieur le Ministre, j’ai vu hier le Principal Secrétaire d’Etat et mon entretien avec lui a été presque exclusivement consacré à la situation qu’a créée le grave dissentiment survenu entre les commissaires des Puissances alliées au Mexique. Il importe trop au succès de notre expédition que l’entente se rétablisse au plus tôt, pour que je ne me sois pas tout d’abord efforcé de vider la question du différend entre M. Dubois de Saligny et Sir Ch. Wyke à propos de l’ultimatum rédigé par le premier. J’ai donc fait connaître immédiatement au Principal Secrétaire d’Etat l’approbation que le Gouvernement de l’Empereur donnait à la conduite de son commissaire. M’inspirant de la dépêche de Votre Excellence du 7 mars, dont j’ai cru pouvoir lire plusieurs passages, j’ai amené lord Russell à reconnaître que le commissaire de Sa Majesté Britannique avait méconnu l’esprit de la convention signée à Londres, lorsqu’il avait refusé son assentiment au projet d’ultimatum de la France. Comme nous, lord Russell n’admet point, en effet, que les demandes formulées par un des représentants des Puissances alliées doivent avoir au préalable l’assentiment des deux autres ; il pense toutefois qu’en vertu de la solidarité qui lie leurs Gouvernements dans une action commune, et de la garantie réciproque qu’ils se prêtent, chacun des commissaires a le droit de faire des observations et de dire son opinion sur l’ultimatum de ses collègues. Le Principal Secrétaire d’Etat s’associe, pour sa part, à celle qu’a exprimée sir Ch. Wyke à propos des clauses de l’ultimatum présenté par M. Dubois de Saligny. Notre demande de douze millions de piastres lui semble exagérée : la clause qui exige l’exécution du contrat fait avec la maison Jecker lui paraît motiver aussi les plus sérieuses objections ; il m’a dit qu’à ses yeux ce n’était pas un de ces engagements qui méritaient une protection telle qu’il fallût en poser l’exécution comme une des conditions d’un ultimatum.
Je ne connaissais point suffisamment le contrat dont il s’agit, Monsieur le Ministre, pour pouvoir entrer, sur ce point, dans une discussion approfondie ; je me suis borné à répondre que Votre Excellence avait laissé M. Dubois de Saligny libre de modifier ses exigences et que ce dernier aurait consenti à laisser l’affaire Jecker parmi les questions réservées, si sir CH. Wyke avait voulu donner son assentiment aux autres conditions contenues dans l’ultimatum français et notamment à la première. Quant à l’exagération prétendue de la somme dont nous avions fixé le chiffre, j’ai maintenu le droit qu’avait eu le plénipotentiaire français de comprendre toute sa demande, non-seulement les créances qui avaient fait précédemment l’objet de conventions avec le Gouvernement mexicain ; mais encore celles qui n’avaient pas été reconnues par ce dernier et qui n’étaient pas liquidées, et, à ce propos, j’ai laissé entendre que si on continuait à prétendre que nous devions renfermer les réclamations que nous nous croyons en droit d’exiger du Mexique dans la mesure de celles dont les représentants de la Grande-Bretagne et de l’Espagne étaient décidés à se contenter, ce serait peut-être nous conduire à examiner si nos intérêts n’auraient pas trop à souffrir de concessions faites au maintien d’une action commune, et s’il ne serait pas préférable pour nous de poursuivre séparément les satisfactions qui nous sont dues. J’ai ajouté qu’il paraissait essentiel avant tout au Gouvernement de l’Empereur que le Gouvernement mexicain ne pût pas se trouver plus tard en position de discuter les obligations qui lui auraient été imposées, et que c’était surtout dans ce but qu’il jugeait nécessaire de formuler ses exigences en fixant dès aujourd’hui le chiffre des indemnités mises à la charge du Mexique. « Ce chiffre peut être maintenu ou modifié par notre commissaire, ai-je dit ; mais une fois accepté par le Gouvernement mexicain, nous ne nous refuserons pas à ce qu’une commission spéciale détermine plus tard exactement ce que doit être, en définitive, le montant de notre indemnité, pour satisfaire strictement à nos réclamations. » Et j’ai alors indiqué quelles facilités de temps nous étions disposés à accorder au Gouvernement mexicain pour s’acquitter. Lord Russell a accepté cette idée d’une commission et m’a annoncé qu’il allait inviter sir Charles Wyke à se désister de son opposition.
Signé Flahault


Le Ministre des Affaires étrangères (Thouvenel)
à l’ambassadeur de France à Londres (Flahault)
Paris le 12 mars 1862

Monsieur le Comte, je reçois la dépêche que vous m’aviez fait l’honneur de m’écrire le 11 mars. je me félicite de voir que le cabinet de Londres n’admet pas plus que nous le point de départ de l’opposition que sir CH. Wyke avait manifestée contre l’ultimatum préparé par M. Dubois de Saligny, et d’apprendre que lord Russell va inviter M. le ministre d’Angleterre à se désister de cette opposition. L’opinion exprimée par le Principal Secrétaire d’Etat au sujet de nos réclamations m’engage toutefois à vous envoyer, pour que vous puissiez la mettre sous ses yeux, une appréciation de leur chiffre dont on ne saurait suspecter la partialité. Cette appréciation se trouve dans l’article ci-joint, tiré d’un journal de Mexico, le Mexican extraordinary, qui est l’organe accrédité des intérêts anglais dans ce pays. cette feuille, qui est loin d’avoir jamais témoigné des sympathies bien vives pour nos intérêts, n’hésite pas, dans un examen approfondi de la dette étrangère, à porter à 15 millions de piastres le montant de nos justes réclamations. Ainsi que je le supposais déjà d’ailleurs, celui des réclamations anglaises est plus élevé encore, puisque l’article ci-annexé, en admettant une réduction de 20 %, fixe alors le nôtre à 12 millions de piastres. Nous ne nous proposons en aucune façon d’examiner quelles sont l’origine et la légitimité de ces créances ; mais nous devons penser que lord Russell n’était pas lui-même parfaitement édifié jusqu’ici sur le chiffre que l’on demandait à faire figurer pour le compte des intérêts anglais à côté du nôtre.
Signe Thouvenel


Le Ministre des Affaires étrangères au Ministre de France au Mexique
Paris, le 14 mars 1862

… Les explications dans lesquelles je suis entré à cet égard avec lord Cowley, et que j’ai invité M. le comte de Flahault à répéter à lord Russell, ont été conformes à tout ce que je vous disais dans ma dernière dépêche …
… Ainsi que vous le verrez par une dépêche de M. le comte de Flahault, lord Russell a tout à fait admis avec nous que les demandes formulées par un des représentants des Puissances alliées n’étaient point astreintes à l’obligation d’être, au préalable, approuvées par les deux autres…
… Je ne vois, en effet, nulle raison, comme j’ai autorisé M. le comte de Flahault à le dire, que nous hésitions plus tard à libérer le Gouvernement mexicain de la portion du chiffre de l’indemnité primitivement fixée qui dépasserait ce que nous serions légitimement fondés à demander, examen fait de tous nos préjudices…
Signé Thouvenel


L’Ambassadeur de France à Londres
au Ministre des Affaires étrangères
Londres le 28 mars 1862

Monsieur le Ministre, j’ai communiqué hier au Principal Secrétaire d’Etat de la Reine le contenu de la dépêche que Votre Excellence m’a fait l’honneur de m’adresser en m’envoyant le rapport de M. l’amiral Jurien de la Gravière.
Je suis heureux de pouvoir dire à Votre Excellence que lord Russell partage l’avis qu’elle exprimait sur la matière dont les affaires ont été conduites ; car une différence d’opinion entre les Gouvernements sur la marche suivie par leurs commissaires ne pourrait qu’aggraver considérablement les inconvénients de la situation. Lord Russell n’hésite pas à blâmer le langage qui a été tenu au Gouvernement mexicain comme en complète opposition avec les faits qui ont rendu la convention de Londres nécessaire ; il pense que les commissaires auraient dû, après avoir pris possession des ports, se borner à faire connaître au Gouvernement mexicain les griefs de leurs Cours et en demander le redressement, en fixant un délai, au terme duquel on aurait recours à l’emploi de mesures coercitives, si les satisfactions formulées n’étaient pas obtenues.
Le Principal Secrétaire d’Etat de la Reine n’approuve pas plus que nous la clause qui permet au pavillon mexicain de flotter à côté de ceux des trois Puissances, et l’engagement pris par les commissaires d’évacuer les points occupés par nos forces, si les négociations venaient à échouer. En résumé, Monsieur le Ministre, lord Russell partage, en tout point, la manière dont Votre Excellence apprécie la conduite adoptée par nos commissaires et la situation qu’elle a créée.
Signé Flahault


Le Ministre des Affaires étrangères
au Ministre de France au Mexique
Paris, le 12 avril 1862

… Le langage tenu à M. le comte de Flahault par lord Russell m’autorisait à vous dire précédemment, comme je l’ai fait, que le Gouvernement anglais partageait à ce moment notre opinion sur la marche suivie dans les dernières négociations avec le Gouvernement mexicain…
Signé Thouvenel


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