" L'Empereur s'était placé pendant la bataille sur un mamelon au centre de la position, d'où son regard embrassait l'ensemble des opérations et d'où il aperçut le mouvement de la cavalerie qu'avait ordonné le maréchal Ney, qui lui parut, en effet, prématuré et intempestif. Aussi, s'écria-t-il : "Voilà Ney qui, d'une affaire sûre, fait une affaire incertaine, mais maintenant, puisque le mouvement est commencé, il n'y a plus autre chose à faire qu'à l'appuyer." Et il m'ordonna de porter l'ordre à toute la cavalerie de soutenir et de suivre celle qui avait déjà passé le ravin qui la séparait de la position occupée par l'ennemi. Ce qui fut fait. Malheureusement, le moment n'était pas arrivé pour qu'un tel mouvement pût réussir, et l'Empereur l'avait bien senti : mais on ne pouvait pas s'arrêter et rappeler les corps engagés, et il y a à la guerre des fautes qu'il n'y a moyen de réparer qu'en y persévérant…
Après avoir assisté à l'attaque de la cavalerie et à celle de la Garde, et lorsque le mouvement de retraite se fut prononcé, je suis revenu chercher l'Empereur.
Il était nuit ; je l'ai retrouvé dans un carré et je ne l'ai plus quitté. Après y être resté quelque temps, et la bataille étant perdue sans ressource, il en est sorti pour se porter sur la route de Charleroi
Nous avons suivi cette direction, non pas au galop, comme on a l'infamie de le dire dans ces Mémoires (Ceux de Marmont. Flahaut dira avec mépris que tous les efforts de Marmont auraient dû tendre à se faire oublier ou au moins pardonner alors qu'il attaque son bienfaiteur et "après l'avoir trahi vivant, le calomnie après sa mort."), mais au pas, et aucune poursuite de l'ennemi n'a pu inspirer à l'Empereur les craintes que le maréchal, dans sa haine, voudrait lui attribuer. Loin d'avoir l'esprit troublé d'aucune crainte personnelle, et bien que la situation ne fût pas de nature à lui inspirer une grande quiétude, il était tellement accablé par la fatigue et le travail des jours précédents qu'il ne pût s'empêcher plusieurs fois de céder au sommeil qui s'emparait de lui, et il serait tombé de cheval si je ne l'avais soutenu (Jusqu'à sa mort, Flahaut reviendra sur Waterloo comme s'il ne pouvait admettre l'inexplicable défaite. Il eut un jour une image saisissante ; toute la nuit, dit-il, il avait chevauché, "genou à genou avec l'Empereur.")
* Flahaut (Françoise de Bernardy / Perrin / p.150-151)
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18 juin 1815 | Charles de Flahaut (Rapport de Waterloo) | Waterloo
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