La naissance du duc de Morny
La naissance secrète du duc de Morny, relatée par vingt-six écrivains… | ||
document Tallandier JL Charmet
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La reine Hortense et Charles de Flahaut avaient sans doute de bonnes raisons…
Et que penser de la déclaration de naissance d’Auguste de Morny ? et du Testament de Jean de Morny, retrouvé dans les « papiers Flahaut » à Bowood ? A vous de juger… .
Le duc de Morny (1811 -1865)
Collection Viollet |
1) André Castelot (Napoléon III / Perrin)
» Hortense se met en route le 31 août 1811, retrouve Flahaut à Prégny-la-Tour, près de Genève. Puis, le 14 septembre, tous deux s’acheminent vers l’Italie. Le cardinal Fesch avait raison : la reine, une fois de plus, « s’embrouilla » dans ses calculs et c’est en chemin, à Saint-Maurice-en-Valais, vers le 15 septembre, qu’elle donne le jour à un garçon qui deviendra le duc de Morny. »
2) Henri Bordeaux ( Le coeur de la reine Hortense / Plon)
» L’année suivante Flahaut est à Schoenbrunn et il est jalousement surveillé de loin par la Reine. Puis c’est la naissance mystérieuse du futur duc de Morny (octobre 1811), fruit de ces amours orageuses. Rien n’est épargné à Hortense : elle a dû cacher sa grossesse et son accouchement, et son amant éloigné est peut-être infidèle. Infidèle ? dans tous les cas, il a tout arrangé avec sa mère pour le salut de la Reine. L’enfant a été recueilli par la comtesse de Souza qui l’élèvera clandestinement dans son hôtel de la rue Saint-Florentin. Personne ne s’est douté de l’irrégulière naissance. »
3) Duc de Castries (La reine Hortense / Tallandier)
Le 4 juillet 1811, Hortense prenait la route d’Aix-les-Bains ; c’était la dernière heure où elle pouvait dissimuler encore son état. Eugène quitté Paris quelques jours après sa sœur et faisant un détour avec prudence, il s’arrêta quarante-huit heures à Aix-les-Bains pour mettre au point avec Hortense sa venue en Italie.
Toutes les précautions semblent prises pour cacher la naissance de l’enfant d’Hortense.
Le 14 septembre, Hortense et Flahaut quittent Prégny pour gagner l’Italie par le Simplon. Les voyageurs passent par Thonon et Saint-Gingolph. « Je voulus me mettre en route vers la fin de la saison et je tombai malade (A Saint-Moritz en Valais(*)). » Les cinq derniers mots, qui sont révélateurs, figurent dans le manuscrit autographe des Mémoires mais non dans l’édition : Des illuminations et des joutes m’attendaient sur le lac Majeur. Mon frère traversa le Simplon, inquiet de mon état, et je fus forcée de retourner en France sans avoir réalisé un si agréable projet. »
Il est nécessaire de compléter le récit de la reine. Sans doute la route présenta des cahots et, comme cela s’était passé pour le futur Napoléon III, l’accouchement fut prématuré et la naissance dut avoir lieu le 17 ou le 18 septembre 1811.
(* ) L’office du tourisme de Saint-Maurice tient à préciser qu’il s’agit de Saint-Maurice en Valais et non de Saint-Moritz qui se situe dans le canton des Grisons.
4) Jean-Marie Rouart (Morny, un voluptueux au pouvoir / Gallimard)
« Hortense, officiellement séparée de Louis Bonaparte, est enceinte. On imagine son désarroi. Que faire ? La fin de l’hiver et le printemps vont être consacrés à préparer en cachette la naissance de l’enfant adultérin. Tout a été fait, et bien fait, pour entourer la naissance du fils de Flahaut et de la reine Hortense du plus grand secret.
Le 4 juillet, Hortense était partie pour Aix sous prétexte de voir son frère Eugène, probablement dans la confidence. Elle descend ensuite vers le lac Majeur avec Flahaut.
Le couple fait une halte à Saint-Maurice-en-Valais. Le préfet, le comte de Rambuteau, est un ami de Flahaut. Les pages du registre d’état-civil pour le mois de septembre 1811 ont disparu bien à propos. »
5) Robert Christophe (Le duc de Morny / Hachette)
« Si l’on en croit Maxime du Camp, l’écrivain qui approcha Morny, le célèbre duc ne vit le jour ni en Suisse, ni rue Montmartre, mais rue des Filles-du-Calvaire, « dans une maison entourée d’un jardin clos de murs et que l’on avait louée pour la circonstance. Des joueurs d’orgue, postés dans les environs, n’auraient point permis d’entendre des cris et des gémissements. »
6) Emile Dard (Dans l’entourage de l’Empereur / Plon)
« Hortense est enceinte et cache son état. Il faut cependant qu’elle assiste aux fêtes données pour la naissance et le baptême du Roi de Rome. N’y tenant plus, elle part pour Aix, où Eugène vient la voir. (Mémoires de la reine Hortense, II, p.132) Au mois de Septembre, elle met au monde, clandestinement, et dans quelles angoisses, en Suisse, à Saint-Moritz en Valais (*), l’enfant qui s’appellera Auguste Demorny, le 21 octobre, à Paris, à la mairie du IIè arrondissement, du nom d’un père d’emprunt. Mme de Souza (Elle écrit alors à la comtesse d’Albany que le reine Hortense vient de souffrir d’un lumbago qui la rend « d’une maigreur affreuse ».) se charge de l’enfant, qui est mis en nourrice à la campagne sous sa surveillance. »
(*) L’office du tourisme de Saint-Maurice tient à préciser qu’il s’agit de Saint-Maurice en Valais et non de Saint-Moritz qui se situe dans le canton des Grisons.
7) Frédéric Loliée (Le duc de Morny / Emile-Paul)
« Le 31 août, à neuf heures du matin, Hortense quittait l’antique cité savoisienne, à destination de la Suisse. Elle se rendait à Genève, munie de passe-ports que le préfet du nouveau département français du Mont-Blanc avait fait libeller pour elle, sous un nom d’emprunt.
Charles de Flahaut avait gardé un silence complet sur ces événements, qu’il était censé ne pas connaître, silence commandé par le respect dû à la femme, à l’ancienne souveraine, et aussi par le souci de sa considération personnelle, de sa propre tranquillité. »
8) Claude Dufresne (Morny, l’homme du Second Empire / Perrin)
« En fait, si la naissance de Morny est entourée de ténèbres aussi épaisses, c’est tout simplement parce qu’il est un enfant de l’amour. Mais pas de n’importe quel amour… De l’amour d’une reine et d’un général d’Empire, tandis que dans ses veines coule également le sang d’une impératrice, qui fut la plus rouée des femmes, et d’un homme d’Etat, qui fut le plus roué des politiciens. Comment, avec un tel atavisme, entouré d’un tel halo de mystère, Morny n’aurait-il pas hérité le sens du complot en même temps qu’il se sentait pousser les ailes de l’ambition ? « Je vais faire un petit voyage pour voir mon frère. Je serai à Paris du 10 au 15 octobre. Ne m’écrivez plus à partir du 20 de ce mois, car je serai toujours en course. »
Une lettre qui, dans sa brièveté en dit plus qu’une longue confession. De son côté, Eugène de Beauharnais, accompagné de son épouse qu’il a mise dans la confidence, prend le chemin des îles Borromées. Sans doute est-ce sur les bords du lac Majeur que le vice-roi d’Italie a découvert la retraite sûre où sa sœur pourra, en toute quiétude, mettre son enfant au monde. »
9) Chevallier et Pincemaille (L’Impératrice Joséphine / Presses de la Renaissance)
« Dès les premiers jours de juillet 1811, Hortense laisse ses deux fils à sa mère, sous la garde de leur gouvernante, Mme de Boucheporn ; ils restent à Malmaison jusqu’au mois de septembre, ce qui laisse le temps à leur mère, enceinte des œuvres de Flahaut, d’atteindre les îles Borromées où Eugène lui a aménagé une retraite afin qu’elle puisse accoucher le plus discrètement possible ; mais elle ne peut guère aller au-delà de Saint-Maurice-en-Valais, où vraisemblablement naît son fils, futur duc de Morny. »
10) Maurice Parturier (Morny et son temps / Hachette)
« La reine Hortense était partie pour Aix-en-Savoie, le 4 juillet 1811. Fille de l’impératrice Joséphine, épouse séparée de Louis, frère de Napoléon, reine honoraire de Hollande, elle y dissimulait une grossesse qui datait de près de cinq mois, fruit de ses amours adultérines avec le général Flahault de la Billarderie. « Vivant alors séparée de son mari, écrira Morny, elle s’était liée avec le comte de Flahault, lieutenant général, aide de camp de l’Empereur, un des plus beaux, des plus braves, des plus élégants, des plus spirituels hommes de son temps. Elle avait caché sa grossesse. »
11) Gerda Grothe (Le duc de Morny / Fayard)
« Toutefois, son besoin de confession ne va pas jusqu’à avouer la naissance de l’enfant qu’elle eut de lui. Le 21 octobre 1811, elle met clandestinement au monde un garçon (où ? on ne le sait exactement aujourd’hui encore), lui constitua une rente et désigna le banquier Delessert comme tuteur. Les Demorny qu’on déclara parents du nouveau-né furent dédommagés financièrement. »
12) Max Gallo (Hortense de Beauharnais / Le Pèlerin magazine)
« Le 15 septembre 1811, Hortense, qui a vingt-huit ans, met au monde un nouveau fils. L’accouchement a lieu clandestinement. On présente ce Charles-Auguste comme le fils d’un couple de planteurs de Saint-Domingue, alors que son père est le comte de Flahaut, un officier qui fut aide de camp de Murat et qu’Hortense connaît depuis de nombreuses années. »
13) Alfred Neumann (Le Roman d’un coup d’Etat / Stock)
« Huit mois plus tard, le 12 novembre, la reine Hortense quittait en hâte son domaine de Saint-Leu, près de Chantilly, pour la capitale. Les rideaux de la voiture étaient fermés. Hortense mordait son mouchoir et gémissait :
« Plus vite ! »
Flahaut transmettait l’ordre au cocher.
« Tu es presque aussi pâle que N le jour de la naissance : c’est ta seule ressemblance avec lui. »(…)
Quand le mouchoir fut déchiré, elle prit son écharpe. Elle connaissait exactement son corps : il ne portait pas l’enfant en pointe, mais le répartissait vers le haut. C’est ainsi qu’elle avait pu se montrer jusqu’au milieu de septembre. Elle avait prolongé son séjour à Saint-Leu, sachant d’avance le jour de l’événement.
Aujourd’hui, pas de coup de canon. On n’entendra pas même le coup de pistolet qui devrait t’envoyer dans l’au-delà. »
Flahaut ne répondit pas. Il ne voyait aucune raison à ce coup de pistolet, mais ne tenait pas rigueur à sa compagne pour si peu.
Elle s’installa dans la petite chambre d’un vétuste appartement bourgeois. Elle ne savait pas où elle se trouvait : Flahaut avait tout réglé. Elle avait seulement vu que la maison portait le numéro 4, et elle avait pensé : c’est la quatrième fois, cela ne va pas m’embellir.
L’accouchement ne fut pas long, mais douloureux.
« J’en ai assez ! » gémissait-elle. « Mon ange, » murmurait Flahaut, qui tenait sa main et luttait contre la nausée.
L’enfant qui vint fut un garçon. Elle n’ouvrit pas les yeux, et montra seulement Flahaut du doigt.
Vous pouvez vous retirer, et votre prince aussi. »
Sa voix était faible mais sans réplique. L’enfant criait rageusement.
Il eut pour prénoms Charles-Auguste-Louis-Joseph. Quant au nom de famille, le comte Flahaut devait se charger de lui en trouver un. »
14) Françoise Wagener (La reine Hortense / JC Lattès)
« Hortense se doit de suivre, point par point, son plan : après les eaux d’Aix, un petit voyage en Suisse – où elle réside, à Prégny, depuis le 31 août -, puis une quinzaine plus tard, la descente vers le lac Majeur. Elle écrit à la gouvernante de ses enfants, Mme de Boucheporn, à Paris, qu’elle va chez son frère : « Je serai à Paris du 10 au 15 octobre. Ne m’écrivez plus à partir du 20 de ce mois (septembre), car je serai toujours en course. »
Flahaut l’accompagne. Ils s’arrêtent à Saint-Maurice en Valais. Et ils n’iront pas plus loin. Sans doute Morny y est-il né le 15 ou le 16 septembre, puisque, dès le 21, Mme de Souza […] est avertie que Charles revient près d’elle. C’est donc que tout est fini. […] Saint-Maurice en Valais était bien trouvé. Le prefet du Simplon était un ami de Flahaut : le comte de Rambuteau, gendre du charmant M de Narbonne, et parfaitement fiable.
Deuxième acte : le rapatriement de l’enfant et son inscription à Paris. C’est Flahaut qui s’en charge. Sa mère et lui ont tout prévu et tout organisé…
C’est ainsi que, le 22 octobre 1811, est déclaré à la mairie du IIIè arrondissement de Paris, Charles-Auguste-Louis-Joseph, né la veille, d’Emilie Coralie Fleury, épouse d’Auguste-Jean-Hyacinthe Demorny, demeurant à Villetaneuse et propriétaire à Saint-Domingue. Des prête-noms, évidemment… »
(D’après Françoise Wagener, » il existe deux autres versions, peu crédibles, de la naissance de Morny. Elle aurait eu lieu, le 17 septembre 1811, aux environs d’Aix, dans la propriété « Sur les monts », du docteur Aimé Rey, à La Bonniaz (source aixoise). La deuxième version voudrait que la reine soit rentrée à Paris, incognito, pour accoucher chez Mme de Souza, pendant que d’Arjuzon et Flahaut attendaient, dans un salon voisin (source d’Arjuzon).
Dans les deux cas, il y avait un danger (majeur à l’époque) que le reine soit reconnue. Alors qu’en Suisse, où nous avons toutes les preuves qu’elle s’est rendue avec Flahaut, elle pouvait, avec lui, figurer un couple normal, et obtenir, en toute discrétion, la caution d’Eugène, sur son impossibilité de rejoindre le lac Majeur, où elle était attendue. (La reine Hortense / Françoise Wagener / p.296-297))
15) Bernard Nabonne (La reine Hortense / André Bonne)
« Le 31 août, au début du huitième mois de sa grossesse, elle disparaissait d’Aix et l’on perdait sa trace.
Ses précautions furent si bien prises que, à ce jour, il est encore impossible de reconstituer son itinéraire pendant les six semaines qui suivirent. Le 31 août, le baron Finot, préfet du Mont-Blanc, lui avait donné des passeports pour la Suisse sous des noms empruntés. Elle lui avait déclaré ne pas savoir si elle allait voyager dans ce pays ou si elle se contenterait de le traverser pour se rendre à Monza chez le prince Eugène, qui, disait-elle, viendrait à sa rencontre jusqu’aux îles Borromées.
Il est probable qu’elle prit un troisième parti au sujet duquel le secret fut bien gardé. Quoi qu’il en soit, on ne la retrouve que le 10 octobre, à Paris, où elle reste invisible quelque temps. Sans avoir été reçues par elle, ses amies, Mme Campan en tête, parlent de sa maladie d’un air de mystères. Accouche-t-elle alors ? A-t-elle accouché en Suisse ou dans un village de France, comme le suppose M. Frédéric Masson ? Personne n’a pu encore en. décider.
On ne peut en effet s’en remettre aveuglément à une tradition verbale issue de M. d’Arjuzon, chambellan d’Hortense, et selon laquelle l’accouchement aurait eu lieu rue d’Anjou, dans l’hôtel de M. de Souza, beau-père de Flahaut. Celui-ci aurait été présent et aurait pris la précaution d’appeler deux témoins : ledit d’Arjuzon et certain comte de Poret que jamais la reine ne nous citera dans ses Mémoires comme faisant partie de ses relations.
Depuis combien de jours l’enfant était-il né, lorsqu’on se décida à lui donner un état civil ? On ne le sait ; et la manière dont cette naissance fut enregistrée à la mairie du IIIè arrondissement pose des quantités d’autres points d’interrogation. »
16) Suzanne Normand (La reine Hortense / Editions de Paris)
« Mais le congé de Flahaut expirait… C’est la fin d’une saison sans retour. » Le temps le plus heureux de ma vie « , écrirait Hortense, plus tard…
…Elle est toujours une Bonaparte. Elle est la belle-fille de l’Empereur, et l’enfant qu’elle porte est celui de Flahaut.
Ayant fait dire qu’elle était souffrante, qu’elle ne recevrait ni ne sortirait, elle trébuchait cependant sur les visites des dames de Chambéry, sur la célébration, le 15 août, de la fête de l’Empereur… Que personne ne sache, que personne ne se doute… Hortense serrait sa taille, s’armait de grâces, accueillait avec ravissement les importuns. »
… (L’enfant déclaré sous les noms de Charles-Auguste-Louis-Joseph Demorny, naquit le 22 octobre 1811. Soit en Suisse, soit au lac Majeur, soit à Paris. Il fut confié à la mère de Flahaut, Mme de Souza, qui l’éleva rue Saint-Florentin.)
17) Emile Pagès (La reine Hortense / Collection La Vie amoureuse)
« Mais personne ne saura rien. Pour cette femme comblée, c’est un jeu de dissimuler sa position aux yeux du monde. Quand elle arrive à Paris, l’hiver est proche, qui autorise les amples robes et manteaux, les retraites prolongées au coin du feu. Lors du baptême du roi de Rome, Hortense est enceinte de quatre mois et nul se soupçonne encore son état. Sauf à la fidèle Adèle de Broc, Hortense n’a révélé à personne ses angoisses d’épouse coupable, condamnée à expier sa faute comme l’expierait une quelconque fille séduite.
… Quel lever de rideau pour un mélodrame, boulevard du Crime ! En ce jour du 21 novembre 1811, dans une maison entourée d’un jardin clos de murs de la rue des Filles-du-Calvaire, une femme inconnue parvient au terme de son calvaire personnel en donnant le jour à un garçon qui doit ignorer le nom de sa mère et ne connaîtra celui de son père que bien des années plus tard. Postés aux alentours de la mystérieuse demeure, des joueurs d’orgue couvrent les cris et les gémissements de la parturiante sous le tintamarre incessant de leurs instruments à musique. Une bonne vieille mère-grand, Mme de Flahaut-Souza, mène le branle et s’inquiète fort des souffrances qu’un maudit lumbago cause à la duchesse de Saint-Leu, sa grande et jeune amie. En fin de compte, la belle malade se voit rapidement guérie de ce rhumatisme déformant et peut reparaître aux Tuileries après une absence qu’explique un séjour prolongé à Aix-les-Bains, pour raison de santé.
A la même époque, l’Empereur et Marie-Louise effectuent un voyage en Hollande et ne se doutent nullement que leur chère Hortense souffre dans les douleurs de l’enfantement. La vaillante Napoléonide tient sa parole ; personne ne soupçonne que le petit Chales – paré du nom de Demorny par le prêt patronymique d’un vieil officier besogneux, ravi de palper une rente de six mille francs jusqu’au jour de sa mort – représente le point final d’un beau roman vécu sur les rives du lac du Bourget. »
18) Constance Wright (Hortense, reine de l’Empire / Arthaud)
Nulle salve de canon n’allait saluer la naissance attendue. Au contraire, toutes les précautions furent prises pour la tenir secrète. En cela, Hortense put compter sur le concours et le dévouement de Flahaut et de Mme de Souza…
… Adèle exceptée, Eugène était le seul qu’elle eût mis dans la confidence, car elle n’osait se fier complètement aux qualités de discrétion de Joséphine. Eugène, en frère loyal et affectueux, était venu la voir à Aix et lui avait suggéré le voyage au lac Majeur comme la façon la plus plausible de porter à la connaissance publique les déplacements de la reine de Hollande.
Il ne s’agissait d’ailleurs pas que la visite eût lieu réellement ; toutefois, des préparatifs avaient été faits pour qu’on y crût. Le lendemain de la lettre à Mme de Boubers, Hortense et Flahaut (qui l’attendait à Prégny) partirent pour leur prétendu voyage en Italie. A leur premier arrêt, le 15 ou le 16 septembre, Hortense donna le jour à son quatrième fils. Si la naissance causa quelque joie, celle-ci dut se manifester en sourdine, étant donné les difficiles réalités de la situation. La mère eut à peine le temps de connaître son enfant ; chacun, Charles, Hortense et le petit partirent bientôt par des routes différentes.
… Le 21 septembre, Flahaut était rentré à Paris. Moins de trois semaines plus tard, Hortense regagnait la rue Cerutti. Le 22 octobre, un certain docteur Claude-Martin Gardien, qui ne figure pas à l’almanach médical de 1811, fit enregistrer la naissance d’un enfant du sexe masculin à la mairie du IIIè arrondissement de Paris ; on inscrivit comme parents Auguste-Jean-Hyacinthe Demorny, vieux militaire pensionné de Joséphine, et son épouse Emilie Coralie.
19) Pierre de Lacretelle (Secrets et malheurs de la reine Hortense / Hachette 1936
Ainsi, la naissance du fils de Flahaut et d’Hortense demeure enveloppée d’un certain mystère. Dans une lettre au prince Eugène, du 25 septembre, Joséphine paraît croire que sa fille a rejoint le vice-roi d’Italie aux îles Borromées ; et cependant, une tradition transmise par le comte d’Arjuzon, chambellan de la reine, affirme qu elle fit ses couches à Paris, rue d’Anjou, dans un immeuble appartenant à M. de Souza. Le comte de Poret et le comte d’Arjuzon, convoqués comme témoins, discutaient avec Flahaut dans une pièce voisine de celle où la reine attendait sa délivrance après les avoir entretenus de l’état civil qu’elle comptait attribuer à l’enfant. Elle tenait au nom de Mornay, mais M. de Poret, allié à la famille du même nom, le transforma, à son insu, en celui de Morny, dont la consonance était semblable. Ce récit est évidemment incompatible avec l’existence d’un père putatif choisi d’avance, mais la réalité d’Auguste-Jean-Hyacinthe Demorny, qui passe pour avoir prêté son nom au fils d’Hortense, est si incertaine qu’on peut se demander si le personnage n’a pas été inventé de toutes pièces…
20) Jules Bertaut (Connaissez-vous la reine Hortense ? / Bloud & Gay 1959)
Elle s’est mise en route le jour même où elle écrivait à Mme de Boucheporn, mais elle a un long trajet à faire avant d’atteindre les îles Borromées où son frère lui a certainement aménagé une retraite sûre, il lui faut remonter toute la vallée du Rhône. A Saint-Maurice en Valais elle se sent brisée, elle s’arrête et sans doute est-ce là ou dans un village voisin qu’elle est accouchée d’un garçon ...
De retour dans la capitale, elle retrouva Charles de Flahaut et Mme de Souza et s’entendit avec eux sur la déclaration à l’état-civil de la naissance de l’enfant.
21) Taxile Delord (Histoire du Second Empire / Germer Baillère 1873)
« Né à Paris dans un des plus beaux hôtels de la rue Cerutti (Aujourd’hui rue Laffite), emmené le lendemain même de sa naissance à Versailles, confié à un ancien noble qi lui donna son nom et son titre en le reconnaissant pour son fils, il resta toujours l’objet des soins et de la surveillance de son véritable père. »
22) Frédéric Masson (Napoléon, tome VII)
« Le 14 septembre 1811, Hortense écrit de Genève : « Je vais faire un petit voyage pour voir mon frère. je serai à Paris du 10 au 15 octobre ; ne m’écrivez plus à partir du 20 septembre, car je serai toujours en course. » Le petit voyage conduisit, dit-on, Hortense dans une maison de la rue d’Anjou, où elle accoucha d’un enfant mâle qu’un médecin accoucheur, 137, rue Montmartre, déclara le lendemain à la mairie comme né chez lui de Louise-Emilie-Coralie Fleury, épouse de Jean-Hyacinthe Demorny, propriétaire à Saint-Domingue et domicilié à Villetaneuse (Seine) »
23) Ledeuil d’Enquin (article paru dans la revue des Etudes napoléoniennes / Tome 7 /1915
« Tout après le baptême du roi de Rome, à la mi-juin 1811 (Où Eugène est témoin et Hortense marraine.) , la reine Hortense laisse ses deux enfants à Saint-Cloud, au Pavillon d’Italie et part à Aix-les-Bains et en Suisse cachant sa grossesse ; enfin, fort hâlée et très amaigrie, elle reparaît à Saint-Cloud à la mi-novembre, soit après cinq mois d’absence.
De son intimité avec le comte de Flahaut, était né le 21 octobre 1811, un fils qui devait jouer un rôle considérable pendant le second Empire sous le nom de Morny. »
23) Micheline Dupuy (La duchesse de Dino / Perrin 2002)
« Avec la complicité de Mme de Souza, elle passera trois mois en Italie avant de se rendre en Suisse à Saint-Maurice en Valais où naîtra son enfant clandestin le 15 septembre. Revenue à Paris le 10 octobre comme si elle avait été faire une cure, Hortense fit déclarer le nouveau-né à la mairie du 3è arrondissement sous le nom de Charles-Auguste-Louis-Joseph, né le 9 octobre 1811 d’Emilie, Coralie Fleury, femme d’Auguste-Jean-Yacinthe Demorny. »
24) Michel Carmona (Morny, le vice-empereur / Fayard 2005)
« Quand accouche-t-elle au juste, nous l’ignorons, et rien ne prouve qu’Auguste soit vraiment né le 20 octobre 1811. En août, elle était de nouveau à Aix-les-Bains, tandis que Flahaut était censé prendre les eaux à Bourbonne ; le 31 août, elle a quitté Aix-lesBains pour Genève d’où elle écrit, le 14 septembre, à l’une de ses amies: «Ne m’écrivez plus à partir du 20 de ce mois, car je serai toujours en course. » (Lettre de la reine Hortense à Mme de Boucheporn, in Frédéric Masson, Napoléon et sa famille, t. VII, p.156) Est-il possible qu’elle ait accouché à ce moment-là, soit à Genève, soit dans la localité voisine de Prégny où sa mère avait acheté, le 11 avril précédent, une petite maison entièrement meublée ? Cela voudrait alors dire que le nouveau-né présenté par le docteur Gardien à la mairie du IIè arrondissement n’était pas né la veille, mais cinq ou six semaines plus tôt, en Suisse et non pas au 137 de la rue Montmartre. L’employé de l’état civil pouvait-il être abusé à ce point sur l’âge réel du bébé ? faut-il, dans ce cas,supposer que l’on aurait acheté sa complaisance?
Le Journal de Paris permet de suivre la trace d’Hortense après l’étape de Genève en annonçant le 10 octobre que « Sa Majesté la reine de Hollande vient d’arriver dans cette capitale. » Le journal n’évoque évidemment pas son état. Si l’on suppose qu’Hortense est à présent débarrassée de son lumbago, on imagine que, si peu de jours après sa délivrance, le voyage n’a pas dû être très agréable pour la pauvre reine. Le nouveau-né aura effectué le même trajet avec des accompagnateurs de confiance, mais nous ne savons rien de l’itinéraire exact qu’il aura suivi. Bien des biographes d’Hortense adoptent pourtant cette version, et affirment avec une belle unanimité que Morny serait né vers la mi-septembre en Suisse, à Saint-Maurice, dans le Valais.
Une autre tradition assure qu’Auguste serait né à Paris après le retour d’Hortense, à la date transcrite dans les registres à Paris, mais dans une maison de la rue d’Anjou, et non pas rue Montmartre. L’un des prétendus témoins aurait été le comte d’Arjuzon, qui en a fait confidence à sa famille bien des années après. (André de Maricourt, Madame de Souza et sa famille, Paris, Emile-Paul, 1914, p.263) L’écrivain Maxime Du Camp, devenu dans les années 1840 un ami proche de Morny, affirmera lui aussi qu’Auguste est bien né à Paris, mais il donne comme adresse la rue des Filles-du-Calvaire, « dans une maison entourée d’un jardin clos de murs et que l’on avait louée pour la circonstance. Des joueurs d’orgue, postés dans les environs, n’auraient point permis d’entendre des cris et des gémissements ». Morny s’est employé plus tard à entretenir le doute sur le lieu et la date de sa naissance. Jusqu’à preuve du contraire, seules demeurent par conséquent les mentions légales portées dans les archives de l’état civil de la mairie de l’ancien IIè arrondissement, le 21 octobre 1811, sur la foi des déclarations du docteur Gardien. »
« Elle avait caché sa grossesse. Aussitôt que je fus mis au monde, mon père m’emporta et me confia aux soins de sa mère, la comtesse de Souza. »
Portrait en buste du duc de Morny.
(par Henri-Frédéric Iselin – Château de Compiègne -)