La rencontre entre Charles de Flahaut et Hortense de Beauharnais, relatée par dix écrivains…

La rencontre entre Charles de Flahaut et Hortense de Beauharnais, relatée par dix écrivains…
… et par la reine Hortense elle-même, dans ses « Mémoires »

Henri Bordeaux
Duc de Castries
Jean-Marie Rouart
Emile Dard
André Castelot
Françoise Wagener
Emile Pagès
Suzanne Normand
Constance Wright
Françoise de Bernardy


(illustration de Jihel)



Henri Bordeaux / Le coeur de la reine Hortense (Plon)

 » Mais un soir, un jeune officier de dix-neuf ans, fort joli garçon, ne s’en tient pas là, et dans son enthousiasme se met à l’applaudir. La jeune princesse en est piquée. De quel droit cet étourdi se livre-t-il à une si bruyante manifestation ? C’est M de Flahaut. Elle s’en plaint à la mère du jeune homme que les Beauharnais ont toujours protégée. La mère et le fils viennent faire des excuses. Bienheureuses excuses, qui servent d’occasion aux visites. Et le grand amour d’Hortense commence ainsi. »


Duc de Castries / La Reine Hortense (Tallandier)

 » Un jour où dans un bal Hortense avait dansé avec une grâce particulière, un jeune homme se permit d’applaudir. C’était Charles de Flahaut.
Hortense s’approcha de Mme de Souza et lui dit assez sèchement qu’elle dansait pour s’amuser et non pour être applaudie.
Le lendemain, Mme de Souza et son fils vinrent faire une visite à Hortense pour demander leur pardon. »


Jean-Marie Rouart / Morny, un voluptueux au pouvoir (Gallimard)

 » Au cours d’une soirée en 1803, Charles, admirant Hortense qui danse, se laisse aller à l’applaudir. Cela produit un petit scandale. Choquée – mais sans doute pas si mécontente au fond – Hortense se plaint à Mme de Souza. Le lendemain, la mère et le fils se présentent chez elle, rue Cerutti, pour s’excuser. Hortense n’a pas dû se sentir si outragée par l’inconvenance du jeune homme. Son accueil est si peu courroucé, si peu désagréable que Charles y voit une invite à revenir. »


Emile Dard / Dans l’entourage de l’Empereur (Hachette)

« Voici qu’un soir, aux Tuileries, Hortense de Beauharnais, mariée à Louis Bonaparte, jeune mère de vingt ans, déjà malheureuse, oublie ses chagrins en dansant, car elle danse délicieusement. On monte sur les chaises pour la contempler. Le lieutenant de Flahaut, qui n’a que dix-neuf ans, dans son enthousiasme, applaudit. Hortense se plaint à sa mère de cette inconvenance. Le lendemain, la mère et le fils viennent faire des excuses. Plainte opportune, excuses bienvenues ! »


 Françoise Wagener / La reine Hortense (Jean-Claude Lattès)

« Hortense le (Flahaut) remarque : il est, comme Alexandre de Beauharnais, comme Eugène, un beau cavalier, plein d’allant et même assez « étourdi » pour l’applaudir un jour qu’elle danse. Piquée, elle s’en plaint à la mère de Charles, expliquant qu’elle dansait pour s’amuser et non pour être applaudie… »


André Castelot / Napoléon III (Perrin)

 » Un ami de son frère Eugène – qui était également un ami de son mari – se permit d’applaudir la jeune femme. Portait-il ce soir-là « l’habit habillé » ou bien arborait-il le bel uniforme aux aiguillettes d’or des aides de camp du général Murat ? On ne sait. Toujours est-il qu’Hortense prit mal cette manière bruyante de manifester son admiration. Mais l’officier paraissait si jeune – il avait dix-huit ans en ce début de 1804 – que c’est à sa mère, Mme de Souza, que la belle-fille du Premier consul se plaignit. Aussi, dès le lendemain, Mme de Souza conduisit-elle son fils auprès d’Hortense afin d’obtenir son pardon… ce que « Mme Louis » accorda d’autant plus volontiers que le jeune perturbateur lui parut beau et charmant… »


Suzanne Normand / La reine Hortense (Editions de Paris)

 » Pourtant, un soir, comme mourait la musique au dernier pas de la danseuse, il y eut parmi les invités un brusque, un enthousiaste battement de mains.
Hortense ne savait pas si elle devait sourire ou s’insurger. Un homme, mais combien étourdi ! Et qui était le coupable ?
Le coupable, après avoir appartenu au régiment de Louis qui l’avait beaucoup protégé, était aujourd’hui aide de camp de son beau-frère Murat. Il s’appelait Charles de Flahaut. Il n’avait pas vingt ans, une figure avenante et hardie, des manières dont la fantaisie désinvolte s’accordait avec une courtoisie exquise. Hortense devait-elle exiger des excuses ? Après tout, elle n’était pas une ballerine. Elle ne se donnait pas en spectacle. Etait-ce bien sûr, et qu’en eût dit Mme Campan ?
Hortense pencha pour les excuses, et les réclama à la mère du jeune homme, Mme de Souza. Hortense pencha pour les excuses, et les réclama à la mère du jeune homme, Mme de Souza. C’était une femme d’esprit, auteur d’assez bons romans, et dont la liaison avec M. de Talleyrand voici vingt années n’était pas demeurée absolument secrète. Elle était fort attachée à Joséphine qui, au temps où elle donnait tous ses soins aux émigrés, l’avait fait rayer de la fameuse liste. Avec beaucoup de bonne grâce la mère et le fils demandèrent pardon de l’enfantillage. Ce fut alors qu’Hortense considéra le coupable.
Il était charmant, avec beaucoup de dons et les mêmes goûts qu’Hortense pour tout ce qu’elle aime : le chant, la danse, l’équitation. C’est de la chance. Son service pour le moment le retient à Paris, lui laisse le loisir de chanter avec elle, de danser, de monter à cheval. »


Emile Pagès / La reine Hortense (Collection La vie amoureuse)

Car il faut atteindre presque l’inconscience pour se permettre, ainsi qu’il le fait, une liberté aussi grande que l’hommage d’un  » bravo  » retentissant, ponctué d’un vigoureux battement des mains, lorsque Mme Louis vient s’abattre, hors de souffle à l’issue d’une valse, sur le canapé qui lui est réservé. Certes, il n’est point rare que dans les bals où elle tente de s’étourdir, d’oublier ses malheurs conjugaux, Hortense voit la foule de ses admirateurs grimper sur les sièges afin de mieux contempler ses évolutions incomparables ; mais, jusqu’à présent, nul ne s’est permis d’outrepasser les règles du bon ton, de s’aventurer au-delà des compliments laudateurs. D’un regard de déesse offensée, la danseuse écrase le téméraire et, dans l’éclair outragé de ses yeux, lui signifie que cet applaudissement, issu d’un mouvement enthousiaste, n’a nullement l’heur de lui plaire. Si elle danse, c’est par plaisir et non afin de s’exhiber. Puis, comme la mère de cet étourdi d’aspect plus qu’agréable approche dans le but de la féliciter, d’un trait Hortense lui déclare tout net son mécontentement. Mme de Flahaut-Souza se montre navrée de découvir son fils aussi cruellement jugé par la belle-soeur de l’Empereur ; elle balbutie, car elle est fort attachée à la famille Beauharnais et ne veut en rien déplaire à une personne dont l’opinion lui importe beaucoup.

Aussi dès le lendemain, se présente-t-elle à l’hôtel de la rue Cerutti – aujourd’hui rue Laffitte – où le ménage de Louis Bonaparte s’est installé en quittant la rue de la Victoire. Charles-Auguste l’accompagne. Rempli de confusion, le bouillant cavalier manifeste un repentir sincère et implore son pardon en des termes où l’admiration perce dans chaque mot. Comment Hortense pourrait-elle refuser l’oubli d’une légère offense à un si charmant officier ? Dans un geste d’une grâce adorable, elle tend sa main et Flahaut s’écroule aux pieds de Son Altesse en déposant un ardent, un merveilleux baiser sur cette chair offerte, qui frémit au contact de ses lèvres chaudes. De cet homme, Mme Louis vient de faire un esclave, elle le sait. Une houle de joie profonde la bouleverse dans toutes les fibres de son être, mais la dignité lui impose de masquer cette émotion sous les apparences d’une froideur péniblement maintenue.


Constance Wright / Hortense , reine de l’Empire (Arthaud)

Un soir, tandis que la musique cessait doucement et qu’Hortense regagnait sa place, un jeune homme applaudit avec vigueur, trop fort en tout cas pour que cela plut à la jeune femme. Elle connaissait déjà un peu Charles de Flahaut ; il avait été sous-lieutenant au régiment de dragons commandé par Louis, qui lui témoignait beaucoup de sympathie. Elle connaissait aussi sa mère une des nombreuses aristocrates, émigrées pendant la Terreur et que Joséphine avait aidée à rentrer en France en 1799. Mme de Flahaut avait récemment épousé l’ambassadeur du Portugal, le marquis José Maria de Souza Botelho. En passant devant elle, Hortense lui dit d’un air un peu mécontent qu’elle dansait pour son plaisir, et non pas pour qu’on l’applaudît comme une ballerine de l’Opéra.
Le lendemain, Mme de Souza, personne grassouillette, encore jolie dans le charme de sa jeune quarantaine, vint avec son fils demander le pardon d’Hortense. Ensuite, chaque fois que Charles de Flahaut venait voir Louis, il demandait si Mme la princesse était chez elle et s’il pouvait lui présenter ses respects. Généralement, ces visites avaient lieu le matin, et si Hortense, comme c’était souvent le cas, prenait une leçon de chant, elle faisait prier Flahaut de monter jusqu’à son salon ; comme ils avaient le même professeur et que le jeune homme possédait une agréable voix de ténor, ils passaient une heure à s’exercer à des duos.


Françoise de Bernardy / La reine Hortense (Perrin) et Flahaut, Fils de Talleyrand , Père de Morny (Perrin)

Hortense aime danser. La tournure élégante, le pied joli, quadrilles, valses, contredanses, gavottes ou boléros n’ont pas pour elle de secret. Elle est fort recherchée et on monte sur les chaises, assure-t-elle, pour la regarder. Un soir, un aide de camp de Murat, l’ancien protégé de Louis, se permet de l’applaudir. Hortense se pique de cette marque un peu vive d’approbation et se plaint à la mère du garçon.
Le lendemain, Mme de Souza et Charles de Flahaut viennent s’excuser. Peut-être est-ce ce jour-là qu’Hortense regarde mieux l’officier que  » sa légèreté malgré ses talents et son extérieur prévenant ne m’avait fait remarquer que comme un jeune homme agréable mais pas du tout dangereux « …


Hortense de Beauharnais (Mémoires / Plon)

« M de Flahaut, jeune homme du même âge que moi, étourdi, agréable, dans un moment d’enthousiasme se mit un jour à m’applaudir ; j’en fus piquée ; cette marque bruyante d’approbation me sembla de mauvais ton. Je m’approchai de sa mère et la priai de prévenir son fils que je dansais pour m’amuser et pas du tout pour être applaudie.

Le lendemain, ils vinrent tous deux me demander pardon. Mme de Flahaut était une femme d’esprit. Rayée de la liste des émigrés par les soins de ma mère, elle nous était fort attachée. »