lettre de Madame de Souza à la comtesse d’Albany | Paris, le 9 septembre 1815

La Comtesse d’Albany
Lettres inédites de Madame de Souza (et d’autres…)
(Le Portefeuille de la comtesse d’Albany : 1806-1824, par Léon-G. Pélissier)


 Les annotations (en italique) sont de Léon-G. Pélissier ; Les passages [entre crochets] sont dans Saint-René Taillandier ; « Néné » est le surnom que Mme de Souza a donné à Charles de Flahaut, son fils ; les sujets concernant Charles de Flahaut sont reproduits en rouge ; l’orthographe ancienne est respectée.

 lettre de Madame de Souza à la comtesse d’Albany
Paris, le 9 septembre 1815

 

[Cette lettre vous sera remise par le général Mackensie qui m’a demandé une lettre pour vous. On l’appelloit le beau Mackensie, mais ce qui vaut encore mieux, c’est qu’il est bon et loyal chevalier.]

[Je ne pense pas que vous songiez de sitôt à venir ici. La terre est encore mouvante et les cendres brûlent encore. Je ne crois pas à des révoltes considérables : mais la réaction est si forte qu’il y a des mécontens partout ; les troupes (prussiennes surtout) ont si complettement exploité la France, qu’il n’y a que malheurs et malheureux. Cet hiver le pauvre ne rencontrera que des pauvres, et je trembles pour ces tems, toujours difficiles à passer.] (Toutes ces appréciations sont très justes)

[ Si le roi était venu seul en 1814, il n’y aurait point eu de 20 mars. Si dernièrement encore il était revenu seul, il n’y auroit point aujourd’hui d’inquiétudes. Mais sa cour est plus intolérante qu’elle n’a jamais été. A la suite de longues guerres, le péril n’est pas compté pour grand’chose, et beaucoup d’hommes (Parmi les bonapartistes) aimeront mieux être pendus qu’humiliés, surtout par des gens qui n’ont jamais vu le feu. Si les nobles consentoient à n’être pas plus royalistes que roi (sic), on feroit de tout côté des concessions pour n’être que François et bons François ; mais les récriminations sortent de toutes parts, et de tous les côtés chacun lit son livre en tournant les feuilles, non pas de gauche à droite, mais de droite à gauche. (Quoi qu’en dise S.-R. Taillandier, cette image est bien confuse, et la version recueillie par Sainte-Beuve, si elle est plus claire est aussi plus alambiquée.) Voilà, ma très chère, notre situation, et si elle n’annonce pas de grands troubles, au moins fait-elle présager beaucoup d’ennui.]

Néné est parfaitement tranquille, bien résolu à ne se mêler à aucun mécontent, de quelque classe que ce soit. Il se tiendra fort tranquille. Sera-ce assez pour qu’on le laisse en paix ? J’en doute fort. (M de Flahaut, pour avoir repris du service pendant les cent jours, dut quitter la France et se retira en Angleterre.)

[Adieu, ma bonne et chère amie, je vous aime de tout mon coeur, de ce coeur qui, en mourant, pourra se dire : Il n’est personne à qui j’aye fait un moment de peine, personne de qui j’aye dit un mot qui pût affliger. Ce n’est pas assés pour vivre heureuse, mais cela suffit au moins pour mourir tranquille.]

Mille complimens à M de Fabre. Félicité (Madame de Lobau) s’afflige de votre silence.

Avés-vous reçu une grande lettre de moi (La lettre précédente du 25 août) que je vous ai écrite la semaine denière et qui répondait à celle que vous avés adressée à mon mari ? Je vous embrasse de toute mon âme.

[Le portefeuille de Mme d’Albany]