Mémoires des contemporains pour servir à l’Histoire de France

p.83-84
Le comte Bertrand monte dans la voiture de Napoléon et prend place à côté de lui ; il réunit, en l’absence du duc de Vicence, les fonctions de grand écuyer à celles du grand maréchal, et tous les services de voyage sont sous ses ordres. (Les aides de camp qui accompagnent Napoléon sont les généraux Drouot, Flahaut, Corbineau, Dejean.
Le général Drouot fait les fonctions de major général de la garde. Aux aides de camp, il faut ajouter les officiers d’ordonnance Gourgaud, Mortemart, Montmorency, Caraman, Pretet, Laplace, Lariboissière, Lamezan, et Desaix.
Les chefs des différents services de la maison impériale sont, pour cette campagne :
Le comte de Turenne, premier chambellan, et maître de la garderobe ;
Le baron de Canouville, maréchal des logis ;
Le baron Mesgrigny, écuyer ;
Le baron Fain, maître des requêtes, premier secrétaire du cabinet ;
Le général Bacler-d’Albe, directeur du cabinet topographique ;
Et le baron Yvan, premier chirurgien.
On distingue encore parmi les autres personnes de la maison les auditeurs Jouanne et Rumigny, premiers commis du cabinet ; l’auditeur Lelorgne-d’Ideville, secrétaire interprète ; le lieutenant-colonel du génie Athalin, et l’ingénieur-géographe Lameau, attachés au cabinet topographique ; les chevaliers Fourreau et Vareliand, médecin et chirurgien de quartier ; enfin les fourriers du palais Deschamps et Jongbloëdt.
Le service personnel de l’empereur se réduit aux valets de chambre Constant, Pelart et Hubert, au mameluck Roustan, au piqueur Jardin, et au contrôleur de la bouche Colin, qui sont des hommes de confiance.
Presque tous se sont rendus d’avance à Châlons.)

Napoléon n’a avec lui que cinq voitures de poste. Il déjeûne à Chateau-Thierry.

p.155 à 159
L’affaire de l’armistice emploie le reste de la matinée. Un autre aide de camp du prince Schwartzenberg arrive de Bar-sur-Aube, où le quartier général des alliés s’est d’abord retiré. Il vient proposer le village de Lusigny, près Vandoeuvres, pour la réunion des généraux qui auront à négocier l’armistice. Il annonce que le général Duca est nommé commissaire pour l’Autriche ; que les autres commissaires sont, pour la Russie, le général Schouvaloff, et, pour la Prusse, le général Rauch.
Napoléon de son côté désigne le général Flahaut, son aide de camp ; il s’occupe aussitôt de le faire partir, dicte ses instructions, et les lui remet à la suite d’un long entretien.
Après le départ du général Flahaut, Napoléon, harassé de fatigues, venait de se retirer dans sa chambre, lorsque la famille éplorée de Gouaut se présente aux portes pour demander grâces…
… Pendant les journées des 25 et 26, l’attention est entièrement concentrée sur les conférences de Lusigny. On reste dans une alternative continuelle de craintes et d’espérances. Des courriers, des ordonnances, des aides de camp, se succèdent incessamment sur la chaussée de Vandoeuvres. Tantôt on croit voir arriver la nouvelle de la cessation des hostilités, tantôt on entend parler de nouveaux combats. Le 27 au matin, aucune nouvelle décisive n’était encore arrivée de la part du général Flahaut. Cependant la question militaire était trop simple en elle-même pour présenter de grandes difficultés ; mais la politique s’était emparée de la négociation et l’avait singulièrement compliquée.
Dans ces pourparlers, l’ennemi ne se proposait qu’une suspension d’armes ; mais Napoléon, portant ses vues plus loin, cherchait à profiter de l’occasion pour poser les bases de la paix définitive. Il désirait garder Anvers et les côtes de la Belgique : c’était le prix qu’il se promettait de ses derniers succès. mais Anvers était pour l’Angleterre la négociation toute entière , et, par l’influence anglaise, cette concession devait être obstinément refusée au congrés de Chatillon. Il était dès lors indispensable de faire traiter ce point sur un autre terrain. Anvers devait perdre de son importance aux yeux désintéressés des généraux russes, autrichiens et prussiens : Napoléon s’était donc proposé de faire préjuger la question dans la conférence militaire de Lusigny ; mais tant qu’elle serait indécise, il ne voulait pas se priver, par une trève prématurée, des avantages que la poursuite des Autrichiens semblait lui promettre pour compléter la défaite des alliés. Aussi l’armée française n’avait-elle pas cessé un moment de pousser les Autrichiens l’épée dans les reins. Le quartier général ennemi rétrogradait jusqu’à Colombey ; la garde russe était en retraite sur Langres ; le corps de Lichtenstein, sur Dijon. Les souverains alliés s’étaient retirés à Chaumont en Bassigny ; nos troupes s’emparaient de Lusigny au moment où les commissaires pour l’armistice s’y réunissaient. cette occupation militaire de Lusigny avait même donné lieu à des difficultés dès les premiers pourparlers ; mais de plus graves obstacles s’étaient élevés bientôt après, lorsqu’on en était venu à disputer la ligne de l’armistice.
Les généraux ennemis avaient proposé le statu quo des deux armées.
Le général Flahaut, conformément à ses instructions, avait demandé que la ligne s’étendît depuis Anvers, où nous avions le général Carnot, jusqu’à Lyon, où nous avions le duc de Castiglione. cette ligne devait placer les forces de la France sur un seul front, depuis l’Escaut jusqu’aux Alpes. Les commissaires russe et prussien, affectant de se mettre hors de l’influence des derniers événements, trouvaient que c’était payer trop cher quelques délais dont l’armée autrichienne avait besoin pour reposer ses colonnes. Le général autrichien était plus conciliant ; mais, par suite de la forme diplomatique que les conférences avaient prise, chaque commissaire s’était trouvé dans la nécessité de demander de nouvelles instructions, et le temps se perdait à les attendre.
Ce sont pourtant des moments bien précieux que ceux qui s’écoulent ainsi : notre horizon s’est tout-à-coup chargé de nuages sombres qu’un armistice seul aurait pu dissiper. Nous sommes arrivés à l’époque critique de la campagne.

p.187-188
Napoléon revient de sa personne jusqu’à Chavignon, petit village situé à peu près à égale distance de Soissons et de Laon ; il y passe la nuit, et y est rejoint par le général Flahaut, qui arrive de Lusigny. L’Autriche, n’ayant plus besoin d’armistice, a cessé de favoriser cette négociation secondaire, et dès lors les commissaires de Lusigny se sont séparés : depuis notre départ de Troyes on s’attendait à ce résultat.
Il fallait penser à forcer, pour le lendemain, les passages où l’armée venait d’être arrêtée.

p.403
Napoléon n’entretenait plus de communication qu’avec Rambouillet. Le général Flahaut, le colonel Montesquiou et le baron de Beausset allaient et venaient sans cesse, chargés de commissions de Napoléon pour l’impératrice, et de l’impératrice pour Napoléon.

p.405
Le 20 à midi, les voitures de voyage viennent se ranger dans la cour du cheval blanc au bas de l’escalier du fer à cheval. La garde impériale prend les armes et forme la haie ; à une heure Napoléon sort de son appartement, il trouve rangé sur son passage ce qui reste autour de lui de la cour la plus nombreuse et la plus brillante de l’Europe : c’est le duc de Bassano, le général Belliard, le colonel de Bussy, le colonel Anatole Montesquiou, le comte de Turenne, le général Fouler, le baron Mesgrigny, le colonel Gourgaud, le baron Fain, le lieutenant-colonel Athalin, le baron de la Place, le baron Lelorgne d’Ideville, le chevalier Jouanne, le général Kosakowski et le colonel Vonsowitch ; ces deux derniers, Polonais (Le duc de Vicence et le général Flahaut étaient en mission)
Napoléon tend la main à chacun, descend vivement l’escalier, et, dépassant le rang des voitures, s’avance vers la garde. Il fait signe qu’il veut parler ; tout le monde se tait, et dans le slence le plus religieux on écoute ses dernières paroles.