Touche à Tout – Magazine des Magazines
Juin 1909
La mort du duc de Morny, par Frédéric Loliée
… Morny n’avait point hérité de son père, quoique celui-ci dût lui survivre de plusieurs années (Le général de Flahaut s’éteignit à l’âge de soixante-quinze ans), une constitution forte. Les lettres de Mme de Souza à la comtesse d’Albany sont entrecoupées de plaintes continuelles sur les fréquents malaises et toutes les incommodités de Charles, au printemps de son âge. Dès 1811, n’ayant que vingt-six ans, il n’était déjà plus un cavalier très brillant de santé.
« J’ai reçu, écrivait sa mère à la dame de Florence, une boîte d’alkermès, et je vous en remercie mille fois. Charles a été bien, bien souffrant d’un mal de gorge auquel s’est joint un rhumatisme dans la tête. Il a tellement souffert, une nuit, qu’il avait envie de se jeter par la fenêtre. Enfin, il est mieux, et le voici courant à cheval le bois de Boulogne (Lettre à Mme d’Albany, du 4 juin 1811)…
… Il consacrait ses dernières minutes comme à un devoir dont l’accomplissement pressait : Ceux qu’il avait convoqués étaient là : Roqueplan, Ludovic Halévy, Daru, Charles Daugny, Crémieux. Ils avaient rejoint dans la chambre spacieuse, Flahaut, La Valette et Rouher. Chacun d’eux, tour à tour, avait serré sa main moite et abandonnée. Il les avait tous reconnus et leur avait adressé en particulier un mot, un signe, une attention dernière…
… Un moment, la fièvre s’apaisa. C’était une minute encore de calme et de lucidité. Flahaut se pencha sur son chevet :
– L’Empereur est venu ; il est encore là ; ne désirez-vous point qu’il revienne ?
– Oui, oui, je le voudrais, soupira-t-il…
… Flahaut était resté. Il avait assisté aux derniers moments de Morny son fils, comme il avait assisté aux dernières minutes de Talleyrand, son père, sans qu’il pût donner à l’un ou à l’autre ces noms de fils et de père, où passe tout l’amour humain dans un déchirement suprême.
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