"Hier, journée mouvementée et angoissante, parce que non seulement nous ne savions comment les choses tourneraient, mais aussi parce qu'il a fallu se décider à certaines mesures : ce n'est pas sans regret, en effet, qu'on se met à arrêter des hommes respectables dont l'unique faute consiste à être des ennemis politiques.Cependant la décision était prise , et lorsque que je vous aurai dit que tour avait été résolu jeudi dernier (27 novembre), vous concevrez que les personnes informées aient éprouvé quelque anxiété. Ces personnes étaient Auguste, Saint-Arnaud, Maupas (Persigny, je crois) et moi. Jamais secret ne fut mieux gardé et plan mieux exécuté.Auguste a été héroïque ; il n'est pas possible d'avoir montré plus de courage, de fermeté, de bon sens, de prudence, de calme, de bonne humeur, d'urbanité et de tact dans ces circonstances ; et en même temps si simple et si modeste. Ceux qui l'aiment peuvent être fiers de lui.
Les choses vont aussi bien que possible (qu'on le peut souhaiter) et tout semble à présent simple et aisé ; mais je vous assure que lorsque nous nous levâmes à 5 heures et allâmes à l'Assemblée au moment même où on l'occupait, la situation n'était rien moins que rassurante. Le peuple paraît (a l'air) satisfait, il est bonapartiste et républicain. J'ai refusé tout ce qui pouvait m'obliger à une longue séparation d'avec vous (à me séparer longuement de vous), et surtout (spécialement) de ma pauvre Louise (Louisa), mais j'ai dû accepter (je ne pouvais refuser) de faire partie du Conseil qui assistera le président jusqu'au 21 du mois, c'est à dire jusqu'à ce que le plébiscite aura décidé d'accepter ou de rejeter les institutions proposées. Qu'elles soient acceptées je n'en doute pas. J'ai passé ma journée au ministère de l'Intérieur, d'où je vous ai envoyé des nouvelles par le télégraphe. Léopold Le Hon (Fils de la comtesse Le Hon, amie de Morny) m'a prêté son concours obligeant.L'épisode le plus contrariant de la journée a été le rassemblement d'environ deux cents députés à la mairie du 10è arrondissement, où ils décidèrent la déchéance du Président et la nomination du général Oudinot à la tête de l'armée du Parlement - qui ne manquait d'ailleurs que de soldats. Les députés furent conduits entre deux files de soldats depuis la mairie jusqu'à la caserne du quai d'Orsay et - je le sais par l'un deux - insultés par le peuple sur leur passage. Je déplorais que Broglie fût parmi eux. Maintenant, grâce à Dieu, il est chez lui. Les autres, Barrot, Berryer, Piscatory, etc., etc., sont ou à Vincennes ou au firt du Mont-Valérien. A la caserne du quai d'Orsay, quand Piscatory dit au général Forey : "Vous faites là un jolie métier, général", Forey lui répliqua : "Vous ferez bien, monsieur, de ne pas faire l'insolent, parce que je vous ferais donner des coups de crosse.Vous ne pouvez pas vous imaginer combien l'armée est enthousiaste...Toutes les nouvelles de Paris et des départements sont bonnes. Les noms de Bonaparte et de Napoléon semblent magiques. Mme de Lieven est dans une joie qui confine à l'extase, Marion Ellice de même ; je suppose que son oncle s'apitoye sur le petit Thiers ; il est le seul."
Napoléon III (Castelot / Perrin / p.672)
Dans l'entourage de l'Empereur (Emile Dard / Plon / p.61)
Morny, l'homme du second empire (Dufresne / Perrin / p.144)
Flahaut (Françoise de Bernardy / Perrin / p.311-312)
Le coup du 2 décembre (Henri Guillemin / Gallimard / p.351, 360 et 390)
Le secret du coup d'Etat (Guedalla-Kerry / Emile-Paul 1928 /p.160 à 163)
Le duc de Morny / Marcel Boulenger / Hachette / p.56-57
Son élégance le duc de Morny (Augustin-Thierry / Amiot-Dumont / p.132)
toute la correspondance échangée entre Charles de Flahaut et sa femme Margaret Mercer Elphinstone