" Ah ! mon vrai ami, écrit-elle à M. Le Roi, le 18 janvier 1836, quelle douleur nous éprouvons ! Ma seconde petite-fille, (Clémentine-Marie-Hortense de Flahaut, décédée à Paris le 5 janvier 1836. Ce prénom d'Hortense, rappel discret d'un passé à jamais disparu, prouve que Mme Charles de Flahaut n'avait point la jalousie rétrospective.) âgée de quinze ans, nous a été enlevée après huit jours de maladie, belle, forte, et un ange pour le caractère et la bonté. Mon fils (Un dernier mot sur la carrière et la vie de Charles de Flahaut, qui n'apparaîtra plus au cours de ce récit. En 1837, au moment de son mariage, le duc d'Orléans, qui l'avait particulièrement remarqué au siège d'Anvers, le choisit comme premier écuyer lorsqu'il formait sa maison. Flahaut ne conserva pas longtemps ce poste. Pendant tout le règne de Louis-Philippe le salon de sa femme eut une certaine importance politique. M. de Flahaut paraissait rarement à la tribune de la Chambre des Pairs. Il était du petit nombre des membres de cette assemblée qui votaient constamment contre les lois restrictives des libertés publiques. C'était un libéral anglais dans toute l'acception du terme (Cf. Piel de Troismonts, Diplomates et Hommes d'Etat de la France moderne, 1856). En 1841, il fut nommé ambassadeur à Vienne, poste qu'il conserva jusqu'à la Révolution de février. Le Gouvernement provisoire le mit à la retraite par un décret du 17 avril 1848 et, lorsque l'Assemblée législative eut annulé cette mesure par un décret du 11 août 1849, il ne demanda pas à rentrer dans les cadres. Au 2 décembre 1851, il se mit à la disposition du Président de la République et fit partie de la commission consultative nommée alors. Créé sénateur en 1853, il fut appelé en 1854 à faire partie de la commission instituée pour recueillir la correspondance de Napoléon 1er, puis nommé ambassadeur à Londres en novembre 1860. Il perdit sa femme le 12 novembre,1867, et il rnourut lui-même, grand chancelier de la Légion d'honneur, le 1er septembre 1870. Plusieurs membres encore existants de la haute société parisienne qui ont fréquenté sous 1'Empire à la Grande Chancellerie se souviennent encore des manières exquises et tout à fait dans le goût du XVIIIè siècle que le fils de Mme de Souza conserva jusqu'à sa mort. Mme de Flahaut demeure généralement en leurs mémoires sous un aspect plus austère. Il est inutile de rappeler ici la carrière suffisamment connue d'Auguste de Morny qui, attaché dans sa jeunesse à la dynastie d'Orléans, imita Charles de Flahaut dans sa nouvelle et naturelle évolution vers le Gouvernement impérial. M. de Flahaut survécut à Morny et assista ses derniers soupirs. Si, comme on le prétend aussi, il avait été témoin des derniers moments de M. de Talleyrand, on peut dire, en songeant aux heures poignantes vécues par cet homme en face de deux moribonds auxquels nuls liens ne l'attachaient aux yeux du monde et dont la douleur devait se manifester discrètement, que l'histoire surpasse parfois la tragédie.) est au désespoir, et moi je regrette cette petite de tout mon coeur. Avant-hier, ma vieille Polly est tombée et s'est cassé le bras. A tout cela, une de mes nièces, fort dévote, (Probablement Mme de Capellis.) dit en soupirant : " C'est tout simple. L'année commence par un vendredi. " Je ne crois pas à cette fatalité, mais je crains le froid pour votre catarrhe. Donnez-m'en de vos nouvelles, cher ami, et croyez bien que personne, je dis personne, ne vous est plus attachée que votre vieille amie. Vous le voyez : j'ai eu besoin de vous dire que j'avais de la peine. "
(notes du baron André de Maricourt)
Madame de Souza et sa famille (baron André de Maricourt / Emile-Paul frères / p.373-374)
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