Lettres de Madame de Souza à son fils Charles de Flahaut | Dossier 12 | une lettre du 30 juillet 1830

CHAN 565 AP 9
Correspondance familiale
Lettres de Madame de Souza à son fils Charles de Flahaut

Dossier 12

une lettre du 30 juillet 1830

Madame de Souza
à son fils Charles de Flahaut
(pièce 190)

30 juillet 1830

Ah, que je regrette (pour moi et surtout pour Auguste) que vous ne soyez pas ici dans ce moment. Il est impossible de le tenir, il veut aller se battre, le bruit des fusils, l’odeur de la poudre lui ont porté à la tête, enfin il va se faire enrôler dans la garde nationale.

J’ai vu la première révolution, eh bien, je vous déclare que le peuple était moins animé, sa volonté se montrait moins fortement, et on a vu ce qu’il a fait. Le Roi ne sait pas lui-même quelle masse il a soulevé, mais la cour aimait la France, moins les Français, et c’était trop connu. Cependant, il y avait dans la feuille du Constitutionnel d’hier, un mot qui pourrait le sauver encore une fois, c’est : le Roi n’est pas libre. ce qui est sûr, c’est que s’il revient, ce ne sera plus que l’ombre d’un Roi. Il faut convenir que son parti a bien … Toutes les boutiques sont fermées. Husson (?) m’a dit qu’hier une livre de veau coûtait 3 francs, je crains qu’on ne veuille affamer Paris, parce qu’autour de Paris, les troupes royales sont réunies. Le grand Car… s’est fièrement démené, les voilà où ils désiraient. On n’a pas prononcé le nom du dauphin ni du duc d’Orléans ni d’un côté, ni de l’autre, quelques cris de « Napoléon » . Je joins ici la feuille du Constitutionnel qui vient de paraître. Ce sont les nouvelles d’un parti, je ne sais pas celles de l’autre car il y a quatre jours que je ne suis sortie, toutes les rues sont coupées par des montagnes de pavés. M. de Polignac avait déclaré la ville en état de siège, le peuple a pris cela au mot, toutes les armes royales sont arrachées de toutes les boutiques. M. de La Fayette et le duc de Raguse finissent comme ils ont commencé. On dit le duc de … tué. On a volé le fusil d’Auguste … est dans la gade nationale, le drapeau tricolore est partout et surtout sur les Tuileries. J’ai entendu hier un homme ivre chanter à tue-tête la Marseillaise, et le peuple de rire et d’applaudir. On a, dit-on, pendu le préfet de Rouen, et vous allez voir toutes les grandes villes imiter Paris car il en a été ainsi dans tout le cours de la révolution. Le bruit des rues est qu’on va aller attaquer la garde royale. ce matin, à dix heures, elle est toute entière sous le plan de Grenelle. Il se pourrait que cela changeât le point de ta question. Ah ! Où est Marguerite dans un moment si intéressant ! Le petit Alexis vient de me dire que le gt provisoire venait d’envoyer une députation à Saint-Cloud pour engager le Roi gentiment à abdiquer. Que voulez-vous dire par gentiment, ai-je repris? – Mais oui madame, doucement et sans plus répandre de sang. Tous ces mêmes propos, toutes ces mêmes enseignes royales arrachées, je les ai entendus et vus au retour de vacances. C’est la même chose absiolument. Mais que je suis aise que vous soyez tous à Brighton (?) et que je voudrais qu’Auguste y fût avec vous.

Le premier jour, le Roi avait cassé l’école polytechnique, il ne savait pas que le sceptre d’un roi constitutionnel est un roseau peint en fer, qu’on le brise quand on agit contre la loi. Hier, l’ambassadeur d’Angleterre avait envoyé un courrier, il a été arrêté à la barrière.
Adieu, je fermerai ma lettre dans une heure si je sais quelque chose. Voici le Constitutionnel d’aujourd’hui. Mme la duchesse de Bari a fait venir les élèves de …, de St-Cloud leur a présenté, remis son fils pour les engager à le défendre. Je ne sais ce qu’est devenu M. de Polignac et comment il aura pu sortir de Paris.
Aguste est avec Edgard et Alays chez le beau-père de leur frère. Il me fait dire que les députés vont proclamer le duc d’Orléans. Je ne vous envoie pas le Constitutionnel parce qu’Husson s’en charge. On dit que M. de Mortemart est qui plaide au Comité pour l’innocence du Roi qui a été trompé. Adieu, cher ami, je vous embrasse tous. Tous les coins de Paris sont remplis d’affiches contre Marmont, où il est repris depuis 1814. C’est le comité des députés qui veut le duc d’O… Le Roi a écrit à Gérard pour lui donner plein pouvoir de tracter en son nom. Mais comme Roi.
Je vous embrasse tous.
Le drapeau tricolore et la cocarde sont partout. Les Anglais se promènent avec des rubans aux trois couleurs à leur boutonnière.

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